samedi 24 novembre 2012

La France, pays des droits de l’homme mais pas des Roms


Le 21 novembre dans Médiapart on pouvait lire :

Après Aurore, Bianca ?
 

Par philippe alain
 
Le 15 novembre 2012, une jeune femme est arrêtée avec son bébé. Après vérification de son identité, la police s’aperçoit qu’elle est sous le coup d’un mandat d’arrêt européen (MAE).

Le MAE a été conçu, après les attentats du 11 septembre, pour faciliter l’extradition entre les pays de l’Union Européenne. Ce mandat permet à un pays d’extrader jusqu’à ses propres ressortissants pour des faits qui ne sont pas pénalement répréhensibles chez lui, mais qui le sont dans le pays émetteur du mandat. La liste des faits pour lesquels un MAE peut être émis est longue. Elle comprend en particulier le terrorisme, le détournement d’avions, la traite des êtres humains, le trafic d’armes, le viol…

C’est sur la base d’un tel mandat qu’Aurore Martin, militante basque, a été extradée, le jeudi 1er novembre, vers l’Espagne où elle risque 12 ans de prison pour avoir participé à des réunions publiques d’un mouvement autorisé en France mais interdit en Espagne.

Bianca est donc arrêtée avec sa fille Maria. La police appelle la mère de Bianca pour qu’elle vienne récupérer le bébé car elle va passer la nuit en prison en attendant sa présentation devant la justice. Le lendemain, le Procureur Général réclame l’incarcération immédiate de la jeune fille. L’avocat commis d’office fait valoir qu’elle possède des garanties de représentation suffisantes et obtient son assignation à résidence en attendant que la justice se prononce. Bianca aura donc pointé donc, tous les jours, au commissariat de son quartier, jusqu’au jeudi 22 novembre, date à laquelle la chambre d’instruction devait statuer sur la demande d’extradition.

Bianca est Rom, originaire de Roumanie. Elle à 17 ans et demi et son bébé à 13 mois. Elle a été condamnée à 3 ans et 6 mois de prison ferme pour un vol commis dans un magasin en Roumanie à l’âge de 15 ans. Si Bianca est extradée, elle sortira de prison à 21 ans, si elle en sort. Sa fille, elle, aura presque 5 ans.

Condamner une jeune fille à 3 ans et demi de prison ferme pour un vol commis à l’âge de 15 ans est totalement inconcevable en France. C’est pourtant une pratique courante à l’encontre des enfants roms en Roumanie, pays qui possède une réputation internationale pour la façon exemplaire dont elle traite les Roms. C’est probablement pour cette raison que tant de familles fuient ce pays. /.../

Ignorant probablement la situation des Roms en Roumanie et plus particulièrement celle des enfants, le Procureur Général, lui, a d’ores et déjà demandé l’extradition de Bianca.

Si la France, pays des droits de l’homme, traite Bianca comme elle a traité Aurore, elle détruira la vie d’un bébé de 13 mois et d’une jeune fille de 17 ans dont le principal crime est d’être nés Roms.

Elle montrera également une fois de plus un dysfonctionnement majeur dans les institutions européennes permettant de renvoyer des enfants d’un pays où ils sont protégés, vers un pays où ils sont pourchassés, discriminés et condamnés à des peines totalement disproportionnées.

http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-alain/211112/linjustice-europeenne-apres-aurore-bianca


La dégradation quotidienne de la vie citoyenne dans notre pays nous bouleverse.  Si l'Europe, au lieu de protéger les enfants, les enferme et les détruit, et si la France contribue à cette chasse aux Roms, il y aura rupture et nous nous mettrons hors des lois injustes.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran



lundi 5 novembre 2012

Le cas Aurore Martin.

 

Aurore Martin, militante française du mouvement basque Batasuna1, sous le coup d'un Mandat d'Arrêt Européen (MAE), a été arrêtée et extradée vers l'Espagne dans des conditions qui nous semblent bien douteuses, voire entachées d'illégalité.

La procédure du MAE est la suivante :

Lors d’un contrôle d'identité, un passage de frontière, où que l’on se trouve en Europe, on peut donc être repéré et arrêté lorsqu’un MAE est signalé sur les fichiers policiers et judiciaires européens.
Une fois arrêtée, la personne menacée d’extradition a le droit d’être informée du contenu du mandat, de voir un avocat et d’être assistée d’un interprète.
Elle peut être placée en détention.
L’avocat n’a pas accès au dossier constitué par le pays demandant l’extradition. Il n’est donc pas en mesure de défendre sur autre chose que sur la forme. Sa présence peut donc s'avérer symbolique.
De toutes façons, la chambre d’instruction ne juge que la forme : elle vérifie le remplissage en bonne et due forme du formulaire de demande d’extradition et vérifie que rien ne s’oppose à son exécution.
La personne à extrader doit être présentée au procureur dans les 48 heures.
Celui-ci, après avoir vérifié son identité, doit lui notifier le contenu du MAE et l’aviser de son droit à être assistée d’un conseil.
Elle doit ensuite comparaître devant la chambre de l’instruction dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de sa présentation au procureur (l’audience peut être publique).
La chambre statue alors dans délai de sept jours si la personne a exprimé son consentement à être extradée, et dans un délai de vingt jours si elle n’a pas consenti. Le non-respect de ce délai doit théoriquement entraîner la mise en liberté de la personne réclamée.
Si la chambre d’instruction a autorisé l’extradition, il est possible de se pourvoir en cassation dans un délai de trois jours francs (article 568-1 du code de procédure pénale). La Cour de cassation dispose alors d’un délai maximum de quarante jours pour prendre sa décision.
Enfin, l’article 695-37 prévoit que la personne est remise à l’autorité requérante dans un délai de dix jours à compter de la date à laquelle la décision est devenue définitive, ce délai étant prolongé de dix jours en cas de force majeure. Le détenu doit théoriquement être libéré en cas de dépassement de ces délais.

D'après les sources officielles, Aurore Martin a été arrêtée vers 16 h 00 et remise aux autorités espagnoles, le même jour, vers 20 h 00, soit environ 4 heures plus tard.

L'extradition d'Aurore Martin, citoyenne française pose, au premier chef, des questions sur la légitimité d'une décision au regard de sa légalité, ce n'est pas là le sujet principal de notre billet. Mais, en plus, les conditions de son extradition ne semblent pas avoir respecté les procédures et le droit.

Fallait-il, quitte à ne pas respecter la procédure, aller vite pour éviter les réactions de l'opinion publique française et complaire à nos « amis » espagnols ? Si tel est le cas, cette décision n'a pas pu être prise au simple niveau local, ainsi qu'on le laisse entendre, mais au plus haut niveau national.


Comme nous aspirons à ne pas vivre dans une république bananière, où les décisions sont prises par le monarque et ses courtisans, nous demandons, comme simples citoyens qui entendent que l'État de droit s'applique à tous sans distinction, que toute la lumière soit faite sur cette obscure affaire.

1  Le mouvement Batasuna considéré comme terroriste est interdit en Espagne, il est autorisé en France.


Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

jeudi 1 novembre 2012

L'Islande, une leçon de démocratie ?

 


Avez vous entendu commenter ce fait : samedi 20 octobre 2012 près d'un Islandais sur deux est allé voter. Pratiquement aucun commentaire... Même "à gauche".

Il faut dire que, ce jour-là, les Islandais, décidément mauvais garnements du libéralisme, ont pu nous donner de mauvaises idées et des leçons de démocratie.

À une large majorité des votants, les Islandais ont voté, en effet, en faveur du projet d'une nouvelle constitution, rédigé par un groupe de 25 simples citoyens élus, aidés par un large débat sur internet auquel pouvaient participer tous les Islandais. Une révolution capitale car, si la nouvelle constitution est définitivement adoptée par le Parlement, elle marquera la prise en main de leur destin par les citoyens.

Pour comprendre, revenons sur l'histoire récente de l'Islande :



A partir d'octobre 2008, l'Islande entre dans des turbulences économiques et financières très importantes entrainant un effondrement du système bancaire et la nationalisation des trois principales banques du pays. Pourtant un an avant, en octobre 2007, le Figaro décrit en ces termes « le miracle islandais » : « le chômage est inexistant, la dette minime et les dix dernières années l'économie s'est accrue de 4,5 % par an en moyenne. » Dans le même temps, le FMI, très optimiste, écrit : « les perspectives à moyen terme de l'Islande restent enviables, les marchés ouverts et très souples et les institutions très saines... »

Grisées, les banques islandaises pratiquent des stratégies risquées qui les conduisent à l'effondrement ; la couronne islandaise perd près de 50 % entre janvier et octobre 2008 et la hausse des prix est de plus de 14 %. En août 2009, le Parlement islandais accepte de rembourser, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, plus de 5 milliards de dollars.  (Chaque Islandais devrait alors verser l'équivalent de 100 euros par mois pour rembourser la dette des banques). Sous la pression populaire, le Président islandais décide de soumettre l'adoption de l'accord financier à un référendum et le 6 mars 2010, le « non » est largement majoritaire. 

L'année suivante, le Parlement islandais approuve un nouvel accord permettant d'étaler les remboursements entre 2016 et 2046, à un taux d'intérêt de 3 %, ce nouvel accord soumis au vote populaire en  avril 2011 est, encore une fois, rejeté.

Dans le même temps et principalement à partir de janvier 2009, beaucoup d'Islandais sont dans la rue à taper sur des casseroles pour exiger le départ du gouvernement et la rédaction d'une nouvelle constitution. 


Birgitta Jonsdottir, députée, résume ainsi la situation : il s'agissait de demander « une vraie séparation des pouvoirs, d'empêcher les élus d'agir dans leur propre intérêt et de protéger les ressources naturelles ». Les « révolutionnaires » qui se mobilisent après la faillite financière de leur pays ont gain de cause : le gouvernement démissionne et un nouveau projet de constitution est mis sur les rails selon un processus participatif.
N'est ce pas la première fois qu'un peuple s'approprie ainsi la rédaction de sa propre constitution ?

Début novembre 2010, 1 000 personnes sont tirées au sort, elles réfléchissent pendant une journée en listant les grandes valeurs de l'Islande, et le 27 novembre 2010 un groupe de 25 Islandais « ordinaires » (525 personnes se sont présentées) est élu par les Islandais.

Dès le départ, le travail des 25 a été rendu public sur internet. La transparence est totale et 4 000 contributions et commentaires sont consignés. Le texte est remis 29 juillet 2011 au Parlement. 114 articles, en 9 chapitres, qui modifient sensiblement l'équilibre des pouvoirs, instaurent des mécanismes démocratiques nouveaux comme le référendum d'initiative populaire et intègrent des garanties importantes quant aux libertés.

Au départ, tous les partis étaient favorables à la réforme. Mais la droite a rapidement compris que le processus risquait de la conduire à une catastrophe car derrière les grands principes se cachent de lourds enjeux politiques. Pour les partis de droite, cette nouvelle constitution est considérée comme une bombe qu'il s'agit de désamorcer au plus vite. Ils contestent la légitimité du processus et font tout pour l'enterrer. La révolution constitutionnelle islandaise, magnifique aventure démocratique, risque de sombrer dans les oubliettes de l'histoire.

Birgitta Jonsdottir, optimiste, constate : «  en Islande, nous avons un avantage : la bureaucratie est très légère et nous avons la possibilité de changer rapidement les lois. L'Islande peut être le laboratoire de la démocratie ... »


Nul ne sera surpris que les droites soient hostiles à ce processus et qu'elles prennent tous les prétextes pour enterrer le projet si elles redeviennent majoritaires au Parlement en avril 2013.

Il est tout de même consternant que des mouvements politiques qui se disent attachés aux principes démocratiques soient contre le principe de cette démocratie directe inédite qui a fait des propositions dont tout le monde politique, toutes couleurs confondues, dit qu'elles sont intéressantes et réalisables.

Est ce que cela ne serait pas la preuve :
- Que les droites ne sont pas aussi démocrates et républicaines qu'elles veulent le faire croire ?
- Qu'elles sont plutôt pour le principe d'une démocratie oligarchique, c'est-à-dire au service d'une minorité assurant sa domination par le pouvoir et l'argent.
- Qu'elles pratiquent un jeu politique basé sur l'hypocrisie, la manipulation et le mensonge.

Les partis politiques, de toutes couleurs, savent confisquer aux citoyens leur pouvoir, et ce n'est pas le droit de vote, tel qu'il se pratique, qui n'est qu'un marché de dupes, une illusion de démocratie, un alibi utile aux leaders politiques qui peut changer l'ordre des choses ou plutôt leur désordre !

« Il faut regagner le contrôle de nos vies ! » comme le dit encore la députée islandaise Birgitta Jonsdottir, en donnant du pouvoir à la société civile.

Cela reviendrait, en France, à abolir la constitution de 1958, creuset d'un système monarchique, qui ne dit pas son nom, pour établir une vraie République démocratique, fondée sur les grands principes de liberté, d'égalité et de fraternité enfin pris en compte.

Il faut faire fonctionner notre société dans le bon sens : qu'elle soit au service de l'homme et pas l'homme au service de la société.

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux