mercredi 31 juillet 2013

Abolissons les privilèges.



À quand le 4 août ?

Nous vous proposons de signer l'appel, ci-dessous, lancé par la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, et visant à taxer les 500 personnes les plus riches de notre pays. Le 16 Juillet déjà, dans notre article, "Vive la crise", nous avions, souligné ces écarts de fortunes scandaleux, incompatibles avec la République et violant notre devise : "Liberté, Égalité, Fraternité".
Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran
 

Ce qui n'a pas été annoncé le 14 Juillet devrait l'être le 4 Août.
Les 500 personnes les plus riches de notre pays ont vu leur richesse s'accroître de 25% en un an ! De quoi rassurer tous ces millionnaires et  milliardaires qui présentent notre pays comme « un enfer fiscal qui n'aimerait pas ceux qui s'enrichissent.  » (Discours habituel du MEDEF et autres responsables de la droite !). Manifestement on pourrait par comparaison établir cet adage :  "Heureux comme un riche en France !"
Trêve de plaisanterie, les chiffres sont scandaleux : La richesse des 500 premières fortunes de France s'établit à 330 milliards d'euros et n'a jamais été aussi élevée. Elle a quadruplé en une décennie et représente 16% du produit intérieur brut du pays. Un dixième de la richesse est entre les mains d'un cent millième de la population.
La France compte 55 milliardaires, 10 de plus que l'année dernière. Les dix premiers du classement ont vu leur fortune croître de 30 milliards en douze mois à 135 milliards (40% du total).
Et tout cela au moment où notre pays connaît une crise qui fragilise les salariés les plus modestes, les plus démunis et accroît le chômage, où de nombreuses  entreprises connaissent des difficultés. On notera au passage que cet enrichissement se fait souvent grâce au versement de dividendes substantiels. Or notre pays est l'un de ceux où les dividendes versés sont bien supérieurs à ceux octroyés dans les pays développés et en particulier en Allemagne. D'ailleurs un rapport du CESE montrait que ce prélèvement de dividendes pénalisait la compétitivité des entreprises françaises. C'est rarement souligné, en particulier par ceux qui veulent faire croire, à tort, que le « coût » du travail est l'enjeu majeur.

En tout cas, cette situation montre clairement qu'il est plus qu'urgent d'engager une réforme fiscale structurante et de restaurer un impôt progressif, réellement progressif, qui contribuera à réduire les inégalités de richesses. Nous avons fait des premières propositions il y quelques semaines. Tout cela a été renvoyé d'un revers de main par le ministre du budget.
Dommage !
Mais on aurait pu s'attendre à ce que le Président de la République, en ce jour du 14 juillet, placé historiquement sous le signe de l'égalité, annonce des dispositions fiscales pour faire contribuer davantage les plus riches qui manifestement ne connaissent pas la crise.
Quelle mesure immédiate pourrait être prise? Dès la loi de finance, nous devrions voter la création d'une nouvelle tranche à taux accru soit au titre de l'ISF, soit de l'impôt sur le revenu et qui ne frapperait vraiment que les très riches. Il y a fort à parier que nous retrouverions vite les 500 premières fortunes cités plus haut.

Jusqu'en 1995, le taux marginal supérieur (celui qui concerne les revenus les plus élevés) de l'impôt sur le revenu (IR) en France était supérieur à 55 %. Il a même atteint 65 % durant deux périodes : en 1966 et entre 1982 et 1985. On peut donc rapidement revenir à des taux marginaux supérieurs très élevés, pour au moins le  cent millième de la population qui possède un dixième de la fortune nationale …

Peut-être que le gouvernement saura faire cette annonce le 4 août prochain car une République convaincante ne saurait être sans combattre les privilèges.

Signez l'appel et partagez le avec vos contacts : http://taxonsles500plusriches.wesign.it/




jeudi 25 juillet 2013

Sur quel terrain poussent les Bourdouleix ?

 

Il ne suffit pas de commenter les propos nauséabonds du maire de Cholet, Gilles Bourdouleix, il est nécessaire de différencier les populations des Gens du Voyage et des Roms qui, si elles sont très proches l'une de l'autre, vivent de façon différente. 
 
Les Roms, principalement d'origine roumaine ou bulgare, sont environ 20.000 dans notre pays, et même quand, par nécessité, ils vivent en caravane, ils sont sédentaires. Les Gens du Voyage (expression de plus en plus discutable, la majorité d'entre eux ne voyageant pas !) représentent une population d'environ 400.000 personnes.  IIs sont Français et ceux d’entre eux qui se déplacent en caravane, principalement durant les beaux jours, participent à des rassemblement évangéliques.

Pour faciliter leur vie journalière et leur déplacement annuel, la loi « Besson » (1) de juillet 2000 impose aux communes de plus de 5.000 habitants de créer une aire d'accueil pour les gens du voyage et aux départements d'accueillir les rassemblements estivaux en mettant à disposition des « aires de grand passage » pouvant accueillir jusqu’à 150 caravanes. À ce jour, leur taux de réalisation au niveau national de ces airs de passage est de seulement 29%, contre 52% pour les aires d’accueil. 

Ce déficit en équipements obligatoires fournit aux missions évangéliques tsiganes une justification lors des installations illicites sur les terrains publics des collectivités ne respectant pas la loi. Ces carences des municipalités et des départements et ces installations dites « sauvages » placent, depuis quelques années, chaque été, les Gens du Voyage sont sous le feu de l'actualité.

En Juillet 2010, le président de la République, Nicolas Sarkozy, dans un discours dit de « Grenoble », resté malheureusement célèbre, amalgamait Gens du Voyage et Roms, pour expliquer la délinquance par l'immigration incontrôlée et annoncer l'expulsion massive de Roms. Quelques semaines plus tard, le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, dénonçait ces nomades « qui roulent dans de grosses voitures de luxe »…!

Et voici que, cet été 2013, à quelques mois d'élections municipales cruciales pour toute la classe politique, les débordements verbaux et les discriminations se multiplient et prennent un tour inquiétant et intolérable. L'ancien ministre Christian Estrosi promet de « mater » les Gens du Voyage (et les Roms par la même occasion). Jean-Marie Le Pen, fidèle à ses dérapages verbaux, en visite à Nice, qualifie la présence de Roms dans la ville d'«urticante» et «odorante». Le maire d'Ustaritz, au Pays Basque, fait recouvrir son terrain de rugby de lisier de cochon pour dissuader une mission tzigane de venir s’y installer. Quelques maires envoient leur démission en Préfecture pour protester contre la passivité des préfets face aux Voyageurs. 

Enfin, le député-maire de Cholet, Gilles Bourdouleix, atteint le sommet de la polémique haineuse et de la bêtise en déclarant, face aux Tsiganes : « Comme quoi, Hitler n’en a peut-être pas tué assez ».

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 À Dachau, le triangle brun était porté par les Tsiganes internés avant d'être éléminés.

Même si l'ensemble des partis politiques a condamné ses propos et même si une enquête préliminaire pour "apologie de crime contre l'humanité" a été ouverte à son encontre, il ne faudrait pas que l'arbre Bourdaleix cache la forêt d'un scandale général ! Toutes ces prétendues « dérives », en fait parfaitement assumées par une partie de la classe politique, nous révèlent la progression d'un fascisme rampant, masqué, mais de plus en plus dangereux, pour qui tout est prétexte à dresser les Français les uns contre les autres..

Comme le souligne la Ligue des Droits de l'Homme dans son dernier communiqué : "La crise sociale s'aggrave. Les discriminations, les contrôles au faciès, la stigmatisation demeurent. La vie dans les quartiers pauvres est pire qu'en 2005 ... ».

Il faut ajouter à cet inventaire que les inégalités n'ont jamais été aussi importantes, que le chômage atteint des sommets, que les expulsions à répétition sans solution des populations Roms se multiplient. D'ailleurs, pour être complet et impartial, il faut signaler que de nombreux maires de couleur rose ne sont pas en reste dans l'expulsion et la stigmatisation des Gens du Voyage et des Roms.

Si l'on ne se décide pas enfin à traiter ces urgences, la société française s'enfoncera dans une crise sociale majeure dont elle aura beaucoup de difficultés à émerger.





(1) Il s'agit de Louis Besson, homme politique, membre du Parti socialiste et qui fut par deux fois Ministre.


Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

mercredi 17 juillet 2013

Pourquoi et comment les élections cessent d'être libres en France


On peut non seulement affirmer que les élections cessent progressivement d'être libres en France mais que la démocratie y régresse brutalement.

Il n'y a là aucun sujet d'étonnement ! La démocratie disait Derrida est « toujours à venir »1 et Pierre Rosenvallon a titré l'un de ses livres : La démocratie inachevée2. Autrement dit quand la démocratie stagne, elle s'éteint peu à peu.

Jacques Rancière s'avance plus avant en rappelant que «  Dans son principe, comme dans son origine historique, la représentation est le contraire de la démocratie »3. Il rejoint là Rousseau qui affirme : « Le souverain, qui n’est qu’un être collectif, ne peut être représenté que par lui-même ; le pouvoir peut bien se transmettre, mais non pas la volonté. »4 Jacques Rancière a poussé même l'analyse jusqu'à prétendre que « Fondée sur l'égalité de n'importe qui avec n'importe qui, la démocratie n'est ni une forme de gouvernement qui permet à une oligarchie politico-financière guidée par ses experts de régner au nom du peuple, ni cette forme de société que règle le pouvoir de la marchandise ». C'est dire, sans détours, qu'il y a totale incompatibilité entre la démocratie et le capitalisme5. Mais c'est aussi dire que la représentation, telle qu'elle nous est proposée par le système médiatico-financier, est illégitime !

On a pu, durant des décennies, voir dans la montée du suffrage universel un progrès des idéaux démocratiques. En 1848, le suffrage universel (masculin) supprime le suffrage censitaire ; (il ne rendra du reste pas impossible la montée de l'impérialisme napoléonien).

En 1945, - seulement en 1945 ! -, les citoyennes « obtiennent » le droit de vote ; il y avait longtemps que les Turques pouvaient voter (en 1929), et, bien avant, les Néo-zélandaises (en 1893), et les Australiennes (en 1902), ou les Suédoises en (1919) ! Bref, la France fut rétrograde et il faudrait tout un livre pour mesurer les conséquences de cette minoration de la citoyenneté féminine durant des décennies !6

Le droit de vote à 18 ans a été voté en France en 1974. En Allemagne, des propositions ont été soumises au Bundestag en 2003 et 2008, et soutenues par plusieurs députés de tous partis, selon lequelles les mineurs auraient le droit de vote, qui devrait être exercé par les parents du mineur par procuration.

La recherche du droit de vote de tous les humains vivant de façon stable sur un territoire donné conduit à s'interroger sur le droit de vote des étrangers. L'article 4 de la Constitution du 24 juin 1793 (jamais appliquée) accordait la citoyenneté « à tout étranger qui, domicilié en France depuis une année, y vit de son travail, ou acquiert une propriété, ou épouse une Française, ou adopte un enfant, ou nourrit un vieillard, tout étranger enfin qui sera jugé par le corps législatif avoir bien mérité de l'humanité ». On en est loin ! Une nouvelle fois, la France est en retard sur nombre de ses voisins ou autres pays dits démocratiques.7

Mais venons en à ce qui entraîne la France vers l'abandon de la démocratie véritable, via le recours à des pratiques électorales qui, année après année, bloquent la recherche du bien commun au profit des détenteurs des moyens financiers permettant de circonvenir l'opinion publique.
Octave Mirbeau, en 1888 écrit, (dans le Figaro de l'époque ! Aucun périodique ne le publierait de nos jours !), La grève des électeurs8 et, pour fêter le centenaire de la révolution, il écrit, le 14 juillet 1889, Prélude (en fait un violent pamphlet contre le général Boulanger). Il dit attendre « la république qui n'est pas encore venue » et vise à « délivrer l'individu de l'intériorisation de la domination ».
On peut dresser la liste des causes de cette illusion démocratique qui conduit le peuple à céder le droit de s'autogouverner que lui accorde la Constitution française :
1 – Le retour à la monarchie, constitutionnelle ou républicaine. La présidentialisation des institutions est une focalisation du pouvoir sur un seul homme ! C'est l'installation d'un système où tous les responsables politiques doivent se soumettre au chef, s'ils le soutiennent, ou le critiquer sans nuances s'ils veulent l'abattre.

2 – La bipolarisation radicale de la société politique. L'élection du président de la république ou des parlementaires de l'Assemblée nationale au suffrage uninominal à deux tours érode toutes les minorités et ne leur laisse aucune chance de peser sur les choix principaux. Elle génère un bipartisme de fait.

3 – La dépolitisation des représentants élus. Ils deviennent des professionnels faisant passer leur mandat avant le service du pays. Ainsi se perpétue le cumul des mandats dont la limitation fort timide, récemment votée, - mieux eut valu le mandat exécutif unique, non renouvelable plus de deux fois ! - pourrait fort bien être abolie, au moment de sa mise en œuvre en 2017, à l'occasion de la prochaine élection présidentielle !

4 – La médiatisation acharnée via des officines et des entreprises de presse. Aux mains de financiers, voire de marchands d'armes, les journalistes à trop peu d'exceptions près, sont employés non pour que les citoyens s'informent mais pour qu'ils lisent les événements comme il sied aux puissants de les voir interprêtés.

5 – L'exacerbation d'un nationalisme moderne. Contradictoires avec l'européanisation de la jeunesse, en rupture avec les politiques énergétiques des pays voisins, cherchant plus que jamais à fonder l'autorité internationale et le poids diplomatique de la France sur ses capacités militaires (et notamment nucléaires), les gouvernements qui se succèdent vivent d'un passé révolu.

6 – La négation des défis écologiques ! N'est pas prise en considération l'évolution rapide et considérable d'un monde confronté à des bouleversements que jamais l'humanité n'avait rencontrés.

7 – La confusion des pouvoirs. Sans qu'il leur soit nécessaire d'être élus par les Français, de grands managers, financiers, banquiers constituent une puissance politique dont l'influence ne peut être contestée par les dirigeants du pays. Les uns commandent et les autres donnent le change. L'art politique devient ainsi de rendre crédibles et de justifier des décisions impopulaires au nom d'un pseudo intérêt général fort éloigné du bien commun !

8 – La manipulation des mots droite et gauche ! Les contenus de ces vocables ont cessé d'être pertinents. La droite n'est plus que le lieu où se protègent des intérêts privés. La gauche a cessé d'être le lieu où l'on défend le monde du travail. Ces mots sont usés et ont fait leur temps. Cependant « l'exploitation de l'homme par l'homme » perdure ! Se définir « de droite » (on peut l'oser à présent!), c'est subordonner la politique à l'économie et cela garde sens. Par contre, s'afficher« de gauche » (sans mettre en cause le système économico-libéral!) n'a plus de sens qu'ancien ?

9 – La contestation du travail salarié. L'emploi n'est pas toute l'activité humaine, plus vaste et plus indispensable, souvent, que le travail en entreprise ! Fonder les revenus sur le seul emploi n'est du reste plus tenable puisque le chômage croît dès que le surplus de production devient possible sans main d'œuvre supplémentaire. Nous abordons la « fin du travail », annoncée depuis des décennies9 et que nous nous refusons de regarder en face10.

10 – La distension inimaginable de l'écart entre riches et pauvres. Ce gouffre vertigineux, que nul ne songe à combler, est, de fait, accepté aussi bien par des élites de gauche que des élites de droite. Aucune élection n'est à même de permettre de jeter un pont entre les deux rives de cet univers social disproportionné et désarticulé.

Pourquoi et pour quoi voter dès lors ? Ne pas peser sur l'organisation de la vie publique et voter quand même n'est plus qu'une obéissance à un devoir civique vain ! Voter pour éviter le pire, au lieu de choisir ce que l'on désire, détruit l'idée démocratique elle-même ! Voter pour des candidats qui ne disposent pas des mêmes moyens de faire connaître leur pensée aux électeurs est inégal, injuste voire inique ! Sans restauration des conditions d'une votation équitable, il n'est plus utile de voter. Ce n'est, sinon, que participer à un jeu où s'affrontent des usurpateurs huppés. C'est donc accepter d'être manipulé, trompé, fanatisé et non point d'être maître de sa voix.

On est mort pour pouvoir voter. C'était au temps où le nombre pesait autant, parfois plus, que les trésors des prévaricateurs. Il n'est plus besoin, à présent, d'acheter des électeurs. Il suffit de les leurrer, duper ou séduire. On dispose, pour cela d'outils nouveaux, de moyens publicitaires efficaces et redoutables. Nombre d'électeurs se détournent alors des isoloirs dès qu'ils constatent que ce que l'on veut obtenir d'eux c'est non leur avis mais leur soutien, fut-il très temporaire, au moment du vote ! Tout peu se dire mais rien ne change avant, pendant et après une élection. On change de personnel, parfois de méthode mais les grands sujets restent tabous ; on n'y peut toucher. La politique commence pourtant quand le peuple s'exprime, pas quand il se démet de ses responsabilités au profit de ceux qui ont su le convaincre de leur confier ses intérêts.

Comment parvenir à relancer la dynamique de la démocratie ? Beaucoup de citoyens renoncent. La difficulté leur apparaît trop grande. Pourquoi réussirait-on, à présent, à atteindre des rives qu'on n'a jamais touchées durablement ?

Parce que le réalisme échoue. Parce que l'utopie cesse de l'être si elle est essayé et aboutit. Parce que les penseurs et les écrivains ne sont bafoués qu'un temps. Parce que l'événement commande et oblige les plus intraitables à renoncer à leurs idées de propriétaires de vérités toutes faites. Parce qu'agir en politique n'est pas se faire élire et adhérer à un parti, c'est faire bouger les pensées de ceux qui nous entourent. Parce que c'est modifier son propre mode de vie s'il n'est que la conséquence de conditionnements qu'une saine critique anéantit. Parce que le pouvoir fondé sur la force ne tient pas longtemps. Parce que la démocratie véritable commence en devenant le maître de sa propre vie.

Et cela commence par la lucidité : oui, «  les élections cessent progressivement d'être libres en France ». Il faut le dire, l'exposer, le prouver, afin d'y remédier. Entre cette révolte pacifique et la résignation (ou la mort), il y a le choix des choix à faire. L'évidence, c'est que c'est possible !


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1 Derrida Jacques, L'autre cap, Paris, Minuit, 1991.

Rosanvallon Pierre, La démocratie inachevée, Paris, Gallimard, 2001.


4 Rousseau Jean-Jacques, Contrat social, II, 1, p. 368, Paris, Gallimard, « la Pléiade », 1959-1969, 4 vol.

5 Rancière Jacques, La haine de la démocratie, Paris, La Fabrique éditions, 2005.

6 Notons que La première Constitution "moderne" ne fut pas celle des États-Unis d'Amérique, qui date de 1787, mais la Constitution corse, qui remonte à 1755. Elle fut créée par Pasquale Paoli, et retint l'attention de Jean-Jacques Rousseau. Cette constitution accordait le droit de vote aux femmes de plus de 25 ans. La Corse fut ainsi l'une des premières nations du monde à considérer la femme comme citoyenne. La Corse, cédée par Gènes à la France, ne devint française qu'après une conquête (sous Louis XV) qui ne fut définitive qu'en 1796, Bonaparte étant passé par là...


8 Mirbeau Octave, La Grève des électeurs, Paris, éditions Allia, 2009 (réédition).

9 Rifkin Jeremy, La fin du travail, Paris, La Découverte, 2005.


10  Collectif, avec préface de Dominique Méda, Le travail quelles valeurs ?, Paris, éditions Utopia, 2012.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

mardi 16 juillet 2013

Vive la crise !


Le 7 juillet, nous avons observé la répartition du patrimoine à l'échelle mondiale, aujourd'hui, observons ce qui se passe en France.

La richesse cumulée des 500 plus importantes fortunes françaises est de 330 milliards € - pour ceux qui ne sont pas familiers avec ces grands chiffres, cela représente environ 2 165 milliards de nos francs d'avant l'euro - des sommes qui donnent le vertige surtout lorsqu'on les compare au 33 milliards € que les 2 600 000 smicards (1) toucheraient par an s'ils ne travaillaient pas souvent à temps partiel (2).

330 milliards pour 500 familles riches contre 33 milliards pour 2 600 000 familles de smicards .

La richesse cumulée des 500 riches n'a jamais été aussi élevée, elle a quadruplé en 10 ans et représente 16% du PIB de la nation, mais surtout 10 % du patrimoine financier des 66 millions de Français « soit un dixième de la richesse entre les mains d'un cent millième de la population française. »

La fortune des dix premiers du classement s'est accrue de 30 milliards en 12 mois. À eux seuls ils représentent 135 milliards € soit 40 % du total et quatre d'entre elles figurent parmi les dix plus grosses fortunes d'Europe.

Des chiffres édifiants !

Le Président de la République a raison de dire comme il l'a annoncé le 14 juillet à l'observation de ces chiffres que nous sortions de la crise. Nous n'avons tout simplement pas les mêmes référentiels d'appréciation.

Depuis la Constitution de 1793, et la Constitution de 1958 le confirme dans son préambule, la devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité », et son principe est : le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Partant de ce postulat gravé dans le marbre, l'égalité serait donc une des valeurs phare de notre République. Pourtant, les chiffres mentionnés au début du texte infirment cet axiome.

Sans égalité, il n'y a pas de démocratie.

Ce favoritisme de la classe fortunée était le crédo de l'ancien président de la République, mais nous avons, justement, changé de président pour changer de politique.

Des décisions pour une plus juste répartition des richesses de la Nation sont indispensables.

Il est temps que les dirigeants de notre pays en prennent conscience et mesurent l'étendue des carences démocratiques et des injustices dont la majorité des citoyens est victime.

La patience du peuple a des limites.


(1) En 2003, le smic était à 7.19 €/h, en 2013 à 9.43€/h soit une augmentation de 2.24 €/h soit seulement 31 % 
(2) Les chiffres mentionnés proviennent de l'hebdomadaire « Challenges » et de l'INSEE.


Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

mardi 9 juillet 2013

Le sarkozisme pourrait détruire la République !


Aujourd'hui 9 juillet, sur l'antenne de RTL, c'est Henri Guaino, qui, commentant la décision du Conseil Constitutionnel d'invalider les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy, compare le verdict, qu'il qualifie "d'injuste" et "d'arbitraire", à celui du procès qui avait envoyé au bagne à l'ile du Diable le Capitaine Dreyfus. Il ose ajouter que c'est l'État de droit qui est aujourd'hui en péril : " L'État de droit commence quand on peut raisonnablement savoir ce qu'on peut attendre des autres. Quand je ne sais pas ce que je peux raisonnablement attendre – par exemple en matière de comptes de campagne – ni de la commission de campagne, ni du juge constitutionnel, alors je ne suis plus dans un Etat de droit."

C'est salir la mémoire du Capitaine Dreyfus que d'utiliser son drame et son nom pour satisfaire des intérêts politiques.


Jean-Luc Mélenchon, lui-même, venant au secours de l'ancien trader de la Société Générale, avait comparé Jérôme Kerviel (1) au capitaine Alfred Dreyfus : il avait eu tort.

Contrairement à ce qu'affirment Henri Guaino et Nicolas Sarkozy, les règles de plafonnement des dépenses de campagne étaient parfaitement claires et ce n'était pas un secret qu’il y avait eu quelques tricheries, d'ailleurs plusieurs barons de l'UMP avaient mis le parti en garde. Même si le coup est rude, il n'y a pas de complot, pas de manipulation, seulement l'application de la loi. 
 
Ces attitudes peu démocratiques qui viennent après de nombreuses tentatives de remises en cause de notre modèle social lors du précédent quinquennat commencent à devenir très inquiétantes :
  • Attaques contre la laïcité lors du discours du Latran en 2007,
  • Débat sur l'identité nationale et immigration avec le discours de Grenoble en 2010,
  • Détricotage du droit du travail,
  • Traitement populiste et libéral des questions de sécurité,
  • Manque de considération du travail du Parlement,
  • Manipulation des médias,
  • etc.
Si un parti d’opposition doit avoir le moyen de jouer un rôle démocratique de contre-pouvoir, il est scandaleux qu'il s'arroge, en permanence, le droit de mettre en cause les institutions de la République. Ce parti, plutôt ce clan, qui se trouve sur une ligne ultra droitière, parfois même antirépublicaine, considère que toutes les décisions des institutions de la République qui vont contre son gré sont illégitimes. Si comme le dit Henri Guaino, l'État de droit est en péril, c'est à cette droite sarko-buissonniste, aidé de François Copé que nous le devons.

Ils ne veulent pas débattre, ni respecter les instances existantes. Tout ceux qui ne pensent pas comme eux, sont contre eux.

Nous ne sommes plus dans le débat, mais dans l'amorce du totalitarisme. 
 
Un livre de Thomas Clay (2) vient de paraître dans lequel l'auteur écrit : « le sarkozysme constituerait l'aboutissement de l'entreprise de "destruction méthodique" du contenu du pacte républicain et du modèle social français construits sous la IIIème République et confortés pendant les Trente Glorieuses. » 
 
Nous partageons cet avis et nous ne pouvons pas laisser faire sans réagir, il est temps de prendre conscience de ces dérives, de ces tentatives de hold-up, qui amèneraient la République à se renier et à la France à ne plus être la France.


(1) Jérôme Kerviel, salarié de la Société générale, serait responsable des pertes de la Société générale s'élevant à 5 milliards d'euros découvertes en janvier 2008. 
(2) Les lois du sarkozysme - Thomas Clay - Editions Odile Jacob  ( Thomas Clay est professeur agrégé de droit privé, vice-Président de l'Université de Versailles et Ancien Doyen de la Faculté de droit et de science politique )

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

dimanche 7 juillet 2013

Pauvreté, Inégalités, quelques chiffres édifiants.



Même s'il est souvent indigeste de consulter des suites de chiffres, nous pensons qu'il est intéressant de connaître la répartition du patrimoine mondial et de prendre conscience des inégalités abyssales que l'on peut constater.

Le total du patrimoine mondial détenu par l'ensemble des habitants de la planète est de 174.000 milliards d'euros1, soit une moyenne de 38.000 d'euros par individu.
Malheureusement sa répartition est loin d'être équitable puisque 82,4% de cette somme (146.000 milliards €) est détenue par seulement 8 % de la population, et 1% des plus riches contrôleraient à eux seuls 46% du total.
Ceux dont la valeur de leurs avoirs est de moins de 8.000 € (69% de la population mondiale) n'ont que 3.3% de l'ensemble.

Pour continuer dans les chiffres signifiants, il faut aussi savoir que les « super-riches » qui représentent 0.6% de la population détiennent plus de 39% du patrimoine mondial, ce sont environ 29 millions de personnes qui pèsent entre 1 et 50 millions € et que les « super-super-riches » 84.500 personnes ont une fortune de plus de 50 millions €.
A l'opposé les « hyper-pauvres », près de 50% de la population détiennent à peine 1% du patrimoine mondial.
Comme le souligne l'Observatoire des Inégalités, ces personnes ne possèdent « quasiment » rien, sinon, un habitat de fortune, quelques têtes de bétail, une voiture relique ….

La répartition géographique montre aussi des iniquités flagrantes. L'Amérique du Nord et l'Europe du Nord (1.3 milliards de personnes) détiennent 62% du patrimoine mondial. Les populations d'Asie-Pacifique, hors la Chine et l'Inde (1.4 milliards de personnes) 9% du total, la Chine (1.3 milliards de personnes) 9%, l'Inde (1.23 milliards d'habitants) 1,4% et l'Afrique (1 milliard d'habitants) moins de 1% de la richesse mondiale.

La fortune médiane par adulte est de 33.000 € en Amérique du Nord, 10.000 € en Europe, 2.300 € en Asie-Pacifique et seulement de 225 € en Afrique.

Encore un dernier chiffre qui intéresse particulièrement notre pays ; avec 2.3 millions (8% du total mondial) la France est en troisième position derrière les Etats-Unis (11 millions) et le Japon (3,6 millions) au nombre de millionnaires. Ce qui prouve que l'effet négatif de la pression fiscale française est une légende et qu'elle ne décourage pas les plus riches de s'établir dans l'hexagone.

En 1990, l'Organisation des Nations Unis avait fixé comme objectif d'éradiquer la pauvreté dans le monde à l'Horizon 2015 ; s'il est indéniable que quelques progrès ont été enregistrés, il est affligeant de constater des disparités insupportables entre les nations et les continents et il serait bienvenu que nos dirigeants aient ces chiffres devant eux en permanence pour en prendre toute la démesure.
Imaginer construire un monde équitable sans que l'Occident (Amérique du Nord et Europe du Nord) limite son train de vie tient, au mieux de l'aveuglement, au pire de la maladie mentale, d'autant que le Crédit Suisse, à l'origine de ces chiffres, avertit que les données concernant le patrimoine des plus fortunés est certainement sous-estimé.

En Asie de l'Est des progrès ont été réalisés, mais la pauvreté a progressé dans d'autres régions ; l'Afrique subsaharienne compte 60 millions de pauvres de plus qu'en 1990 et le sous-continent 45 de plus qu'en 1999. En ce début de siècle, dans un monde où règne l'abondance, 34 pour cent des gens d'Afrique subsaharienne sont victimes de la faim chronique entraînant, à la fin de la décennie, 24 millions de sous-alimentés de plus qu'à son début.
Il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser.

Toute proportion gardée, bien entendu, il faut garder à l'esprit que les crises économiques et financières que nous connaissons depuis 2008 ont pour conséquence un appauvrissement des classes moyennes dans les pays du bloc occidental.
En France, de 2000 à 2010 (derniers chiffres connus) le taux de pauvreté a enregistré une hausse de 16% du nombre de personnes sous le seuil de pauvreté - 7 382 000 en 2004 - 8 173 000 en 2009 - 8 600 000 en 2010. Ce dernier chiffre représente 13 % de la population française.

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux


1   L'ensemble des éléments chiffrés de ce blog proviennent de l'Observatoire des inégalités - www.inegalites.fr