mercredi 22 février 2017

Présidentielles 2017. Note 19. Un suffrage pas si universel que ça !


S'engage, jusqu'au 17 mars, un deuxième temps intermédiaire mais décisif.

Le point au 22 février 2017
par Jean-Pierre Dacheux

Nous voulons, au cours des mois qui vont continuer de s'écouler, analyser l'évolution de la situation politique pendant la campagne électorale qui s'est ouverte depuis la fin 2016. Chaque texte, daté, numéroté et modifiable, s'ajoute aux précédents présentés sous le même titre : (« Avec ou sans primaires » puis... « Voici venu le deuxième temps, intermédiaire et décisif »). Il peut être contredit, sans doute, parfois, par les événements. Fin mai 2017, nous regrouperons, en un seul et même document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer cette activité politique chronologique.

De l'abstention au PRAF (Plus Rien À Foutre »), y a-t-il recul du vote citoyen ?

1 - Il faut y regarder de très près avant de dire que le suffrage universel est encore privilégié par les Français.

Dans le suffrage universel, le corps électoral est constitué par tous les citoyens qui ont la capacité électorale, par opposition au suffrage censitaire dans lequel ne votent que les contribuables payant un montant minimal d'impôts.

En France, l'adoption du suffrage universel masculin date de 18481 et celle du suffrage universel féminin de 19442 : pendant près d'un siècle, le suffrage universel n'a donc eu d'universel que le nom puisqu'il ne concernait que les « mâles » excluant ainsi plus de la moitié de la population en âge de voter.

2 - En 2017, à en croire La lettre de la Citoyenneté n°145, de janvier-février 2017 (page 4), 13 millions de citoyens pouvant théoriquement voter, sont non ou mal inscrits. 7,2 millions restent inscrits dans une commune où ils ne résident plus. 2 millions sont inscrits dans un mauvais bureau de vote de leur ville. 3,5 millions sont, tout simplement, non inscrits dont de nombreux anciens immigrés pourtant naturalisés depuis plus ou moins longtemps.

Si l'on ne prend en considération que les données de la présidentielle de 2012, sur un peu plus de 46 millions d'inscrits, (2 millions de plus qu'en 2007), près de 20% s'étaient abstenus (4% de plus qu'en 2007), presque 5% avaient voté blanc ou nul (à peine plus qu'en 2007) et, donc, ne s'étaient exprimés que 75,68% des inscrits très exactement (contre 83,97% en 2007).

L'élection présidentielle est celle qui est la plus fréquentée par les électeurs. Si, à présent, on ne prend en considération que les données de la plus récente des élections, (celle des régionales de décembre 2015), pour un peu moins d'inscrits qu'en 2012, plus de 41% s'étaient abstenus, les votes blancs et nuls (pour la première fois dénombrés de façon séparée) n'avaient pas dépassés, ensemble, les 3% et, donc, ne s'étaient exprimés que 55,57% des inscrits très exactement.

3 - Il faut relever que les résidents étrangers originaires d'un pays de l'Union européenne peuvent, théoriquement, voter aux élections européennes et municipales, s'ils sont inscrits sur des listes électorales spécifiques, mais 20% seulement sont inscrits (notamment des Portugais et des Anglais3). Près de 5 millions d'étrangers « non européens » - y compris des ... Suisses ! - n'ont pas le droit de vote. « Quand on contribue à la richesse nationale, à payer des impôts, il est légitime de participer à la discussion de son usage local » (Edwy Plenel, sur France-Inter, le 29-12-2016).

En bref, comme ce fut le cas pour le vote féminin, la France est à la traine en n'acceptant pas que votent (et pas seulement aux élections locales !) tous ceux qui vivent sur son sol.

4 – Ceux qui ne votent pas ne sont pas tous des abstentionnistes. Les empêchés (malades, prisonniers ayant perdu leurs droits civiques, voyageurs éloignés des lieux de vote...) ne se désintéressent pas nécessairement de la politique. Il est d'ailleurs différentes formes d'abstention.

Dès 1888, Octave Mirbeau, publiait, dans Le Figaro d'alors (les temps on changé!) : La grève des électeurs4. Il est rejoint, un siècle plus tard, par les « Prafistes », selon le terme inventé par Brice Teinturier de l'IFOP. Ce néologisme désigne ceux qui, n'attendant plus rien des élections, s'éloignent des urnes, mais continuent à observer la situation politique. Il leur semble que tout est bloqué et que rien ne peut plus bouger et surtout pas par le moyen du bulletin de vote tant les citoyens sont formatés, conditionnés, impuissants et dominés par les professionnels de la communication.

On aurait tort de tout confondre : les « j'menfoutistes », les incultes, les déçus, les irrités et les abstentionnistes politiques..., car même si le résultat est le même (le retrait), il faut admettre que redonner de la vie et de l'espérance aux citoyens commence par oser sortir des institutions qui non seulement ont fait leur temps, mais interdisent toute créativité politique, notamment celle qui s'exprime hors des partis.

1.  C'est la seconde République qui a ouvert, le 5 mars 1848, le droit de vote à tous les Français (à l'exclusion des Françaises!). Le premier à en avoir profité fut Louis-Napoléon Bonaparte, élu président, qui la renversa et devint, quatre ans plus tard, l'empereur Napoléon III, jusqu'en 1870 et la défaite de Sedan, face à la Prusse.
2.   Les femmes françaises ont commencé à voter lors des élections municipales du 29 avril 1945 par exécution d'une ordonnance de Charles De Gaulle, à la tête du Gouvernement provisoire signée à Alger, le 21 avril 1944.
3   Que vont pouvoir exprimer ces derniers, dans l'avenir, après le Brexit, même s'ils résident depuis longtemps en France et fréquemment comme propriétaires ?
4   Octave Mirbeau, La grève des électeurs, réédité (ce n'est pas un hasard), chez Allia, à Paris, en 2009.

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