mercredi 30 mai 2012

Deuil-la-Barre, histoire d'une schizophrénie communale.




Deuil-la-Barre est une commune tranquille de la banlieue nord de Paris, au pied de la colline de Montmorency. Deuil-la-Barre serait restée anonyme, si un Montmorencéen prestigieux, Jean-Jacques Rouseau, n'avait souvent arpenté, dans les années 1755-1760, le territoire de cette commune pour rendre visite à son amie, Mme d'Épinay, qui y possédait une demeure, malheureusement détruite, le château de la Chevrette. C'est, durant ces années, avant qu'il ne soit politiquement contraint de repartir vers la Suisse, que « le citoyen de Genève » écrivit  Le Contrat social,  son œuvre maîtresse qui, selon les historiens, a inspiré la Déclaration des Droits de l'Homme d'août 1789 et toute la philosophie de la Révolution.

Le 28 juin 2012, nous commémorerons le 300ème anniversaire de sa naissance et de nombreuses communes de la vallée de Montmorency ont prévu de rendre hommage au philosophe. De son côté, la municipalité de Deuil-la-Barre a programmé, tout au long de l'année, sept manifestations différentes (expositions, concerts, pièce de théâtre, débats, etc...) avec, pour point d'orgue, le 19 octobre prochain, une conférence intitulée : « Rousseau et le Contrat social ».

Cet engouement pour Jean-Jacques Rousseau et sa philosophie pourrait laisser accroire que la commune de Deuil-la-Barre est particulièrement respectueuse des droits fondamentaux, du respect de la dignité des personnes et de la devise des sans-culottes, officialisée par la IIème République,  Liberté, Egalité, Fraternité , gravée dans la pierre du fronton des bâtiments publics. D'autant que, le 9 décembre 2011, veille de l'anniversaire de la signature de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, cette municipalité inaugurait, dans sa mairie, une salle René Cassin, rédacteur de la DUDH, grand défenseur des opprimés et des précaires, prix Nobel de la Paix 1968, et elle demandait, à cette occasion, à la Ligue des Droits de l'Homme d'animer une conférence.


Eh bien, force est de constater qu'il en est rien : les Deuillois pratiquent, ou laissent leurs édiles pratiquer, le double langage et sont ainsi atteints de schizophrénie. Vivent les droits de l'homme de papier, de publicité, de démagogie..., mais pas les vrais, ceux dont ont besoin les minorités pour vivre dans la dignité.

Depuis deux ans, il existe à Deuil-la-Barre un petit campement de Roms. Ils ne sont pas nombreux, une cinquantaine tout au plus, cachés, car en dehors des zones d'habitations. Là où ils sont, ils ne gênent vraiment personne.

Une poignée d'irréductibles citoyens, respectueux, ceux-là, des valeurs rousseauistes ou plus simplement de la solidarité due à son prochain, leur vient en aide pour adoucir leur quotidien. Les enfants, scolarisés, sont parfaitement à leur place dans les écoles. Un projet d'insertion, plus ambitieux, est à l'étude.

Las, des « bien-pensants » défenseur de l'ordre public (le leur), préoccupés par le respect de leur « supériorité », méfiants à l'égard de toutes les différences, ont travaillé, dans l'ombre, à l'expulsion de ce petit groupe. Certains freins, actionnés par des hommes de bonne volonté, ont empêché une première expulsion. Qu'à cela ne tienne, les mêmes ont fait pression sur la propriétaire du terrain, un verger en friche, pour qu'elle demande cette expulsion à la justice. Ces « romaphobes » l'ont évidemment obtenu puisque le droit de propriété est prioritaire dans notre société.

Et comme de nouveaux freins à l'exécution de cette expulsion se mettaient en place, indirectement, sans même faire appel à la force publique, par la peur, ils ont fait, par huissiers ou gendarmes interposés, pression sur les malheureux Roms, pacifiques et non-violents, dont certains ont préféré partir de leur propre chef.

Partir, pour aller où ? Mais, bien sûr, à 100 m de là, dans une autre partie de la friche, ou dans la commune d'à côté, avant d'avoir à recommencer leur tragique errance, dès la prochaine expulsion. Dans quelques jours, ce campement pourrait bien se retrouver vide et les schizophrènes, satisfaits, (admirateurs de Rousseau, mais jusqu'à un certain point !) pourront, croient-ils, dormir tranquille !

Mais jusqu'à quand allons nous accepter pareille hypocrisie !

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

lundi 28 mai 2012

Dépassons les élections

Nous savons tous que, là où il n'y a pas d'élections, il n'y a pas de démocratie.
Nul n'ignore, pourtant, que des élections, même libres, ne garantissent pas la démocratie.



Les citoyens ne s'y trompent plus.
Certes, les électeurs ne subissent pas de contraintes directes.
Ils votent, bien qu'ils n'attendent de l'élection rien d'autre que leur éviter le pire.
Ils votent, bien qu'ils déplorent la sinécure du cumul scandaleux des mandats.
Ils votent, bien qu'ayant perdu confiance en leurs élus.
Ils votent, bien qu'ils refusent de plus en plus que la politique soit la seule affaire des partis.
Ils votent, bien qu'ils ignorent, le plus souvent, les conditions d'organisation des scrutins.

S'agissant des élections législatives, notamment, qui vont se dérouler, par circonscription, les 10 et 17 juin, les Français ne se préoccupent plus que d'une seule question : la majorité présidentielle sera-t-elle ou non confortée ?

Ils n'ont pas, comme premier  souci, de comprendre que l'élection uninominale, à deux tours, par circonscriptions, découpées par le Ministère de l'intérieur, est aussi peu démocratique que possible.

Ils n'ont pas comme principal souci de comprendre que l'élection qui élimine, au soir du premier tour, tout candidat qui n'a pas obtenu 12,5% des inscrits, a pour objectif d'éliminer toute représentation des "petits partis" au Parlement.

Ils n'ont pas comme autre souci de savoir si l'élection va permettre que soient posées les questions majeures qui se posent à la France et à l'Europe. Non, ils vont faire un transfert de confiance. La messe est dite. Il va falloir donner sa chance à celui sur qui tout reposera, donc lui offrir une majorité prête à voter ce qu'il proposera, et quels que soient ceux qui composeront cette nouvelle majorité "hollandienne".

On va donc faire impasse sur le fonctionnement de la démocratie, comme on a fait impasse sur le contenu radicalement écologique des questions qui vont s'imposer à nous. La constitution française délègue le pouvoir, non plus principalement au Parlement mais à celui dont tout dépend et qui sera, qu'il le veuille ou non, que cela nous plaise ou pas, et pour cinq ans, un monarque "républicain".

Seule une aggravation de la situation économique et sociale pourrait faire intervenir le peuple dans son fond, c'est-à-dire de telle façon que les élus ne puissent que voter les textes qu'ils ne sont pas aujourd'hui prêts à voter et qui nous feraient sortir de ce dont nous souffrons le plus : l'abandon de nos responsabilités à ceux que nous avons choisis et qui, cependant, seuls, ne peuvent s'en tirer tant est brutale la chute de l'économie mondiale.

Il nous faudra plus que des élections pour redonner espoir aux Français. L'échec des sortants était nécessaire ; il ne saurait être suffisant. Il n'y a ni "crise", ni "relance de la croissance" qui puissent être comprises, en Europe, alors que nous ne sommes déjà plus dans un dysfonctionnement de la machine économico-politique mais déjà confrontés à sa rupture. 

La tentation de trouver toutes sortes de boucs émissaires sera de plus en plus sensible, mais c'est l'Europe qui va, bientôt, nous préoccuper : chaque État ne peut plus faire face à ce qui le menace si l'on décide pour lui. La Grèce, l'Espagne, ou l'Italie, en attendant les autres, vont nous amener à reconsidérer ce qu'on attend d'une élection : le droit à l'autodétermination qui n'est pas incompatible avec l'organisation d'un partage sans frontières. 

Majorités et minorités sont devenues fugaces et on aura beau tout faire pour prédéterminer le vote des citoyens, rien n'y fera : les faits vont imposer des changements que ni les partis, ni les gouvernements, ni les citoyens n'avaient même imaginé au moment des votes.
Votons donc, mais sans illusion : l'essentiel est déjà ailleurs, un ailleurs qu'il nous appartient de construire.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran





dimanche 20 mai 2012

Claude Guéant, un bon artisan ?



Claude Guéant, le sinistre de l'intérieur de la monarchie sarkozienne, fut un bon artisan. Il a fini , il a peaufiné plutôt son travail. C'était un besogneux.
En effet, avant de laisser sa place, et alors que son mentor était battu à l'élection présidentielle ou, plutôt, à cause de ce revers, il s'est empressé, les 6, 7 et 8 mai, de signer quelques décrets en rapport direct avec le fichage.
Il est vrai que la fonction de "chef de la police" génère un dysfonctionnement pathologique qui peut conduire à l'obsession permanente de vouloir tout connaître de ses concitoyens.
Nous espérons vivement que le nouveau locataire de la place Bauveau s'est soigné, préventivement, contre ce syndrome.

Ces décrets qui sont l'achèvement de la partie police de la LOPPSI 2 1 autoriseront la fusion des deux principaux fichiers de police – STIC 2 et JUDEX 3 – en un nouveau fichier nommé TAJ 4 et l'interconnexion avec le plus important des fichiers judiciaires – CASSIOPÉE 5 au travers d'un nouveau logiciel NS2I 6. Mais qui va savoir cela ?

Véritable usine à gaz, c'est un monstrueux cadeau empoisonné qui vient d'être laissé au nouveau gouvernement ! Pour bien comprendre la situation, il faut faire connaissance avec les différents constitutifs du système global.

Le STIC est le plus important fichier policier. 45 millions de personnes y figurent (68 % de la population) – dont 6,5 millions de justiciables (mis en cause et suspects) dont on a enregistré les noms, prénoms, pseudonymes, dates et lieux de naissance, situations familiales, filiations, nationalité, adresse, profession, signalement et photographie (face et profil) - et, pour 38,5 millions de victimes, les mêmes données, sauf les photographies. Le STIC, fut mis en œuvre expérimentalement en 1985, puis en grandeur réelle en 1994 et, comme le JUDEX, il fonctionna de manière clandestine jusqu'à sa légalisation en 2001 7. Les données sont stockées de 20 à 40 ans, pour les suspects et, au maximum, 15 ans pour les victimes. Près de 100 000 personnes sont habilitées à consulter ce fichier et l'on estime à 20 millions le nombre de connexions annuelles.
Le problème fondamental de cet énorme fichier est son manque de fiabilité. Dans un rapport de 2009, la CNIL a estimé que seulement 17 % des fiches sont exactes. Les erreurs proviennent, principalement, de défauts d'actualisation des informations (non-lieux, acquittements, relaxes). On estime que 35 % des erreurs sont imputables au ministère de l'intérieur et 65 % au ministère de la justice, car si le fichier est renseigné par les policiers, ce sont les procureurs qui devraient assurer la mise à jour. 

 

JUDEX. Mis en service en 1985/1986, ce fichier a fonctionné pendant 20 ans dans la clandestinité, en dehors du respect de la loi Informatique et Liberté de 1978. Il a été légalisé seulement en 2006. Il répertorie 10 millions d'affaires dont 2,15 millions de personnes mises en cause. En avril 2005, la CNIL 8 a dénoncé le manque de mise à jour du fichier, notamment pour le recrutement du personnel de sécurité, tout en reconnaissant qu'il était mieux « tenu » que le STIC, (en effet, seulement... 48 % d'erreurs ont été constatées !).

Le TAJ est le nouveau fichier issu de la fusion du STIC et du JUDEX. Lors de sa délibération, la CNIL a estimé que « des mesures concrètes devront être prises pour que les données soient exactes et mises à jour » afin que le nouveau fichier n'hérite pas de la montagne d'erreurs accumulées.

Dans deux rapports parlementaires, de 2009 et 2011, les députés Delphine Batho9 (PS) et Jacques-Alain Bénisti (UMP), avaient insisté auprès du gouvernement sarkozien pour que les fichiers soient nettoyés, sans succès, puisque Claude Guéant, magnanime, fait cadeau à ses successeurs de ces véritables écuries d'Augias informatiques.

Pas tout à fait, tout de même, car avec la plus grande des perversités, l'ex ministre de l'intérieur a décidé « pour nettoyer » le STIC et le JUDEX d'interconnecter le TAJ avec CASSIOPEE (j'espère que vous suivez toujours ! ).

CASSIOPÉE a été mis en œuvre en 2009, plus de 16 mois avant qu'il ne soit déclaré officiellement à la CNIL 10 par le ministère de la justice, pour enregistrer les informations relatives aux plaintes et aux dénonciations reçues par les magistrats. CASSIOPÉE comporte un nombre considérable de données concernant les personnes mises en examen, les témoins, les victimes et les parties civiles pour des durées qui varient de 10 à 30 ans.
En outre, le décret portant création de CASSIOPÉE a été publié au Journal Officiel en omettant soigneusement de publier l'avis de la CNIL, et, pour cause, car dans son avis, elle déplorait « l'absence de sécurisation » de l'accès aux données personnelles.

L'idée, qui peut paraitre judicieuse, de prime abord, est de pouvoir, à terme, mettre à jour, de façon automatisée, le TAJ, grâce aux informations de CASSIOPÉE, et d'en finir ainsi avec des personnes fichées comme mis en cause alors qu'elles sont blanchies par la justice.

Sauf que, faute de moyens financiers et humains 11, de concertations, de compétences, CASSIOPEE est un désastre12 qui entraine un dysfonctionnement inquiétant de la justice13.

Et le 7 mai 2012, par un autre décret, à marche forcée, le toujours (pour 3 jours) ministre de l'intérieur officialisait, en plus, l'interconnexion de CASSIOPÉE avec le Casier Judiciaire National et élargissait, ainsi, de façon sensible, le nombre de personnes qui pouvaient accéder au fichier.

En fin de compte, il ne s'agissait pas d'artisanat, ni d'un besoin de terminer un travail inachevé mais, plus simplement, pour M. Guéant, d'une mission de sabotage destinée à mettre en difficulté les ministères de l'intérieur et de la justice à venir, en décrétant la validation de systèmes inapplicables.

J'espére que les nouveaux ministres sauront déminer les bombes à retardement mises en place par le pouvoir sarkozien dont la seule constance fut la désintégration de la société française au profit d'une oligarchie corrompue et cynique.

J'attends des responsables nommés par le nouveau président qu'ils respectent les promesses faites, et particulièrement en ce qui concerne le contrôle social, la remise à plat de l'ensemble des fichiers policiers et administratifs, dans la stricte utilité nécessaire au fonctionnement de la République et au respect des libertés et des droits fondamentaux.


Jean-Claude Vitran

1   LOPPSI : Loi d'Orientation et de Programmation pour la performance de la Sécurité Intérieure.
STIC : Système de Traitement des Infractions Constatées, c'est un fichier de la police nationale.
JUDEX : Système Judiciaire de Documentation et d'EXploitation, c'est un fichier de gendarmerie.
TAJ : Traitement des Antécédents Judiciaires.
CASSIOPEE : Chaine Applicative Supportant le Système d'Information Oriente Procédure pénales Et Enfants.
NS2I : Nouveau Système d'Information dédié à l'Investigation, c'est un logiciel de fonctionnement.
On peut s'interroger sur le respect de la démocratie et des citoyens dans notre pays.
CNIL : Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés.
Delphine Batho vient d'être nommée ministre déléguée à la justice
10  Le ministère de la justice a lui aussi la capacité à ne pas respecter les lois.
11  La réforme de la carte judiciaire de Rachida Dati est passée par là.
12  Note de l'union syndicale des magistrats : http://www.union-syndicale-magistrats.org/web/upload_fich/publication/npj/npj_398/36_npj_398.pdf
13  Plus de 100 000 jugements en instance d'exécution en 2011.


mardi 15 mai 2012

Le Président Hollande adoubé.


C'est ainsi en France : le Président de la République ne saurait être "normal". François Hollande le voudrait. Il l'a dit. Mais déjà il n'y peut plus rien. Il sera, comme ses prédécesseurs, un monarque républicain.  Il va entrer dans l'armure du commandeur, personnage protégé et chef des armées. Ainsi le veut la Constitution de la Ve République.

La médiatisation forcenée des valets du pouvoir personnalisé continue. Elle nous formate et nous empêche de penser la politique française dans un autre cadre. Hier, c'était pour nous contraindre à voter dans le système électoral tout fait qui conduit le peuple citoyen à ne plus s'intéresser qu'à la seule élection présidentielle (les autres étant subalternes, y compris les législatives - on le verra bientôt -). Aujourd'hui, c'est pour nous faire accepter que la France reste gouvernée par un seul homme, entouré de ministres et conseillers efficaces et qualifiés, mais qui ne peuvent être que des subordonnés.

Si respectable que puisse être le personnage qui vient d'entrer dans les habits élyséens, la politique veut que, sauf modifications institutionnelles improbables, il devienne ce qu'il n'est pas encore : un prince ! Nous resterons donc en monocratie tant que le peuple constituant (nous, les Français) n'aura pas imprimé sa volonté d'accéder à une République véritable, décentralisée et déconcentrée, quel qu'en soit le numéro.

Car l'actuel état de fait contient, en ce siècle, plusieurs risques majeurs. 

Combien de temps subsistera cet isolement de la France en Europe ? Nulle part, n'y existe ce faux dualisme politique (un Président de la République ayant tous pouvoirs, occupant  la tête de l'État avec un Premier Ministre qui n'est que fictivement chef du gouvernement ).


Qui ne voit que le Parlement (Assemblée et Sénat) n'a plus d'autre utilité que celle de "donner une majorité au Président". Députés et sénateurs voteront les lois qu'on leur demandera de voter, mais le contrôle du pouvoir et l'initiative de ces lois ne leur appartiendront pas plus qu'auparavant. La cinquième République, à la différence de la troisième et de la quatrième Républiques, n'aura jamais été parlementaire mais elle l'est de moins en moins. Ce qui est l'inévitable cause de dysfonctionnements démocratiques quasi automatiques.

Subsistent cependant quelques espoirs. 

Le premier serait que les événements qui s'annoncent bousculent le pouvoir au point de l'amener à adapter la République française à notre temps, c'est-à-dire, disons le clairement, en modifiant la constitution, laquelle est non seulement obsolète mais incompatible avec une Europe des citoyens, maîtresse de son destin.

Le second serait que la volonté politique du nouveau Président le conduise à se rechercher une place originale dans l'histoire de France : celle du Président qui "déprésidentialise" sa fonction, afin de permettre un partage effectif des responsabilités à tous les niveaux des institutions existantes (au reste trop nombreuses et trop empilées et donc à simplifier).

La troisième, enfin, serait que les questions majeures, passées sous silence pendant la campagne électorale, et pour la plupart écologiques, soient rencontrées vraiment, travaillées enfin, et proposées aux citoyens comme autant de chantiers où ils pourront s'impliquer.

Au moment où la "croissance" est mise en avant comme opposée à l'austérité, une formidable occasion est offerte : celle de l'examen du contenu de cette croissance qui n'a pas valeur en elle-même et qui ne doit pas être déployée au prix d'endettements nouveaux. La confusion entre croissance et activité n'a jamais été aussi lourde. Il faut renoncer aux productions inutiles et ouvrir de nouvelles possibilités d'action économiques. Ce n'est pas la même chose !

Puisse le nouveau Président animer une équipe et non pas la soumettre à ses ordres. Il y va de sa double responsabilité : d'une part, démocratiser un pays qui a perdu, peu à peu, sa capacité d'initiative politique, trop longtemps confisquée par les partis et, d'autre part, relancer non pas la croissance mais, aussi, la capacité d'initiative économique, dans un esprit de justice, de partage et de sobriété - le mot a été lâché au cours des cérémonies d'investitures, ce 15 mai 2012 -.

Mais attendons la suite, afin de savoir où les citoyens que nous sommes vont pouvoir intervenir.



Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

mercredi 9 mai 2012

L'avenir s'est rouvert en France, le 6 mai. Quel rôle allons-nous y jouer ?

 
Le 6 mai, avec le succès électoral de François Hollande, une page grise de notre histoire de France s'est tournée. La page nouvelle à écrire, qui n'est pas même prévisible, va-t-elle permettre d'ouvrir des éventualités qui n'étaient pas encore envisageables,voici quelques jours ? Grands sont les espoirs et les dangers mêlés !

Le retrait de Nicolas Sarkozy nous satisfait non pas principalement parce que sa personne était devenue insupportable, mais parce que sa politique, sans rien masquer, allait dans la direction nationaliste, antisociale et antiécologiste pouvant conduire la France et l'Europe vers de multiples violences larvées ou aiguës.

Les questions dont dépend notre sort, lequel n'est décidément plus strictement national, ne pouvaient trouver leurs réponses dans une élection confortant le présidentialisme et la démocratie d'opinion.

Nous avons l'ambition de poser des questions qui sont déterminantes et passent avant la recherche de changement du personnel politique.

On n'échappera pas, ainsi, à la remise en cause des choix énergétiques, et notamment nucléaires, que rencontre le Japon mais aussi nombre de pays européens qui ne veulent plus se retrouver sous l'épée de Damoclès d'un accident fatal, du type Tchernobyl ou Fukushima.

On n'échappera pas davantage au réexamen de notre politique de défense qui, elle aussi, dépend d'une orientation nucléaire surannée et ne peut plus se penser dans un cadre national strict. L'abandon unilatéral par la France de notre force de frappe, qui allégerait nos dépenses et ouvrirait une nouvelle ère dans les relations internationales, apparaît comme l'une des urgences à traiter.

On n'échappera jamais plus à ce que le réchauffement climatique signifie : la surconsommation et le gaspillage universels qui nous font produire à tout-va sans que les besoins essentiels d'une population mondiale en augmentation ne soient, partout, satisfaits.

On n'échappera donc pas à la question que les hommes politiques de gauche comme de droite éludent : l'impossibilité de relancer la croissance que nous avions connue par le passé, tout en continuant à se fermer les yeux sur les limites planétaires que l'humanité a enfin rencontrées depuis que nous savons que les ressources non renouvelables s'épuisent.

Enfin, on n'échappera pas à l'exigence d'une sobriété pouvant, seule, nous permettre la réalisation de politiques de partage lesquelles s'imposent si nous ne voulons pas voir ressurgir, au XXIe comme au XXe siècle, des conflits immenses et épouvantables.

Ces questions, considérables, ont toutes leurs traductions dans des politiques locales et pas seulement au plus haut niveau. Entre la démocratie de gouvernement et la démocratie d'égalité il doit y avoir de moins en moins de contradiction. Le choix des citoyens engagés dans l'action politique est sans ambiguïté : sans partage effectif, la démocratie n'est qu'un mot.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran 


lundi 7 mai 2012

Austérité et croissance.



Les Grecs viennent d'exprimer leur refus d'une société où triomphent les politiques d'austérité. Ce qu'ils subissent peut se produire ailleurs en Europe, les mêmes causes produisant les mêmes effets.

Les Français viennent d'élire François Hollande président de la République française qui a fait campagne pour une relance de la croissance en Europe. Mais de quelle croissance et de quelle Europe s'agit-il ?

Voici des mois qu'on affirmait, notamment par l'intermédiaire de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, que le retour de la croissance passait par une nécessaire austérité économique compte tenu de l'endettement de plusieurs États européens.


Austérité et croissance se contredisent. On ne peut, à la fois, diminuer les revenus et augmenter la consommation. Il n'est pas davantage possible de faire reculer le chômage et de réduire l'activité.

C'est du moins ce qu'affirment les économistes "classiques". En réalité, on confond austérité et rigueur, croissance et activité.

L'austérité consiste à faire payer à tous la nécessaire rigueur. C'est là une injustice violente qui conduit à punir ceux qui ne sont pour rien dans la régression économique et à épargner ceux qui ont gaspillé allègrement les ressources d'un pays.

La rigueur consiste à pratiquer une politique économique contrôlée qui partage les efforts au prorata des possibilités de contribution et qui élimine impitoyablement les gaspillages ruineux.

La croissance, (telle qu'on en parle de façon quasi sacralisée et sans esprit critique !), consiste à augmenter le volume des activités, quelles qu'elles soient, pour produire davantage de biens consommables, et de profits.

L'activité (industrielle, agricole et commerciale) consiste à produire et à distribuer ce dont la société a besoin, aujourd'hui, et à inventer les techniques et les outils avec lesquels pourront être satisfaits les besoins des sociétés futures.

En clair, il faut de la rigueur et il faut de l'activité pour que les peuples vivent en équilibre. Par contre, une croissance indéfinie et mythique, conjuguée avec une austérité injuste et brutale, conduit à un déséquilibre politique générateur de conflits sociaux majeurs.

La croissance et son associé, le productivisme, ont engendré un laisser-faire économique qui pervertit toute liberté d'entreprendre et constitue un véritable laxisme économique. L'abandon de ce laxisme économique ne conduit pas à sacrifier les politiques sociales !  Produire moins n'importe quoi pour peu que ça rapporte, mais produire plus ce qui manque encore d'essentiel dans notre vie quotidienne, tel est l'enjeu. Le gâchis généralisé est à l'origine de ce qu'on aura appelé à tort "la crise", comme s'il suffisait d'attendre que chute la fièvre sans soigner une maladie mortelle.

Sans une autre approche économique devenue écologique c'est-à-dire n'allant plus au-delà de l'exploitation des ressources renouvelables, l'impasse planétaire est totale. Avec sept, bientôt neuf milliards d'êtres humains sur Terre, le toujours plus est non seulement insensé, il est devenu dangereux. 

Nous sommes entrés dans un âge où la sobriété s'impose sous peine d'impossibilité de partager. S'y opposent, bien entendu, cyniquement, ceux qui veulent que perdurent leurs privilèges, quel que soit le prix à payer et quitte à sacrifier des générations entières.

Au lendemain d'une élection, en France, qui porte un coup d'arrêt à l'injustice considérée comme une nécessité incontournable, le travail intellectuel et politique qui s'annonce est des plus difficiles, mais il redevient possible d'espérer. L'avenir n'est pas "rose" mais il s'est rouvert. À nous d'y intervenir avec lucidité et efficacité.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran






samedi 5 mai 2012

Regagner le terrain perdu dans le champ des idées.



En 2007, Nicolas Sarkozy avait gagné sur le terrain des idées. Il avait convaincu que plus de travail fournirait plus de ressources, de profits individuels donc de bien être.

Il n'en fut rien. La croissance indéfinie est un mythe. L'austérité s'est emparée de plusieurs pays d'Europe et la France ne pourra y échapper.

Même électoralement battu, le président sortant va continuer, par l'intermédiaire de tous ceux qui ont contribué à la mise en place de sa politique, à influencer les élites politiciennes.

Qui va contester, demain, avec efficacité, la croissance, le productivisme et le recours aux énergies carbonées ou nucléaires ?

Débarrassée de ses excès, la même doctrine économique va continuer de sévir. Ses servants auront simplement changé... de noms.

Regagner le terrain perdu dans le champ des idées ne dépend pas de la seule victoire électorale de François Hollande, laquelle, nécessaire, est loin d'être suffisante.

Les questions essentielles affectant la sécurité des êtres humains et qui nécessitent des solutions dont les effets puissent courir sur plus d'un mandat de cinq ans, ne seront pas abordées de front. On peut, d'ores et déjà, en être persuadé parce que cela nécessiterait un bouleversement intellectuel auquel nous ne sommes pas prêts.

Prendre le pouvoir sans pouvoir rien faire d'autre que ce que l'on est contraint de faire est une illusion.

Savoir, penser, rêver. Tout est là. Victor Hugo.

C'est aux citoyens de s'emparer des événements et des dossiers qui vont surgir devant nous si nous ne voulons pas retomber dans l'ornière sarkozienne laquelle s'est profondément enfoncée dans toute l'Europe.

"Le changement maintenant" n'est pas le changement de personnel politique d'abord ; c'est le changement dans les idées qui dominent l'économie, l'écologie et la politique nationale, européenne et planétaire. Et c'est ce défi idéologique qu'il faut relever si nous ne voulons pas voir, en 2017, revenir un émule de Sarkozy.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran


mercredi 2 mai 2012

Le Charlatan démasqué.


Le 11 février 2008, nous avons fait paraitre un texte pour nous interroger sur l'identité de la personne publique à qui pourrait s'appliquer la définition du mot "charlatan".
Nous prenions même la précaution d'ajouter que toute ressemblance avec un personnage existant serait, évidemment, fortuite.
Nous reprenons aujourd'hui ce texte, car même s'il y a 4 ans, nous avions une petite idée, nous connaissons maintenant son identité avec certitude.
Inutile de le nommer, vous le reconnaitrez aisément !

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux


À qui pourraient bien s'appliquer ces définitions?


Le dictionnaire définit ainsi le mot charlatan :
- Vendeur ambulant qui, monte sur une estrade, attire les clients au moyen d’histoires, d’astuces, de tours de passe-passe et autres.
- Dans un sens figuré, personne qui prétend posséder des dons qu’elle n’a pas, qui recourt à des procédés malhonnêtes pour obtenir la notoriété.
Un charlatan est un escroc ou un imposteur; cela peut être une figure de la vie publique, un homme politique, qui pratique alors la charlatanerie sur une tribune.
L’important, dans ce portrait, c’est le fond de cynisme et de ruse qu’il suggère.
Le charlatan a beau se présenter comme un prosélyte, détenteur d’une vision, d’une mission supérieure, tout cela n’est « qu’astuces et tour de passe-passe ». Il n’y a en lui aucune conviction réelle, et c’est un opportuniste uniquement soucieux de s’emparer du pouvoir.

Nietzsche disait : « Chez tous les grands imposteurs, il faut noter un phénomène remarquable auquel ils doivent leur puissance. Dans l’acte même de la tromperie, parmi toutes les préparations, le caractère émouvant donné à la voix, à l’expression, aux gestes, au milieu de cette puissante mise en scène, il leur arrive soudain de croire en eux-mêmes. C’est cette foi qui parle alors à leur entourage et le soumet comme par miracle. Cette duperie de soi même est nécessaire pour que les uns et les autres exercent une action d’envergure. Car les hommes croient à la vérité de ce qui fait manifestement l’objet d’une foi solide ».
Mais, il rajoutait : « Ce qui me bouleverse, ce n'est pas que tu m'aies menti, c'est que désormais, je ne pourrai plus te croire. »