jeudi 30 mars 2017

Ne pas voter. Voter blanc. Se décider au dernier moment ?



Le troisième et dernier temps d'une campagne à surprises

Le point au 29 mars 2017. Note 31 à J-25
par Jean-Pierre Dacheux

Nous voulons continuer d'analyser l'évolution de la situation politique pendant la campagne électorale ouverte, en réalité, depuis la fin 2016. Chaque texte, daté, numéroté et modifiable, s'ajoute aux précédents présentés et, depuis le 20 mars, sous le titre : « Le troisième et dernier temps d'une campagne à surprises » Chacun de ces textes peut être contredit, sans doute, parfois, par les événements. Fin mai 2017, nous regrouperons, en un seul et même document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer cette activité politique chronologique.


Cette journée du 29 mars 2016 fera date ! On court d'événement en événement. « La campagne à surprises » n'en finit pas de nous étonner. Le « feuilleton » présidentiel est vraiment sans égal ! Cela nous conduit-il vers un mieux ? Vers des changements, oui, certainement, mais vers un mieux, c'est encore impossible à dire !

1 – Une indécision multiforme

Dans moins d'un mois, le premier tour de l'élection présidentielle sera terminé. Le mode de scrutin qui ne laisse en lice que deux candidats révèle toute sa nocivité. Faut-il voter alors que l'élection d'un monarque, fut-il républicain est intrinsèquement antidémocratique ? Faut-il voter blanc pour exprimer et sa volonté de voter et son refus de participer à un choix truqué où l'on se voit proposer de voter contre et non pour ? Faut-il attendre une dernière décantation des candidatures avant de se déterminer ? Trois positions, inconfortables, d'où l'on ne peut satisfaire le besoin d'un urgent renouveau ...

Que nous disent les enquêtes d'opinion si l'on y cherche autre chose que l'indication des places actuelles des concurrents dans cette course au pouvoir ?

A – Jamais, à une élection présidentielle, on n'a envisagé un tel taux d'abstention égal ou supérieur à 30%. Est-ce une tendance irréversible ou la manifestation d'un trouble profond au sein de l'opinion alors qu'un grand nombre d'électeurs ne savent encore qui choisir ?

B – À cela s'ajoute l'indétermination parmi les électeurs décidés à voter qui atteindrait 40% d'entre eux ! Autrement dit la « cristallisation » n'est pas faite et tout pronostic est imprudent.

C – Marine Le Pen dont on a fait un épouvantail, ne fait plus, tout en restant à un haut niveau d'intentions de vote, la course en tête. Quant à la voir élue présidente, au terme du second tour, aucune source de sondage ne l'a encore donnée gagnante.

D - Emmanuel Macron se voit obligé de prendre des distances avec nombre de ceux qui se rallient à sa candidature ! Il y a trop plein. Il y a confusion. Il y a tentative de se sauver de la part de ceux qui quittent les deux navires en perdition : les « Républicains » et le PS.

E – Benoît Hamon a gagné une primaire organisée et voulue par un parti qui le lâche. Ce jour aura été le jour d'annonciation de la fin du Parti d'Épinay puis de Mitterrand. Il ne structurera plus la Vème République et, s'il ne disparaît pas, il va rejoindre les partis groupusculaires comme le parti radical ou le parti communiste. Celui qui voulait débaptiser le parti « socialiste », Manuel Valls, a réussi à le tuer.

F – Jean-Luc Mélenchon a creusé un écart avec Benoît Hamon de l'ordre de 5 points, selon les derniers sondages. Comment, dans ces conditions pourrait-il se ranger derrière le candidat des socialistes fidèles à leur parti, lequel est déserté, disloqué et, désormais, sans objectif politique clair. Abandonné par nombre des siens, Benoît Hamon, quels que soient ses mérites, l'intérêt de ses propositions et son courage, n'est plus en mesure de l'emporter. Jean-Luc Mélenchon est condamné à tenter l'impossible : parvenir à dépasser Fillon (le candidat de droite fait tout ce qu'il faut pour lui faciliter la tâche) puis à rejoindre Macron (si le candidat se met en marche arrière en devenant, pour les électeurs, le réceptacle de toutes les contradictions et de toutes les « combinaziones »). Quoi qu'il arrive, Mélenchon reste, de fait, le seul représentant d'une gauche nouvelle sociale et écologique, mais nul ne sait, pas même lui, sans doute, jusqu'où la France insoumise va s'élever ...

2 – Du « cabinet noir » où l'on veut nous enfermer afin qu'on n'y voit plus clair.

Pénélope Fillon est, à son tour, mise en examen. Est-ce le coup de grâce pour son époux. Ce n'est pas sûr. Il bouge encore et puis il accuse : un « cabinet noir » téléguidé par François Hollande, est chargé d'assurer sa perte, sa « mort », dit-il !

Le « cabinet noir » aurait été voulu et installé par Richelieu. Il s'agissait de contrôler, surveiller et, le cas échéant, éliminer, les opposants au Roi. Depuis, tous les pouvoirs ont fait fonctionner des officines politiques faites pour informer et protéger les Chefs d'État. François Fillon, ancien premier Ministre, en sait assez pour pouvoir évoquer ces moyens para légaux. De là à affirmer qu'il en est victime, c'est aller trop vite en besogne.

Car le « cabinet noir », quand il existe, est bien plus qu'un moyen de renseignement utilisé par tout pouvoir central. C'est un outil criminel permettant d'écarter du pouvoir, par tous les moyens, autant les proches indociles que les adversaires. C'est l'obscurité opposée à la transparence. Bref ce n'est pas parce que les services secrets existent que les accusations portées par la Justice à l'encontre de François Fillon sont suspectes ! La meilleure défense est-elle toujours l'attaque ? La vérité se fabrique-t-elle dans les souterrains de l'Élysée ? Si c'était le cas, et si c'est tellement condamnable, pourquoi vouloir, coûte que coûte entrer dans ce palais présidentiel ? Il y a bien là une tentative complotiste visant à disqualifier quiconque révèle des fautes pouvant nuire à la candidature du candidat le plus en difficulté. Les journalistes, les juges et les services de police seraient, dans leur ensemble, les premiers suspects. Ce n'est plus du complotisme, c'est de la paranoïa ...

3 – Que nous réservent les jours à venir ?

Ce sont moins les événements qu'il faut surveiller que l'évolution des rapports de force. Les sondages en disent « un peu » mais sont loin de tout dire. Les questions de fond n'ont pas toutes été exposées :

• Que deviennent les institutions de la 5ème République si les deux principaux piliers de la politique française, le PS et le RPR-UDR-UMP, devenus les « Républicains » s'effondrent ?

• Qu'est-ce qu'une politique « et de droite et de gauche » ? Est-ce dans ce salmigondis politique que va entrer la France ?

• Le « c'est la faute des autres », qui tient lieu de politique au Front national, peut-il perdurer longtemps ou n'est-il pas, seulement, le refuge temporaire des victimes, nombreuses, des politiques successives de la doxa économique libérale ?

• Les mythes de la croissance et du plein emploi vont-ils apparaître pour ce qu'ils sont : le refus des évolutions inéluctables qui bouleversent notre civilisation ?

• Le parti des Verts (EELV) va-t-il, lui aussi, sombrer avec le PS, alors que l'écologie va dominer la pensée politique internationale dans un monde meurtri par les conséquences d'une activité humaine dominée par la recherche du profit maximal ?

• Le résultat de l'élection présidentielle bouclera-t-il le vaste débat engagé ou ne sera-t-il qu'une étape avant des élections législatives dont il n'est même pas possible de savoir si elles dégageront une majorité de gouvernement ? Quelle suite à cette période tourmentée allons nous vivre, et que peut-elle être dans une Europe en recomposition ou en décomposition mais dont nous restons membres ?

Bref, non seulement les questions ne manquent pas (et il en est bien d'autres, déjà connues ou qui vont surgir), mais la question des questions émerge un peu plus chaque jour : la démocratie véritable est-elle possible et viable. Autrement dit, quel va être le rôle des citoyens dans la France nécessairement nouvelle qui est en train de se chercher ?

lundi 27 mars 2017

Des invités dans la campagne : l'interpellation écologique.



Le troisième et dernier temps d'une campagne à surprises 

Le point au 26 mars 2017. Note 30 à J-28
par Jean-Pierre Dacheux

Nous voulons continuer d'analyser l'évolution de la situation politique pendant la campagne électorale ouverte, en réalité, depuis la fin 2016. Chaque texte, daté, numéroté et modifiable, s'ajoute aux précédents présentés et, depuis le 20 mars, sous le titre : « Le troisième et dernier temps d'une campagne à surprises » Chacun de ces textes peut être contredit, sans doute, parfois, par les événements. Fin mai 2017, nous regrouperons, en un seul et même document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer cette activité politique chronologique.

1 - Un quitte ou double citoyen.

Depuis 1974, à chaque élection présidentielle, un candidat écologiste s'était présenté. Avec le ralliement de Yannick Jadot à Benoît Hamon, l'écologie politique (la vraie, pas celle que les partis cherchent à récupérer) semble absente, disparue. Le pari d'une candidature unique indissociablement sociale et écologique, un moment tenté, est, à ce jour, perdu. On ne peut le reprocher à Yannick Jadot : il a essayé, mais, en choisissant Hamon, il ramène EELV dans le giron du seul PS ! Au moment même où l'écologie émergeait dans les programmes des candidats Mélenchon et Hamon, elle s'éparpille et perd à nouveau de son impact.

Cela ne pouvait durer ainsi. Ou bien, (on peut rêver!) il y aura, sous le poids des sondages, ralliement de la France insoumise au PS « écologisé », ou bien on fera l'impasse de la présidentielle. On ne peut briser, en France, l'élan écologiste qui se manifeste en de multiples lieux, dans le monde. C'est, à mon avis, tout le sens de « l'Appel des solidarités » que 80 ONG, (pour le moment), avec Nicolas Hulot comme porte-parole, lancent, en ne soutenant, certes, aucun candidat, mais en recherchant le soutien politique du plus grand nombre possible de citoyens afin que des initiatives multiples voient le jour.

Les orientations et les propositions de cet Appel sont loin d'être neutres mais elles ne sont pas partisanes. Si l'opinion s'en saisit, elles pèseront sur la fin de la campagne. Ou bien cette émergence d'une politique nouvelle - qui implique, comme l'affirme Benoît Hamon (ce qui lui a fait gagner la primaire mais l'a coupé de son parti !) que « la question écologique est inséparable de la question sociale » - ou bien la France va replonger, et peut-être pour longtemps, dans le social-libéralisme qu'incarne Emmanuel Macron après François Hollande.


2 – L'une des deux cultures politiques1 au sein de la gauche française doit mourir.

Si la gauche, dominée par le PS, est ce qu'elle a montré dès le premier septennat de François Mitterrand, jusqu'à ce quinquennat de Hollande et Valls, elle a terminé son parcours historique en s'inclinant devant ce qui serait l'inéluctabilité du capitalisme. Les ralliements successifs à Macron de figures ministérielles et de ténors du PS parmi les plus connus (sans oublier ceux de droite - tel Perben -, du centre - tel Bayrou -, de l'écologie tiède - tel de Rugy - ou venus du PCF - tel Robert Hue -, etc..) ne sont pas ceux de traîtres, mais, pire dans la pratique politique, ce sont ceux de tous les convertis à cette inéluctabilité du capitalisme. L'écologie, au contraire, trace la nouvelle frontière2 entre un passé (productiviste, croissantiste, inégalitaire, centraliste...) qui n'en finit pas de trépasser, et un avenir (ouvert, divers, créatif, cosmopolite, débordant les États-nations...) qui n'en finit pas d'advenir.

Les reclassements électoraux qui s'annoncent conduiront, quels que soient les résultats prochains, vers une autre République. Nous entrons en un temps politique sans équivalent qui fait repenser à ce qu'écrivait Simone Weil en 1943 : « S'il y a eu, en 1789, un certaine expression de la volonté générale, bien qu'on eût adopté le système représentatif faute de savoir en imaginer un autre, c'est qu'il y avait eu bien autre chose que des élections. Tout ce qu'il y avait de vivant à travers tout le pays /.../ avait cherché à exprimer une pensée par l'organe des cahiers de revendication. Pareille chose ne se reproduisit jamais plus »3. Et si cela se reproduisait !


3 – L'Appel des solidarités4 met les pieds dans le plat de la campagne.

« La solidarité est peut-être le premier parti de France » lance Nicolas Hulot, dans une interview donnée au journal Le Monde, du 23 mars 2017.
Quelle(s) solidarité(s) ? La réponse est sans ambiguïté : solidarités et écologie ne font plus qu'un.

• Solidarité de tous et toutes avec tous et toutes.
« Luttons contre les inégalités sous toutes leurs formes, contre la fraude et l’évasion fiscale et contre l’impunité des banques, des politiques, des multinationales ».

• Solidarité avec la nature et les générations futures.
« Luttons pour protéger le climat, les sols, les océans, la biodiversité et les animaux. Luttons pour une énergie renouvelable et une économie où rien ne se perd, où tout se transforme ».

• Solidarité avec les personnes en difficulté, exclues, discriminées.
« Luttons pour garantir le logement, l’emploi, l’accès aux soins, à l’éducation, aux revenus. Défendons nos droits fondamentaux, luttons contre les préjugés qui occultent notre humanité ».

• Solidarité avec les sans voix.
« Luttons pour que chacun et chacune puisse faire entendre sa voix dans chaque territoire et dans chaque quartier, en toutes circonstances et à poids égal ».

• Solidarité avec tous les peuples. 
« Luttons pour une solidarité sans frontières, pour la coopération entre les pays et les continents, pour l’accueil de celles et ceux qui prennent la route, qui fuient la misère et la guerre ». 

Ces 5 caps, nécessairement très généraux, s'accompagnent de propositions plus précises, exprimées par les 80 ONG qui se sont engagées ensemble pour cet appel et dans cette « campagne dans la campagne ». Va-t-on rédiger de nouveaux Cahiers de doléance ? Les vœux recueillis seront, nous dit-on, transmis au nouveau Parlement. Cette action immédiate devrait durer jusqu'au 21 avril puis se poursuivre ensuite même hors du champ électoral et sur plusieurs années. Elle ne s'adresse pas aux seuls candidats mais à tous les citoyens qui ont à se prononcer en conscience. L'objectif est ambitieux. Et si les électeurs s'en emparaient ? Et si l'écologie, si souvent étouffée, s'exprimait enfin ? Va-t-on, une fois de plus, oser l'utopie : de multiples fois, au cours de l'histoire, il est apparu qu'elle n'est jamais qu'un réalisme qui a de l'avance...

1. Relire le discours de Michel Rocard, au Congrès de Nantes du PS, en 1977, reparu dans le N°147 de l'hebdomadaire le « 1 » intitulé : « La gauche peut-elle espérer ? » (22 mars 2017). Il n'y a rien ou peu à voir avec « les gauches irréconciliables » de Manuel Valls qui se dit pourtant disciple de Michel Rocard !
2. Voir l'article d'Anne-Sophie Novel dans le même N°147 de l'hebdomadaire le « 1 ».
3. Simone Weil, Note sur la suppression générale des partis politiques, publié en 1950 par la revue La Table ronde.

mercredi 22 mars 2017

Un débat qui n'a rien révélé mais qui éclaire un peu la présidentielle 2017


Le troisième et dernier temps d'une campagne à surprises 

Le point au 22 mars 2017. Note 29 à J-32
par Jean-Pierre Dacheux

Nous voulons, au cours des mois qui vont continuer de s'écouler, analyser l'évolution de la situation politique pendant la campagne électorale qui s'est ouverte depuis la fin 2016. Chaque texte, daté, numéroté et modifiable, s'ajoute aux précédents présentés sous le même titre : « Avec ou sans primaires », puis, à présent, « un deuxième temps, intermédiaire et décisif » (qui durera jusqu'au 17 mars, date de clôture des candidatures). Il peut être contredit, sans doute, parfois, par les événements. Fin mai 2017, nous regrouperons, en un seul et même document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer cette activité politique chronologique. 


1 - Ce n'est pas encore le printemps de la politique !
L'un des cinq candidats qui s'affrontaient sur TF1, avant hier soir, sera le (la) président(e) de la République française, début mai. Piètre début de campagne télévisée pour les téléspectateurs qui se sont rendus sur cette chaîne commerciale qui « ouvrait le bal » et qui n'oublia surtout pas, même à mi-débat, de nous polluer par ses publicités de mauvais goût. Participation record, cependant, (près de dix millions de téléspectateurs).
L'intérêt des citoyens pour ce moment politique est grand et pourtant, à en croire l'IFOP et le CEVIPOF, jamais le doute des citoyens et la tentation de l'abstention n'ont été aussi grands. Les électeurs sont donc intéressés curieux, attentifs, concernés, mais peu convaincus. Pour beaucoup le choix n'est pas fait et la possibilité de changer d'avis reste importante.
Le désir de soleil, de chaleur, de changement est là, mais ce n'est pas encore le printemps de la politique parce que le mode de scrutin limite la liberté de choix. Ainsi, par exemple, se contenter de Macron pour n'avoir pas Le Pen ou pour tenter de sortir de l'impasse droite-gauche tracée par la Vème République (en fait, droite dure contre fausse gauche), ne satisfait guère et paralyse.


2 – Qu'avons-nous appris au terme de ce débat trop long et pourtant tronqué ?
• D'abord manquaient six des onze candidats pouvant s'exprimer mais qui ne font pas partie du « Club des plus de 10% », selon les sondages. Même si s'en tenir au prétendants les plus « sérieux » allège et simplifie la confrontation, ce n'est démocratiquement pas juste et ce qui sera obligatoire, une fois passé le 9 avril, l'était tout autant une fois la liste officielle des candidats connue depuis le 18 mars. Au reste, le débat sur BFMTV aurait lieu avec les 11 candidats dès le 4 avril. Le seul (l'unique !) qui sera organisé dans le cadre de la campagne « officielle » (entre le 10 et le 20 avril) aura lieu fort tard (le 20 avril, sur Antenne 2).
• On a si peu évoqué les affaires qui plombent les campagnes de Fillon et Le Pen qu'on a laissé accroire que ces fautes sont mineures et donc négligeables au regard des grandes questions qui occupent le terrain politique. Et bien ce n'est pas vrai. Une politique privée d'éthique est détestable et écarte des urnes les citoyens.
• Nous avons constaté que le candidat Fillon (qui aurait dû n'avoir plus sa place dans la campagne et que la droite parlementaire n'a su ou pu remplacer) a tiré son épingle du jeu, d'abord en sachant se faire discret puis en sachant aussi s'en prendre à ses adversaires avec habileté et sans rien céder de son programme brutal et socialement inqualifiable.
• Nous avons été obligés de reconnaître que la candidate du FN a pu participer à ce débat électoral (mieux que n'avait pu le faire son père en 2002 !). Elle a réussi à banaliser ainsi sa prestation et elle devient « un candidat comme les autres ». Les vives critiques qu'elle a subies n'y changent rien et elle a conforté sa place de qualifiable pour le second tour...


3 – L'Europe aura été la grande absente du débat !
Les organisateurs ou/et les candidats n'ont pas réservé le temps nécessaire pour aborder cette question fondamentale. L'élection serait donc confinée dans le seul espace national alors que l'avenir des Français ne peut se penser en autarcie ! Les souverainistes et autres nationalistes n'y trouvent rien à redire mais est-ce bien notre intérêt et surtout notre réalité ?
Il ne suffit pas de dire non au « Frexit ». L'Union européenne, dont on va commémorer l'acte de naissance, lors de la signature du traité de Rome, le 25 mars 1957, il y a 60 ans, est passée, entre temps, de 6 à 28, puis à 27 membres. Le « Brexit » conduit le Royaume-Uni hors de l'Union. Ce vote, qu'on le déplore ou pas, est historique. Il bouleverse la vie politique outre-Manche : les Écossais et les Irlandais (qui avaient voté « non ») sont hostiles à une rupture qui peut les contraindre à reprendre la lutte pour leur indépendance. Plus encore l'Union risque la dislocation. Si elle n'est repensée et refondée, l'Union européenne va sombrer. Deux des cinq candidats, sur TF1, considéraient que l'Union doit se perpétuer telle quelle ( Fillon et Macron), deux proposent des plans de sauvetage différents (Hamon et Mélenchon), la candidate FN, elle veut en sortir. Savoir où va la France en Europe fait partie des enjeux de la présidentielle car on ne peut mener des politiques complètes sans transferts de souveraineté. Les États-nations, s'ils ne se rapprochent, s'ils ne se concertent et ne s'organisent pas politiquement et économiquement, retomberont dans les erreurs historiques qui ont pu mener à la guerre. Un tel sujet méritait plus qu'une brève évocation. Ne pas le faire est déjà réduire la campagne à des enjeux nationalistes.


4 – En complément du débat : re-Fillon, exit Leroux, sondage nouveau...
Les informations qui tombent chaque jour ajoutent à la perplexité voire la colère des électeurs.
Le Canard enchaîné a encore frappé : deux accusations nouvelles enfoncent François Fillon. L'une fait savoir que le couple Fillon aurait trafiqué de fausses feuilles de paye de l'Assemblée Nationale pour justifier a posteriori l'emploi de Pénélope Fillon. Le Parquet national financier s'en saisit. (L'enquête sur les époux Fillon est désormais élargie à des faits "d'escroquerie aggravée" et "de faux et usage de faux").
L'autre concerne le rôle de « conseiller » de François Fillon ayant servi d'intermédiaire entre un Libanais et Poutine. Rien moins que cela... Cette fois, c'est fini et la preuve en apparaît dans le sondage qui le place à 17% des intentions de vote, en troisième position mais loin des deux premiers. C'est d'autant plus irrattrapable que la chute dans l'opinion n'est sans doute pas achevée.
• Entre 2009 et 2016, les deux filles de Bruno Leroux ont cumulé chacune 14 et 10 CDD pour un montant total de 55 000 euros. Sous pression, l'éphémère Ministre de l'Intérieur a dû se démettre. François Hollande ne pouvait supporter que le candidat Fillon puisse se servir de cette nouvelle affaire entachant la fin de son quinquennat. Il a fait vite.
Le « tous pourris » est, hélas, relancé. Trop c'est trop ! À quoi s'ajoute une nouvelle affaire de costumes « sortie » par Le Canard enchaîné du 22 mars 2017 : l’actuel commissaire européen français, Pierre Moscovici, s’est fait offrir des costumes, avant le début du quinquennat de François Hollande, en 2012, par un ami d’enfance, chez le tailleur parisien de luxe qui habille... François Fillon. Le Canard Enchaîné précise que le généreux donateur est Laurent Max, négociant en vins et « fournisseur de l’Elysée, de Matignon et du Quai d’Orsay ». À cette époque, « les parlementaires n’avaient pas à déclarer de tels dons aux autorités » et le Parquet national financier n'existait pas encore.
• Selon l'Institut Elabe enquêtant pour BFMTV et L’Express, alors qu’Emmanuel Macron prendrait l’ascendant sur Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon devancerait, désormais, Benoît Hamon. Emmanuel Macron obtiendrait 26% (+0,5 point) des intentions de vote et devancerait désormais de 1,5 point Marine Le Pen (24,5%, -0,5). François Fillon perd quant à lui 0,5 point avec 17% des intentions de vote exprimées. Jean-Luc Mélenchon progresse de 0,5 point à 13,5% et occupe désormais la quatrième position, 2 points devant Benoît Hamon à 11,5% (-2), qui glisse en cinquième position. À noter : Nicolas Dupont Aignan, absent lors du débat du 20 mars, serait à 5% !
Ce tout dernier sondage n'est intéressant que par les tendances qu'il révèle et qui ne préjugent pas du résultat final vue la volatilité de l'électorat. On peut les résumer ainsi :
• Macron dépasse Le Pen et s'installe dans une position de favori.
• Fillon continue de reculer mais reste encore en troisième position bien que très distancé.
• Mélenchon, qui progresse, et Hamon, qui régresse, sont au coude à coude et se tiennent en 2 petits points.
• Dupont Aignan n'est pas un « petit candidat » et pourrait enlever des voix à la droite classique.
Le débat a fait bouger les lignes plus qu'on ne le croyait et le débat à 11, sur BFMTV, le 4 avril, devrait encore faire évoluer le rapport des forces. On peut se demander, en effet, si les partis traditionnels ne sont pas en voie d'explosion. Le FN lui-même pourrait, à son tour, régresser.
Finalement, cette élection, à un mois du vote final, qui est de plus en plus « mobile », devient un scénario politique à suspense. Et c'est sans compter avec l'abstention politique, encore forte, et avec l'indécision, massive. Pourtant, ce n'est pas un spectacle et notre vie, dans nos cités, s'en trouvera nécessairement influencée. Participons aux débats là où nous vivons.

lundi 20 mars 2017

Le top départ des candidats qualifiés à la présidentielle 2017


Le troisième et dernier temps d'une campagne à surprises 

Le point au 20 mars 2017. Note 28 à J-34
par Jean-Pierre Dacheux


Nous voulons continuer d'analyser l'évolution de la situation politique pendant la campagne électorale ouverte, en réalité, depuis la fin 2016. Chaque texte, daté, numéroté et modifiable, s'ajoute aux précédents présentés et, depuis le 20 mars, sous le titre : « Le troisième et dernier temps d'une campagne à surprises » Chacun de ces textes peut être contredit, sans doute, parfois, par les événements. Fin mai 2017, nous regrouperons, en un seul et même document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer cette activité politique chronologique.
 
1 - Des candidats inégaux.

Nous voici entrés dans le vif du sujet. Nous connaissons les noms des 11 candidats qualifiés. Ils vont entrer dans une fausse compétition puisqu'ils ne sont pas à égalité. La preuve en est, le premier débat organisé, sur TF1, ce jour, ne concernera que 5 de ces candidats, ceux que les sondages placent au-dessus de la barre des 10%. On veut bien croire qu'il serait insipide, non informatif et donc sans intérêt majeur, pour les téléspectateurs, que de juxtaposer les pupitres de onze débatteurs et de faire entendre des propos nécessairement trop brefs et donc sans confrontation réelle. Il n'en reste pas moins que si la forme ne doit pas tuer le fond, elle ne doit pas non plus enlever leurs maigres chances aux « petits candidats » (notamment ceux qui n'ont pu s'exprimer encore).

C'est pourquoi Nicolas Dupont-Aignan proteste et porte plainte. Il n'a pas tort ! Mais que devrait dire, alors, chacun des derniers entrants dans la compétition, (tels, parmi les tout récents arrivés, le député Jean Lassalle ou le représentant du NPA, Philippe Poutou) ? Théoriquement, l'équité voudrait qu'il n'y ait pas de candidats principaux et de candidats secondaires, mais, en réalité, les maîtres de l'information, eux-mêmes sous l'influence des grandes fortunes, dirigent la compétition et en font un spectacle où plus importe la prestation médiatique, que le contenu politique ! Donner l'apparence du changement sans rien changer demeure l'orientation des « faiseurs de rois » (ou de présidents).

2 – Des candidats qui ont des intérêts communs, superposés à droite, mal assumés à gauche.

Pour tenter d'effectuer un classement de ces onze personnalités politiques (2 femmes et 9 hommes) qui ont à faire connaître et à valoriser leur candidature, je suis amené à les qualifier en prenant le risque de prendre des critères politiques qui ne sont que les miens. J'assume cette subjectivité. Voici, alphabétiquement présentés, les 11 « postulants » :

1 – Nathalie Arthaud ( Lutte Ouvrière ») succède, elle, à Arlette Laguiller. C'est une candidate qui assume, crânement son trotskisme et son ouvriérisme. 637 parrainages.

2 – François Asselineau (« Union populaire républicaine ») incarne, jusqu'à la caricature, souverainisme et libéralisme, mais aussi l'une des droites qui ne veut ni de l'Europe ni l'euro... 587 parrainages.

3 – Jacques Cheminade (« Solidarité et Progrès ») semble devenu un spécialiste de la compétition présidentielle. (Il est candidat pour la troisième fois). Il prône la sortie de l’Union européenne, de l'OTAN, de la zone euro et le retour au franc. 528 parrainages.

4 – Nicolas Dupont-Aignan (« Debout la France ») est aussi un candidat souverainiste. C'est un tenant de la droite rigide, antieuropéenne et nationaliste. Il a traversé les droites dont il fut l'élu avant de voler de ses propres aile car il dispose d'une forte implantation locale de député et de maire sur laquelle il s'appuie. 707 parrainages.

5 – François Fillon (« Les Républicains ») est, depuis la primaire de la droite, le candidat de la droite dure et décomplexée, celle des riches. L'élection lui semblait acquise. Les affaires lui auront porté préjudice et l'ont fait reculer dans les sondages. Tout, pour lui, semble à refaire... 3635 parrainages.

6 – Benoît Hamon (« Parti socialiste ») est le candidat-surprise qui l'a emporté dans une primaire qui n'avait pas été prévue pour lui. Il n'a pas l'aval de nombre de responsables et d'élus de son parti. C'est, après l'échec du quinquennat Hollande, sa faiblesse mais aussi sa force ! Il a été rejoint par Yannick Jadot, qui a retiré sa candidature afin de faire progresser encore la thématique écologiste très présente dans le programme de Benoît Hamon. Ce « Frondeur frondé » (par des ministres « hollandais » sortants et des parlementaires dont certains fuient déjà vers Macron) va-t-il se libérer de l'image très négative que porte, actuellement, le parti socialiste ? Tel est pour lui l'enjeu principal. 2039 parrainages.

7 – Jean Lassalle (« Résistons ! ») est un centriste libre, inclassable, hors parti, dont le courage, l'originalité et l'honnêteté sont reconnus. Une question se pose : combien d'électeurs proches de François Bayrou pourraient se rabattre sur lui ? 708 parrainages.

8 – Marine le Pen (« Front National ») est la candidate d'un néo-fascisme apparemment soft, de l'hypernationalisme et des discriminations. Restera-t-elle en tête des sondages ? Rien n'est joué. La montée de l'extrême droite en Europe n'a rien d'inéluctable, comme on l'a vu en Autriche et tout récemment, aux Pays-Bas. 627 parrainages.

9 – Emanuel Macron (« En Marche ! »), occupe une place, actuellement très avantageuse, qui n'est pas due à ses seuls talents : il constitue, entre la droite modérée et la gauche droitisée, un trait d'union politique. Mais cette ambiguïté le servira-t-elle longtemps et durera-t-elle... ? 1829 parrainages.

10 – Jean-Luc Mélenchon (« la France insoumise »), hors parti, est le leader talentueux de forces politiques qui cherchent la rénovation de la gauche par la voie socialo-écologiste et la fin de la Ve République. Proche en idées de Benoît Hamon, il en diffère sur la refondation de l'Europe et sur la prise de distance, -selon lui un préalable indispensable-, avec les ministres associés à l'échec de François Hollande (de Manuel Valls à Myriam El Khomri). Ou bien il vise plus loin et plus haut que l'accès à l'Élysée ou bien il fait alliance, fut-ce tardivement, avec Hamon afin de l'emporter. La réponse tombera courant avril. 805 parrainages.

11 – Philippe Poutou (« Nouveau Parti anticapitaliste ») est le successeur d'Olivier Besancenot et, une nouvelle fois, il est le porte-parole du NPA. 573 parrainages.

On observe, en découvrant cette liste officielle, que nombreux sont les candidats souverainistes et hostiles non seulement à l'Union européenne mais à la perspective d'une Europe politique elle-même. Cela pourrait effriter les scores des candidats Le Pen et Fillon.
On peut aussi remarquer que ce qui fut la gauche, toutes nuances confondues, dispose de quatre candidats qui, éventuellement rapprochés, lors du second tour, pèseraient lourd dans un scrutin qui verra, vraisemblablement, les écarts entre les candidats se réduire fortement au fur et à mesure que les prises de parole des plus éloquents vont se succéder.

3 – Une campagne politique, dès qu'elle parvient à ouvrir le débat, reste inattendue.
Douze ans après le référendum de 2005 qui avait donné un résultat sans ambiguïté, mais refusé par les formations qui n'avaient pas cessé de confisquer ou détourner les choix politiques des Français (c'est-à-dire, à l'époque, l'UMP et le PS), nous sommes parvenus à un tournant dans l'histoire du pays : il va falloir solder la trahison de ceux qui voulaient une Europe commerciale plutôt qu'une Europe des peuples - et qui nous ont conduit vers un désamour profond à l'égard de l'Union européenne -. Si ce tournant n'est pas pris, alors l'avenir va se boucher pour longtemps.

Comme en 2005, il faut libérer la parole, examiner les propositions qui sont faites, multiplier les débats publics, ne pas se fier aux médias qui entendent donner les résultats bien avant l'l'heure, garder l'esprit critique face aux sondages qui, souvent, formatent l'opinion au lieu de l'éclairer. Bref, le moment est venu d'exercer notre vigilance et notre discernement. Tout n'est pas dit et moins encore écrit. Il faudra bien sortir d'une impasse où la démocratie elle-même a été conduite et confinée ? Les élections présidentielles et plus encore peut-être les élections législatives, contre toute attente et en dépit des verrouillages institutionnels, peuvent décadenasser la France. La campagne compte autant que son résultat.

Ni la candidate du FN que le second tour laminera, ni la droite traditionnelle qui, en confiant son sort à Fillon, a perdu son crédit, ni le PS, déconsidéré tout au long du quinquennat, et qui achèvera de se suicider s'il laisse désavouer son propre candidat, ni Macron qui peut difficilement mettre ensemble « en marche » ceux qui ne vont pas dans la même direction, ne devraient, dans ces conditions, à terme, l'emporter. Si, cependant, l'un d'eux triomphe, il lui restera à trouver une majorité pour gouverner sans accroc, en juin prochain. Ce qui est loin d'être acquis !

Nous allons au devant d'un désordre obligé mais qu'il ne faut pas craindre. À ce jour, il manque encore des éléments pour construire une solution alternative. Penser hors des cadres connus et installés est certes imprudent, voire insensé. Pourtant, à moins de se résigner et de se laisser conduire, comme les moutons de Panurge, vers un avenir préparé par et pour les maîtres de l'économie, il faut oser tenter l'inédit. Nous voudrions entrer plus avant dans ce débat citoyen, qui nous concerne tous, dès les prochains jours.

mercredi 15 mars 2017

Présidentielles 2017. Note 27 à J-39. Les faux duels et l'embarras croissant des électeurs

Un deuxième temps intermédiaire et décisif . 

Le point au 15 mars 2017. 
par Jean-Pierre Dacheux


Nous voulons, au cours des mois qui vont continuer de s'écouler, analyser l'évolution de la situation politique pendant la campagne électorale qui s'est ouverte depuis la fin 2016. Chaque texte, daté, numéroté et modifiable, s'ajoute aux précédents présentés sous le même titre : « Avec ou sans primaires », puis, à présent, « un deuxième temps, intermédiaire et décisif » (qui durera jusqu'au 17 mars, date de clôture des candidatures). Il peut être contredit, sans doute, parfois, par les événements. Fin mai 2017, nous regrouperons, en un seul et même document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer cette activité politique chronologique. 


1 - Si rien ne change, n'aurions-nous, de choix qu'entre diverses candidatures de la droite ?
Nous étions partis du duel, qu'on nous disait inévitable, entre le FN et « les Républicains », entre Marine Le Pen et Alain Juppé, d'abord, grand favori des sondages, lequel devait être élu, sans coup férir, en mai prochain. Ce scénario s'est fracassé sur le deuxième tour des primaires qui a vu émerger et triompher nettement François Fillon lequel, à son tour, devait être élu, sans coup férir, en mai prochain. Ce scénario bis s'est fracassé sur le « Pénélope-Gate ». François Fillon, largement devancé dans les sondages et dont les mésaventures ne sont pas terminées, ne sera vraisemblablement pas le prochain président de la République française.

Un nouveau duel nous est, à présent, « vendu » (car il s'agit bien d'un marché électoral !), cette fois entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron lequel, à son tour, devrait être élu, sans coup férir, en mai prochain, puisqu'il talonne sa concurrente et dispose de réserves beaucoup plus importantes qu'elle. Après Juppé, Fillon, après Fillon, Macron ...

Une droite chasserait ainsi l'autre : la droite brutale serait remplacée par la droite plastique. La pilule amère a été échangée contre un anesthésiant, mais toujours avec le même objectif : faire triompher un candidat acceptable par les tenants de l'économie libérale. Et de nous refaire le coup du « vote utile » afin de nous culpabiliser. Soyez cohérents nous dit-on : si vous ne voulez pas de Le Pen contentez-vous de Macron !

La porte est-elle, alors bien refermée et bloquée ? Le Pen (droite extrême nationaliste), Fillon (droite « traditionnelle » décomplexée) et Macron (droite attrape-tout, même à gauche) font la course en tête et bloquent l'accès de ceux qui ont entamé la conversion écologique des gauches. Une « rebipopularisation » est entamée. Le risque de retomber dans les mêmes ornières est considérable. La France va-t-elle verser de la colère dans le désespoir ?


2 - Fillon mis en examen.
Un jour plus tôt qu'annoncé, le 14 mars et non le 15, à la demande même de l'intéressé, François Fillon s'est présenté devant les juges qui l'avaient convoqué. Il est resté muet. Comme prévu, il a été mis en examen. « Et alors » ? Cela continue... La parole donnée (« Je me retirerai en cas de mise en examen ») est bafouée. Et puis, trop c'est trop... Si les Français choisissent pareil candidat, ils se déconsidéreront avec lui. Le bon sens voudrait que l'on n'en entende plus parler. Mais la droite, dans toutes ses couleurs, s'accroche à cette bouée dégonflée. Eh bien qu'elle se noie ...


3 - Des maires empêchés de parrainer.
Pour limiter le nombre de candidats, les grands partis pèsent sur le maires ruraux. Paraissent au J.O les parrainages pour discréditer les imprudents qui soutiennent des candidats jugés non respectables. Pourtant, parmi les candidats agréés par le Conseil constitutionnel, celui qui a obtenu le plus de parrainages n'est-il pas, visiblement, jour après jour, celui qui est le moins respectable qui soit ?


4 – L'abstention politique prend corps.
Depuis 1965, lors des la première des élections présidentielles – nous en sommes à la dixième en 2017 - l'abstention oscille entre 14% et 20%. C'est un niveau presqu'incompressible. Il y eut deux exceptions : au deuxième tour de l'élection de 1969, entre deux droites représentées par Poher et Pompidou (« Bonnet blanc et blanc bonnet » : 31,1%) et, au premier tour de l'élection de 2002, (celle qui vit émerger la candidature de Jean-Marie Le Pen, en dépit ou à cause de nombreuses candidatures : 28,4%). On notera que dans ces deux cas, déjà, l'élévation des taux d'abstentions était très politique.
À ne considérer que les élections de portée nationale, on peut remarquer que le taux d'abstention, pour les élections législatives, approche ou dépasse les 40 % depuis 2007.
Pour les élections européennes, l'abstention n'est plus retombée en dessous des 50% depuis 1999 (les huitièmes élections européennes, en 2014, ont atteint 56,5 % d'abstentions et le record fut, en 2009, 59,37% !).
Il y a une déconvenue manifeste, chez les électeurs, qui ne date pas d'hier. Va-t-elle s'étendre à l'élection présidentielle jusqu'alors épargnée, comme l'est, le plus souvent, chacune des élections municipales ? On peut le penser.
Selon le CEVIPOF, l'abstention attendue s'élèverait à environ 30% des inscrits. Cela signifie qu'au moins 10% des inscrits sont prêts à refuser l'offre électorale qui leur est faite et sont, pour cela, - entrés dans un processus politique d'abstention-boycott.

Trois livres, bien documentés, bien écrits, accessibles, rendent compte de ce phénomène.
De Brice Teinturier, « Plus rien à faire, plus rien à foutre ». La vraie crise de la démocratie, aux éditions Robert Laffont, février 2017.
Ce que l'auteur, politologue, directeur de l'institut Ipsos, appelle la « PRAF-attitude », constituerait, selon lui, la quatrième force politique, en pleine expansion. Son livre est descriptif.
D'Antoine Bueno, No vote ! Manifeste pour l'abstention, aux éditions Autrement, Février 2017.
L'auteur s'engage, avec des arguments forts, pour l'abstention tant que le vote blanc restera un vote décompté mais pas pris en compte comme suffrage exprimé et de toute façon non applicable à l'élection présidentielle. Son livre est militant.
D'Antoine Peillon, Voter, c'est abdiquer, Ranimons la démocratie, aux éditions Don Quichotte, une marque des éditions du Seuil, Mars 2017.
L'auteur effectue une description précise et impitoyable de l'état dans lequel se trouve le pays avant une élection majeure qui ne peut, selon lui, déboucher sur rien. Il appelle donc, en 95 thèses aux multiples références à un « boycott civique. Son livre est un appel à l'action et à la reconquête par le peuple de sa souveraineté.
Un autre livre, plus virulent, était déjà paru, l'an passé. Il annonçait l'impossibilité de valider une élection désormais sans repères et sans motivations (D'un anonyme, L'élection présidentielle n'aura pas lieu, aux éditions La Découverte, novembre 2016).

Ces écrits témoignent d'une volonté qui cherche à s'exprimer et qui n'a pas encore trouvé vraiment son point d'entrée dans la campagne électorale. Négliger cet apport nouveau constituerait une faute d'analyse et une erreur politique.

dimanche 12 mars 2017

Présidentielles 2017. Note 26 à J-42. Vers une dizaine de candidatures officielles ?


Un deuxième temps intermédiaire et décisif .

Le point au 12 mars 2017.
par Jean-Pierre Dacheux


Nous voulons, au cours des mois qui vont continuer de s'écouler, analyser l'évolution de la situation politique pendant la campagne électorale qui s'est ouverte depuis la fin 2016. Chaque texte, daté, numéroté et modifiable, s'ajoute aux précédents présentés sous le même titre : « Avec ou sans primaires », puis, à présent, « un deuxième temps, intermédiaire et décisif » (qui durera jusqu'au 17 mars, date de clôture des candidatures). Il peut être contredit, sans doute, parfois, par les événements. Fin mai 2017, nous regrouperons, en un seul et même document, toutes ces notes, que nous voudrions utiles pour effectuer cette activité politique chronologique. 


1 - Les enseignements du recueil des parrainages

Le 17 mars, le compteur de validation des candidatures du Conseil constitutionnel sera fermé et la liste définitive des candidats à la Présidence de la République sera annoncée. Dans cinq jours donc, nous sortirons du « deuxième temps intermédiaire et décisif » (qui n'a pas manqué de péripéties dont, entre beaucoup d'autres, celle de la quête des parrainages d'où dépendait la suite). Nous entrerons, alors, dans « le troisième temps final », celui de la campagne officielle puis des votes (le 23 avril puis le 7 mai).

Vont disparaître, selon toute vraisemblance, les candidatures de personnalités ayant, le vendredi 10 mars, un retard trop important pour pouvoir encore espérer concourir. Henri Guaino (12 parrainages), Michèle Alliot Marie (38) ont pu être dissuadés d'insister par leur parti, « Les Républicains », afin de ne pas compliquer la tâche de François Fillon. Jean Lassalle, député centriste a reçu les soutiens d'élus qui estiment son courage et son honnêteté mais le rapprochement de son ami, François Bayrou, avec Emmanuel Macron a vidé son vivier (il culmine donc à 289 parrainages). De même, Rama Yade, trop isolée à droite, et trop critique sans doute, est-elle bloquée à 151 soutiens ! La surprise pourrait venir encore de Jacques Cheminade, déjà deux fois candidat, qui a rassemblé 397 parrainages, mais ce lui sera difficile. Quant à Pierre Larrouturou (15 parrainages), chassé de la primaire PS, il n'aura pu émerger par ses propres moyens. La tentative de Charlotte Marchandise, désignée par internet, va échouer aussi car elle n'a obtenu, jusqu'ici, que 35 parrainages. L'échec probable de Philippe Poutou, bloqué à 245 parrainages, est un événement non négligeable : après EELV, et les centristes, le NPA ne présentera pas de candidat.

Le cas Jean-Luc Mélenchon mérite un examen particulier. Il n'avait encore reçu, le 10 mars, que 432 parrainages ! On sait, depuis, que la barre des 500 soutiens sera aisément franchie, le mardi 14 mars prochain. Cependant deux informations émergent : il y a eu freinage des signatures parmi les élus communistes et ce sont les élus sans étiquettes qui ont apporté majoritairement leurs soutiens. Il faudra en tirer des leçons et examiner pourquoi les divisions internes, à gauche, ne sont pas que celles, très évidentes, qui se manifestent au sein du PS.

2 – Sur les ambiguïtés, les erreurs inévitables et les indications de tendance des sondages

Le sondage BVA-Salesforce publié, le 11 mars, donne Marine Le Pen et Emmanuel Macron à 26%, contre 20% pour François Fillon. S'en tenir à cet examen de l'état de l'opinion conduirait à penser que le deuxième tour se jouera entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Le même sondage indique aussi que le candidat socialiste Benoît Hamon, perd deux points et serait, désormais à 13,5%, tandis que Jean-Luc Mélenchon, candidat de la France insoumise, est crédité de 11,5% des voix. Autrement dit, avant que ne s'ouvre la campagne officielle, « la messe est dite » !
Est-ce si simple ? Les précautions prises pour distinguer entre sondages et prévisions, le rappel des fréquents écarts entre sondages et résultats, les différences entre les indications fournies par les différents instituts de sondage ne suffisent pas à modérer les informations (et leurs utilisations) qui sont répandues sur les ondes et dans les gazettes. Autrement dit une grave question est posée : l'opinion publique ne continue-t-elle pas à être manipulée et, surtout, les sondages ne font-ils pas partie de l'outillage partisan des candidats les plus fortunés ?

Là encore des surprises vont surgir car tant que tous les candidats ne seront pas connus et les premiers débats publics engagés entre eux, des évolutions peuvent se produire. Il n'empêche que se voient déjà les signes de la dislocation de la droite traditionnelle et de l'éparpillement des candidatures se réclamant d'une gauche mal identifiée.

Ce sont les raisons pour lesquelles le FN prospère, « En marche » semble représenter une alternative crédible hors partis, tandis que « la France insoumise » est à la même hauteur que le candidat du PS bien mal soutenu par les siens. Si toutes les cartes ne sont pas abattues, impossible d'y lire l'avenir.

En regardant de près les sondages mais sans nous y fier, observons, ce qui demande à être vérifié, encore et encore. Cela tient en quelques questions simples :

Les deux partis qui ont structuré la vie politique française, depuis des décennies (le PS et l'UMP - sous les divers noms qui lui ont été donnés -) sont-ils en fin de parcours et vont-ils cesser de dominer la représentation parlementaire après avoir été chassés de l'Élysée ? Autrement dit, François Fillon et « les Républicains », d'une part, ainsi que Benoît Hamon ramené, dans le bercail dont ils n'a pu parvenir à s'échapper, le PS, d'autre part, sont-ils, d'ores et déjà, hors jeu, parce que victimes de leurs propres contradictions, de leurs échecs et de leurs conflits internes ?

La récupération, par le FN, de l'écœurement et du dégoût croissants dans l'opinion, peut-elle conduire au-delà d'un succès de premier tour, pour la présidentielle et d'une entrée importante au Parlement ? Autrement dit, quelle sera l'ampleur de la perturbation engendrée par la candidature Le Pen et ne va-t-on pas assister, seulement, à une arrivée à un sommet électoral historique aussitôt suivi d'une retombée ?

• L'écologie politique, incontournable, à présent, va-t-elle trouver enfin la place qui lui revient dans la définition, l'adoption, puis l'exécution des politiques publiques ? Autrement dit, une fois de plus, va-t-il s'agir, au contraire, d'un marché de dupe dès lors que l'incompatibilité entre écologie et capitalisme, bien qu'avérée, ne peut s'exprimer dans le contexte économique actuel ?

Les deux gauches irréconciliables qui se détruisent mutuellement, vont-elles se diriger chacune vers de nouveaux pôles : le pôle social-libéral de centre droit, d'une part, et le pôle écolo-socialiste de la néo-gauche, d'autre part ? Autrement dit, est-ce par cette élection ou après elle (mais à cause d'elle) que le parti socialiste historique va se décomposer puis se recomposer sous une forme non partidaire ?

Les sondages ne pouvaient rien dire de tout cela mais peuvent en mesurer partiellement et indirectement, les échos et les conséquences dans une période électorale incertaine et fertile en rebondissements. Nous essaierons d'en faire la lecture critique et vigilante