jeudi 28 février 2013

Stéphane Hessel est vivant


Stéphane Hessel meurt en pleine jeunesse, à quatre-vingt-quinze ans.
Sa traversée du siècle n'a pas altéré son intuition première : on peut vivre autrement.
Le poète et le politique, en lui, ne se sont pas dissociés.
Il a uni réalisme et utopie.
Il a rendu compatibles réforme et radicalité.
Sa vie, son histoire, sa pensée, ses engagements donnent à espérer.
S'il nous appelle à nous indigner, ce n'est pas seulement pour protester.
Les plus jeunes des citoyens l'ont bien compris ainsi : il faut changer de vie.
Changer de vie, pas changer la vie en général.
Changer de monde, pas changer le monde avec des mots sans contenu.
Les discours de toutes les célébrités pèsent moins que le total de nos pratiques.
Stéphane Hessel ne s'opposait pas aux partis, mais il n'en fut pas l'otage.
Sa pensée resta libre, dense, claire et engagée.
Son engagement non-violent n'était pas celui d'un doctrinaire mais d'un pacifique.
Son engagement antinucléaire était total : l'humanité se met en péril avec l'atome.
Son engagement pour la Palestine était irréversible, sans haine pour Israël.
Son engagement de Juif non-sioniste l'aura fait pourtant haïr de nombre d'Israéliens.
Son engagement contre le fascisme le conduisit à Buchenwald, puis à Dora.
Son engagement pour les droits humains fut constant, dès 1948 avec René Cassin.
Son engagement pour la justice sociale était celui d'un subversif porteur d'espoir.
Son engagement écologique l'a conduit aux côtés des militants de ND des Landes.
Son engagement politique est celui d'un passeur : il a vécu la double appartenance.
On n'en finirait pas de relever ses engagements.
Il ne faut pas en finir du reste : Stéphane Hessel est bien vivant en nous.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran


 

lundi 11 février 2013

Biométrie, données personnelles et vie privée.




La biométrie est une technique qui permet d'établir l'identité d'une personne en mesurant une de ses caractéristiques physiques. En mesurant les caractéristiques physiques d'un individu, on collecte ses données personnelles, c'est à dire des éléments de sa vie privée, de son intimité.

Raymond Forni, qui fut Président de la CNIL, affirmait : « Face à ces dangers - ceux des risques d'atteinte aux données personnelles - nous devons conserver une attitude prudente et responsable ».
Il avait raison mais n'a pas été entendu.

Il est indispensable d'encadrer de façon absolue l'utilisation de la biométrie, de toutes les formes de biométrie.
Nous avons à réfléchir sur ces sujets qui mettent en cause jusqu'au fondement de nos civilisations et nous devons légiférer pour encadrer ces technologies. On ne peut pas considérer les données biométriques de chaque individu comme une marchandise commerciale en laissant la sphère économique faire à sa guise.
A ce jeu là, dans quelques temps, quelques années au plus, on glissera, à la naissance, sous la peau de nos enfant une puce avec son code ADN.
Bien sûr, face à ces développements, on entend le chant de sirènes qui susurrent :
« Mais, quel progrès ….. ainsi nous pourrions sauver plus de vie au urgence à l'hôpital ….. nous pourrions soigner les maladies héréditaires ... nous éviterions tous les crimes ... nous pourrions … , etc »
Ce que ne disent pas les sirènes, c'est que le « pouvoir » pourrait sans obstacle surveiller et soumettre l'ensemble de la société.

On distingue aujourd'hui deux catégories, la biométrie sécuritaire et la biométrie de confort.

En ce qui concerne la biométrie sécuritaire, il y a une différence essentielle, fondamentale pour les libertés, entre son utilisation en surveillance préventive et quotidienne des citoyens (sécurité policière) et son utilisation pour retrouver le coupable d'un crime (sécurité judiciaire).
L'idée d'utiliser la biométrie de manière préventive est dangereuse pour les libertés individuelles et collectives, Raymond Forni disait : « Dans une démocratie, je considère qu’il est nécessaire que subsiste un espace de possibilité de fraude. ….... J’ai toujours été partisan de préserver de minimum d’espace sans lequel il n’y a pas de véritable démocratie. » Nous ne pouvons que partager ces propos de bon sens et rejeter l'utilisation « a priori » de la biométrie qui installerait une société totalitaire et coercitive confisquant toutes les libertés.

En ce qui concerne la biométrie de confort, de quoi parle-t-on ? qu'est-ce que la biométrie de confort ?
- L'utilisation des empreintes palmaires pour accéder à une bibliothèque ou une cantine sous prétexte de ne pas perdre sa carte individuelle ; belle avancée éducative, mais aussi beau rendement financier pour les installateurs et la maintenance.
- C'est faire démarrer son automobile ou son ordinateur grâce à son empreinte digitale ?
- C'est demander à un société américaine de comparer son ADN avec celui de son petit dernier ?
Les exemples sont innombrables …
Et à bien y regarder, il s'agit d'une biométrie de confort « sécuritaire » : droit/interdiction d'entrée, droit/interdiction de faire démarrer une voiture, un ordinateur, certitude sur sa paternité.
Idées singulières du confort, en l'occurrence, il semble surtout que le confort est seulement celui des industriels et des financiers.

Il y a une notion fondamentale des droits de l'homme, trop souvent négligée, qui est que à chaque droit individuel correspond le droit individuel de l'autre. D'ailleurs, l'article 29 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948 le confirme : « L'individu a des devoirs envers la communauté ….. »
Puisse que l'individu a des devoirs envers la communauté ….. la communauté a des devoirs envers l'individu ... en conséquence, le modèle économique dominant devrait se préoccuper des droits des hommes, du respect de leurs données personnelles et de leur vie privée. Pourtant son crédo, avec l'appui des gouvernements, est trop souvent la recherche de profits rapides et faciles.
C'est un danger pour les libertés et les droits fondamentaux.


Nous ne devons pas nous rendre complices des agissements de ce système économique inégalitaire et liberticide qu'il est indispensable et urgent de dénoncer et de combattre avec force.
Ces systèmes, qu'avec notre passivité partagée, la société met, aujourd'hui, en place, ne laissent pas ce minimum d'espace nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie.

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

dimanche 10 février 2013

Le Libéralisme ... démesure et inégalités.






Il y a près de 2500 ans, Aristote a forgé pour qualifier la tendance d’un individu à rechercher, en usant de ruses et de stratégies, le profit en vue de l’acquisition de richesses et de leur jouissance, le mot chrématistique, et les Grecs, employaient le mot hybris ou hubris pour qualifier toute outrance dans le comportement, tout sentiment violent né de l'orgueil qui allait jusqu'au dépassement des limites, la démesure en quelque sorte.

Les événements qui ont conduit à la crise de civilisation que nous traversons actuellement sont caractérisés par ces deux mots, chrématistique : amour de la monnaie, de l’argent, jouissance de la richesse, et hubris : démesure.
Ce sont elles qui sont la cause de l’explosion de l’économie financière, du formidable décalage entre économie spéculative et économie réelle et la cause du dérèglement écologique planétaire.

Chaque jour, les transactions financières représentent en moyenne 8000 milliards de dollars. Seulement environ 3 % de cette somme sont liés à l’économie réelle soit 240 milliards de dollars, le reste n’est que spéculation et économie virtuelle.

Quelques autres données annuelles donnent le vertige :
- La publicité mondiale : 500 milliards de dollars,
- Le marché des stupéfiants : 500 milliards de dollars,
- Le marché de l’armement : 400 milliards de dollars.

En regard de ces sommes démesurées, on a calculé qu’en mettant seulement 40 milliards de dollars de plus sur la table on pourrait régler les problèmes d’eau potable, de faim, de soins de base et la question du logement dans le monde.
Dans le même temps, les États européens, pour sortir de la crise financière qu’ils ont eux-mêmes engendrée, ont injecté dans leur économie 1000 milliards de dollars et le FMI estime à 4.054 milliards de dollars les pertes liées à des dépréciations d'actifs financiers américains (2.712 milliards), européens (1.193 milliards) et japonais (149 milliards).

Ces milliards de dollars où peuvent-ils les prendre ?
Le plus simplement du monde … dans notre poche, celle des contribuables.
Sont-ce les contribuables qui doivent éponger les pertes de l’économie casino, cette formidable machine à produire des inégalités, cette démesure, cette hubris ?
250 ultra riches ont, actuellement, l’équivalent de la fortune et des revenus de 2.5 milliards d’êtres humains !

En France, on a été capable de mettre sur la table 15 milliards de cadeaux fiscaux aux riches et on a toutes les peines du monde à trouver 1.5 milliards pour le revenu de solidarité active (RSA) destinés aux plus pauvres qui d'ailleurs, par dignité, n'en profitent pas tous.

Déjà en 1930, Keynes affirmait : « c’est n’est pas une crise économique, c’est une crise de l’économie, c’est une crise de la surproduction, et nous risquons à terme une dépression nerveuse collective ».

La seconde guerre mondiale a retardé l’échéance et il a fallu attendre 80 ans pour que sa prédiction se réalise.
La même année, Freud, dans son livre Malaise dans la civilisation faisait un constat similaire sur le psychisme collectif et les pulsions mortifères des sociétés.
Henri Ford disait qu’une entreprise était en danger lorsque le salaire du PDG était dix fois supérieur au salaire le plus bas de l’entreprise, aujourd’hui nous dépassons le rapport démentiel de 1 pour 1000, si ce n’est plus.

Il faut arrêter le massacre, s’il n’est pas trop tard, et considérer une autre façon de faire fonctionner la société. Il faut sortir de l’hubris général qui nous conduit au désastre avec la concomitance entre la crise écologique, la crise sociale et la crise financière.

Aujourd'hui, il ne faut pas traiter d'un côté la crise financière en récitant le crédo de la croissance et de la règle d'or, comme le fait l'actuel exécutif "socialiste", tout en oubliant ou en feignant de traiter la crise écologique et la crise sociale.

La théorie de la grande maison TERRE est première par rapport à nos petites maisons. Si la grande maison est en danger, alors qu’en est-il de nos petites maisons ?

Il faut reconsidérer la richesse et nos relations à la société. Savoir :
- Quel est le sens réel de nos vies ?
- Dans quelle société nous voulons vivre ?
- Quelle société nous voulons laisser à nos enfants ?

La chrématistique et son corollaire, l'hubris, sont les mécanismes du creusement des inégalités et du pillage des ressources de la planète.
On parle d’homo sapiens sapiens, mais comme le dit Edgar Morin, on ferait mieux de parler d’homo sapiens demens parce que notre génie et notre folie sont fortement imbriqués, à moins que cette crise de civilisation nous conduise à devenir vraiment sapiens sapiens.

 
Essayons de rester optimistes...
Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux