mardi 26 avril 2011

26 avril 1986 - 26 avril 2011 : la fin du mensonge


À Tchernobyl, d'innombrables vies ont été sacrifiées pour que nous vivions. Telle est la vérité qui, lentement, émerge. Il aura donc fallu un quart de siècle, et la nouvelle catastrophe nucléaire de Fukushima, pour que nous soit connue l'ampleur du drame de Tchernobyl ?

Avec les "liquidateurs" (ces jeunes gens envoyés, par centaines de milliers, sur le champ de bataille, face à "l'ennemi invisible"), trois personnages émergent : un homme politique écarté prématurément de l'histoire (Mikhaïl Gorbatchev), un savant emprisonné cinq ans, pour avoir révélé ce qu'il avait découvert (Youri Bandajevski) et un
ingénieur physico-chimiste, qui s'est suicidé le... 26 avril 1988 (Valeri Legassov) après n'avoir pu convaincre l'AIEA de ce qu'il avait constaté.

Une des médailles remises aux liquidateurs : le symbole représente une goutte de sang traversée par les rayonnements alpha, bêta et gamma.

38 morts devait diagnostiquer l'AIEA, qui, pour cela, aurait dû être dissoute et ses "responsables" traduits devant les tribunaux internationaux !

(Un rapport de l'AIEA, établi en 2005, recense près de 30 morts par syndrome d'irradiation aiguë directement attribuables à l'accident, et estime que le nombre de morts supplémentaires par cancer dans les populations les plus exposées aux rayonnements (estimé à 4 000 morts d'après les modèles de radioprotection) est trop faible par rapport à la mortalité naturelle (100 000 morts, soit 4 % d'accroissement) pour être détectable par les outils épidémiologiques disponibles.)



Valeri Legassov

Gorbatchev, qui envoya des centaines de milliers d'hommes pour "liquider" le désastre est-il un monstre ou le sauveur de l'humanité ? Selon lui, c'est Tchernobyl qui ruina l'URSS et mis fin à la perestroïka, mais, surtout, agir autrement, aurait été un crime contre l'espèce humaine tout entière.


Mikhaïl Gorbatchev

Le cynisme d'acier des défenseurs de l'industrie nucléaire, avec lequel on laissa les peuples du monde dans l'ignorance de la gravité de l'événement, a réussi à faire traverser 25 ans de mensonge. Un cynisme à rapprocher de la satisfaction des capitalistes qui voyaient s'effondrer, à la fois, l'opposition politique soviétique et, mieux encore, toute possibilité de voir régénérer, par la glasnost (la transparence) de Gorbatchev, un socialisme monstrueux, encore aux mains des gérontes d'un Parti à bout de souffle.

En Biélorussie, si proche de Tchernobyl, il fut interdit d'affirmer que les effets de la catastrophe, sur le vivant, étaient et seraient redoutables. Pour n'avoir pas obéi le professeur Bandajevsi fut incarcéré ! Ses travaux étaient sans équivoque : des monstres allaient naître.

Youri Bandajevsky, Genève, 2009.
Youri Bandajevsky
http://fr.wikipedia.org/wiki/Youri_Bandajevski

Ce qui, aujourd'hui est révoltant, incompréhensible, désespérant si l'on considère l'humanité, dans son devenir comme dans son passé, c'est que l'énergie nucléaire soit encore considérée, par des chercheurs et des responsables politiques, comme une industrie incontournable dont nous ne pourrions nous passer ! Gorbatchev n'hésite pas, lui, à présenter les armes nucléaires et les centrales nucléaires comme des menaces que les peuples ne peuvent plus se permettre de conserver. Mais que pèse encore celui qui osa dénoncer le nationalisme et l'irresponsabilité d'un régime corrompu, et qui, pour cela, tomba sous un coup d'État ?

L'éclatement de l'URSS n'aura pas permis de traiter les suites de Tchernobyl de façon unitaire : l'Ukraine, la Biélorussie et la Russie, états désormais indépendants, évitent de regarder en faceune situation qui n'est pas réglée ! On manque d'argent (!) pour reconstruire un sarcophage au-dessus des ruines encore radioactives...


Tchernobyl au carrefour de Belarus, de la Russie et de l'Ukraine

La question nucléaire serait restée cachée derrière les murs des centrales, dont nulle n'est à l'abri de l'accident fatal, sans Fukushima, dont, hélas, les conséquences seront plus graves que celles de Tchernobyl (à cause de l'importance des populations concernées et, surtout, parce que l'on ne sait encore, à ce jour, comment mettre fin à cette catastrophe durable dont les effets vont se faire sentir sur la région plusieurs dizaines ou... centaines d'années).

Sortir du nucléaire n'est plus une nécessité, c'est une urgence ! Pour débarrasser la planète de ce qui la menace partout, d'ici un demi-siècle, il faut commencer tout de suite, avec l'espoir que des travaux scientifiques fassent accélérer le cours des démantèlements, n'en déplaise à AREVA, EDF et autres entreprises gérées par des nucléocrates.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran


lundi 25 avril 2011

Quand la LDH pose la plus grave des questions politiques

Nous reproduisons ici, dans notre blog, un texte signé du président de la LDH. S'agissant des politiques publiques de l'énergie, une question politique majeure y est plusieurs fois évoquée : peut-on imposer aux citoyens de vivre avec des choix économiques qui mettent en péril l'espèce humaine, voire toute vie animale, sur la planète ? Qu'il s'agisse du réchauffement climatique ou du recours à l'énergie nucléaire, "les fautes humaines amplifient les conséquences des risques naturels", écrit Jean-Pierre Dubois, et ces fautes ne sont pas seulement liées à nos insuffisances ; elles sont liées à de mauvais choix, des choix qui se sont déjà, plusieurs fois, avérés meurtriers.

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux.



Édito de Jean-Pierre Dubois, président de la LDH.

La LDH n’a jusqu’à aujourd’hui jamais pris position sur la question du recours à l’énergie nucléaire à des fins non militaires : les politiques publiques de l’énergie lui semblaient relever d’un champ d’appréciation dépassant les limites de son mandat.

Mais il n’en va de même ni du respect de la démocratie dans la prise de décision en la matière, qu’il s’agisse de l’information des citoyens ou de la légitimité des décideurs réels, ni de la priorité à la sécurité sur toute autre considération, compte tenu des conséquences effroyables d’un accident nucléaire.

La contradiction entre la lutte contre le réchauffement climatique et la dangerosité de toute exploitation nucléaire ne simplifie pas le débat, mais nous interroge sur les niveaux de garantie des droits à la vie et à la protection de la santé face, d’une part, au risque nucléaire et, d’autre part, à la menace climatique à moyen terme. Ce débat appellera mûre réflexion et échanges approfondis, compte tenu de notre attachement à des impératifs contradictoires, et du caractère vital de l’enjeu.

Mais point n’est besoin d’attendre d’avoir tranché la question de fond pour réagir au drame de ce printemps 2011.

Alors que tant de gouvernants et d’experts ont menti au moins par omission sur la gravité de la catastrophe de Tchernobyl, glosé sur l’insécurité dans la centrale ukrainienne, alerté sur la même impéritie dans la centrale bulgare de Kozlodui, cette fois c’est dans la troisième puissance économique de la planète, mondialement réputée pour sa modernité technologique, que l’imprudence atteint un niveau non moins sidérant.

Des imprudences au drame.
On a installé plus de cinquante réacteurs nucléaires dans un pays touché par plus de mille séismes en 2010, et où les tsunamis sont si fréquents que c’est ce terme japonais que l’on emploie dans toutes les langues du monde. On a implanté les centrales en bord de mer sans avoir prévu l’hypothèse d’une vague postsismique de dix mètres de haut, alors qu’on en a connu au même endroit qui avait dépassé vingt-huit mètres. Et, de l’aveu confondant des autorités européennes, ce n’est qu’après la catastrophe que l’on va évaluer les incidences des risques sismiques sur la résistance des centrales à un accident majeur.

Faut-il ajouter que Fukushima Daini, comme toutes ses pareilles au Japon, est une affaire privée gérée par le premier exploitant nucléaire commercial du monde, et qu’en 2007 les dirigeants de Tepco avaient été convaincus de dissimulation fautive d’un incident grave affectant le même site ? Faut-il rappeler qu’un sismologue japonais, qui avait prévu en 2007 exactement ce qui vient de se passer, a été écarté de ses fonctions ? La leçon terrible de ce nouveau drame, c’est que si la bureaucratie et la rusticité technologique avaient pesé lourd à Tchernobyl, la privatisation et la priorité à la profitabilité, alors même que la vie de trente-cinq millions de Tokyoïtes (habitant à moins de deux cent cinquante kilomètres de la centrale) est en jeu, n’ont pas mieux pris en compte la sécurité des habitants ni leurs droits à l’information et au débat démocratique… Quand il en était encore temps.

L’avenir énergétique en question.
Certes, le niveau de mensonge de la « communication » gouvernementale française semble avoir diminué depuis quinze ans. Mais on a entendu la présidente d’Areva soutenir, près d’une semaine après le début de l’accident, que celui-ci n’était pas une catastrophe… Et, de même qu’en Allemagne, on ne mangeait pas, en 1986, les salades qui restaient officiellement sans danger de notre côté du Rhin, le contraste reste frappant entre la chancelière allemande (qui estime que le plus tôt sera le mieux pour sortir du nucléaire) et les gouvernants français actuels (qui affirment tranquillement que le maintien du recours massif au nucléaire ne mérite même pas un débat sérieux).

Comment ne pas constater à quel point les fautes humaines amplifient les conséquences des risques naturels ? Comment ne pas dénoncer l’inversion des priorités entre sécurité civile et profit qui, au Japon, va se payer de décennies de souffrances et d’angoisses pour des millions de personnes peut-être ? Mais aussi, en France cette fois, l’arrogance aveugle de gouvernants qui refusent aux citoyens toute légitimité pour questionner, s’informer, débattre sur la garantie même de leur survie ? Comme si, décidément, ce qui va de soi dans les autres démocraties européennes se heurtait à la nature d’un régime dans lequel la « France d’en bas » doit faire confiance à un monarque éclairé par d’infaillibles et « experts » conseillers…

Il ne sera pas simple de décider de l’avenir énergétique de l’humanité, et tout particulièrement de celui de notre pays. Mais cet avenir doit être débattu et décidé démocratiquement, ce qui n’a jamais été le cas jusqu’à présent. Alors que nous approchons d’échéances décisives, les citoyens ont le droit de connaître les projets de ceux qui solliciteront leurs suffrages, pour pouvoir décider eux-mêmes du monde qu’ils laisseront aux générations futures. Prenons au sérieux le « développement durable », en français comme en japonais.

(Hommes & Libertés, n°153 - janvier/février/mars 2011)


dimanche 24 avril 2011

Jusques à quand...?

Résistance... au changement ?
Oui. Il est des changements qui n'en sont pas ou qui sont des régressions.
Pire. Il est des changements qui, même s'ils portent vers l'avant, contiennent des nouveautés révoltantes !
La machine à broyer passe...

Qu'on aime ou qu'on rejette l'institution départementale, la naissance des "conseillers territoriaux" est un mauvais coup contre la République.


L’annonce, le 9 mars 2011, en Conseil des ministres, de la reprise par le gouvernement d’un projet de loi visant à supprimer les conseillers généraux, alors que les Français les élisaient au cours du même mois, ne pouvait encourager la participation électorale, mais, surtout, témoignait d'un mépris souverain pour... le souverain, le peuple ! Nous sommes bien en monarchie !


Le 13 avril 2011, la Commission des lois de l'Assemblée nationale a donc adopté un nouveau tableau de répartition des conseillers territoriaux. Dans une décision du 9 décembre 2010, le Conseil constitutionnel avait statué sur la loi de réforme des collectivités territoriales : il avait validé l'essentiel de la réforme des collectivités, mais avait censuré l'article 6 de la loi et le tableau annexé relatifs à la répartition des conseillers territoriaux, relatifs au nombre de sièges de conseillers territoriaux prévu pour chaque département.

Il faut lire "l'annexe au rapport sur le projet de loi, après engagement sur la procédure accélérée, fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région", http://www.assemblee-nationale.fr/13/ta-commission/r3332-a0.asp et le rapport lui-même, fort instructif, http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r3332.asp

On y trouve, notamment, cette perle justifiant le cumul des mandats :
"En ce qui concerne les conflits que pourrait connaître un conseiller territorial siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional, je vous renvoie à la situation des parlementaires qui sont aussi conseillers généraux, conseillers régionaux, maires ou conseillers municipaux : cela ne me paraît pas poser de problème".

Le gouvernement devait revoir la répartition des conseillers territoriaux dans six régions, après la censure du 9 décembre 2010 de l’article 6 par le Conseil constitutionnel, qui a jugé que les effectifs attribués à 6 départements méconnaissaient le principe d’égalité devant le suffrage.

Au total, les conseillers territoriaux seront beaucoup moins nombreux que les conseillers généraux et régionaux réunis, 3 493 au lieu des quelque 6 000 élus actuels.
Voir le dossier : http://www.courrierdesmaires.fr/juridique/article-dossier-conseiller-territorial-qui-sera-t-il-elle-4200.html?dossier=210

Faudra-t-il construire de nouveaux hôtels de région pour accueillir les 296 conseillers territoriaux rhône-alpins (157 conseillers régionaux aujourd’hui) ou les 138 conseillers champardenais (49 actuellement) ?

Les conseillers territoriaux seront élus au scrutin majoritaire uninominal à deux tours. Pour l’accès au second tour, les candidats devront obtenir 12,5% des suffrages pour se maintenir. Ce seuil devrait considérablement réduire les triangulaires.

Afin de renforcer la parité hommes-femmes, une disposition a été rajoutée au texte pour que les partis n'ayant pas respecté la parité soient sanctionnés par une diminution de l'aide de l'Etat, qui s’appliquera pour partie en 2014, puis en totalité en 2020 !



Les socialistes, eux, affirment qu'ils abrogeront cette réforme, en cas de victoire en 2012. Est-ce si sûr ? S'il fallait que le Parlement corrige tout ce qui a été voté depuis 2007, il n'aurait plus le temps de travailler à de nouveaux textes, à moins qu'il ne décide que toute disposition prise sous le mandat de Nicolas Sarkozy, est nulle et non avenue. Une vraie... révolution !

En Ile de France, en 2014, par exemple, ils se répartiront (...raient ?) ainsi : 308 élus contre (toute petite et misérable restriction) 309, actuellement.

Sous ce déluge de textes, textes amendés, textes rectificatifs et autres textes remaniés, on trouve, surtout, une volonté, patiente autant que brutale, de faire passer une conception de la vie en collectivité soumise à des impératifs économiques qu'aucune collectivité ne doit venir déranger.



C'est cette "engluement" de la République dans des réglementations complexes, réductrices des pouvoirs décentralisés, paralysantes, qui doit absolument être combattu, car il interdit toute évolution vers un partage, entre tous les citoyens, des responsabilités qui sont les leurs.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

jeudi 21 avril 2011

La lame de fond qui bouge les peuples arabes


Des barbelés n'ont jamais arrété la jeunesse qui veut vivre, quitte à en mourir...

En Tunisie
, plus de 200 000 Lybiens se sont réfugiés en Tunisie où ils sont accueillis aussi bien que possible. 20 000 Tunisiens ont fui vers l'Europe où nul ne veut d'eux. À Lempedusa, la population crie sa colère devant ces arrivées qui perturbent leur vie. Le maire, membre de la Ligue lombarde, décrète une "grève générale" de protestation. "L'accueil" est à la limite de l'horrible ! Ceux qui arrivent après une dangereuse traversée (d'autres ont coulé!) n'ont pas le temps de souffler. Sans couverture, sans hygiène, ils dorment sous les camions, dans la capitainerie (dans une suffocante odeur d'urine), dehors quel que soit le temps. le choc est rude. Les illusions s'écroulent. "je me demande de quel côté est le Tiers monde", entend-on dire... Et pourtant la détermination est totale : plutôt mourir que de revenir en Tunisie. Certains en sont à leur troisième traversée, toujours aussi dangereuse. Le plus dur est d'ailleurs dans cette traversée, "un voyage de souffrance" qui dure de 24 à 36 heures.

Les jeunes Tunisiens qui quittent une Tunisie en plein changement ne sont pas des traîtres. Ils n'ont plus confiance, Ben Ali ou pas. Ils partent et rien, pas même le risque de perdre la vie ne les fera reculer. Suffit-il des les repousser ? Évidemment, non !

Le mouvement qui ne ravage pas les côtes et le sol, est un tsunami politique, un tremblement de terre démocratique ; c'est une contestation irrépressible dont nulle armée ne viendra à bout. Là, comme en Méditerranée, la peur de la mort n'arrête plus personne.

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L'aspiration à la liberté finit toujours par atteindre la plage de nos cités.

En Syrie
, il ne suffira pas de lever l'état d'urgence, en vigueur depuis 1963. Bachar Al-Assad, qui fait face à une contestation populaire sans précédent depuis qu'il a pris la tête du pays, en 2000, a également promulgué deux lois, celle abrogeant la Cour de sûreté de l'État et celle réglementant le droit de manifester. Rien n'y fait.

En Algérie, Abdelaziz Bouteflika a tenté d'apaiser les tensions qui s'accroissent dans le pays depuis le début de l'année. Il a promis de "renforcer la démocratie", dans ce pays où le poids de l'armée est considérable. "Pour couronner l'édifice institutionnel visant à renforcer la démocratie, il importe d'introduire les amendements nécessaires à la Constitution" de 1996, a-t-il affirmé. La loi électorale devrait également revue en profondeur. Reste à voir si ces annonces seront suivies d'effet. Le président, malade, vieillissant est devenu, lui aussi, très fragile.

Au Yémen, depuis fin janvier, un mouvement de protestation, lancé dans la foulée des révoltes qui secouent le monde arabe, et dont la répression a fait plus de 100 morts, continue de réclamer le départ du président Ali Abdallah Saleh. Des centaines de milliers de personnes ont manifesté à Sanaa où les protestataires campent, depuis des semaines, sur la "place du Changement", près de l'université. Des heurts ont éclaté quand les forces de sécurité ont ouvert le feu et fait usage de gaz lacrymogène contre les manifestants. Les protestataires ont défilé aussi, dans le calme, à Taëz, Ibb, au sud de Sanaa, et à Hodeïda, sur la mer Rouge, selon des participants. "Nous réclamons la chute du régime et le jugement du bourreau", proclamait l'une des multiples banderoles brandies par la foule.

À Bahrein, un mois après la dispersion brutale des manifestants qui occupaient la place de la Perle à Manama, la capitale, la répression est implacable. Après des semaines de manifestations, la famille régnante Al Khalifa, de confession sunnite, qui règne sur un pays comprenant 70% de chiites, a décrété la loi martiale et obtenu le soutien de troupes saoudiennes, le 16 mars. Les contestataires ne demandaient pas la chute du régime mais une monarchie constitutionnelle, plus de justice sociale et d'égalité. Ces réformes auraient cependant accru le poids des chiites dans l'émirat. Il était probable aussi que la revendication démocratique ferait tache d'huile dans la région. Ce dont l'Arabie saoudite ne veut à aucun prix !


La Méditerranée est la mer de tous les peuples d'Afrique du Nord et d'Europe du sud, mare nostrum.

En Lybie, on est loin d'en avoir fini ! S'y croisent des volontés politiques puissantes et obscures. Qui croira qu'il ne s'agit que de renverser le dictateur Khadafi ? Les populations qui s'affrontent ne veulent pas la même chose ! L'argent du pétrole motive autant des potentats locaux que les puissances occidentales. Et puis Khadafi dispose d'informations génantes pour les dirigeants occidentaux et le faire taire ( en lui assurant une survie silencieuse ou en le faisant exécuter) fait partie des motivations des "défenseurs du peuple lybien menacé". On voudrait bien dominer la situation avec l'aide de l'OTAN, mais là encore, la pression militaire ne permet pas tout...

Au Maroc aussi, on lâche du lest. Les Marocains qui manifestent veulent une reforme de la constitution, qui garantisse la séparation des pouvoirs et une définition claire des prérogatives de la monarchie d'une part, des assemblées, parlements et corps élus de l'autre. Cela veut dire une monarchie qui règne et des gouvernements issus de majorités qui ont le pouvoir de gouverner. La revendication d'une monarchie constitutionnelle véritable est très ancienne. Le roi tente d'apaiser la contestation mais, dans ce pays cultivé, on ne voudra pas faire moins qu'ailleurs !

Depuis l' Europe, depuis la France, on voit mal, on comprend mal ce qui se passe en Afrique du Nord et au Moyen Orient. Plus loin aussi : en Côte d'Ivoire, voire au Burkina Faso... Cette poussée populaire que n'arrêtent pas les armes et la rigueur impitoyable de Chefs d'État en perdition, qui ont dirigé leur pays, depuis des décennies, aura-t-elle une fin prochaine ou, au contraire, sera-t-elle la lame de fond qui va bouleverser le paysage politique de toute l'Afrique ? Le plus surprenant est que l'on ne peut pas plus le savoir qu'on ne l'avait su, quand, voici quelques mois seulement, il était totalement inenvisageable que soient renversés ceux... qui l'ont été !


Reste le nœud du monde arabe, le nœud de vipères sans doute : l'Arabie saoudite, foyer de l'extrémisme, financeur du terrorisme et protégé par son pétrole et par la Mecque ! Tout s'y concocte pour empêcher la vague de liberté de déferler sur la région. Ses dirigeants peuvent y compter sur la "compréhension" des nations qui ont besoin, plus que jamais, de l'or noir.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran



dimanche 17 avril 2011

La coupe est pleine.

Aujourd'hui, de quelque côté que l'on se tourne, l'horizon est bouché et l’avenir désespérant !

Nous avons la désagréable impression d'être dans une nasse ou plutôt dans un tonneau de mélasse.



Quoi qu'on fasse, de quelque côté que l'on se tourne, elle nous colle à la peau et l'on ne peut s'en séparer.

Comme le pouvoir a besoin de petites mains, bien disponibles et serviles, il nous maintient, tout de même, la bouche et le nez hors de cette mélasse pour nous laisser respirer ; il s'en faut pourtant de peu que nous étouffions définitivement et beaucoup d'entre nous n'y survivent pas.

- 3 millions de personnes descendent dans la rue pour maintenir la retraite à 60 ans : le pouvoir s’en moque !

- Une commission parlementaire, rassemblant majorité et opposition, propose de réglementer les fichiers de police : le pouvoir s'en moque !

- Pour sanctionner le pouvoir politique, de nombreux électeurs s'abstiennent lors des élections : le pouvoir s'en moque !

De toute façon le pouvoir se moque de ce que pense le peuple...


Nous pourrions multiplier ainsi les exemples. La cinquième république et sa constitution monarchique ont déconnecté le pouvoir et le peuple et Nicolas Sarkozy a porté à son paroxysme ce dysfonctionnement de notre démocratie.
Une question importante se pose donc, aujourd’hui : peut-on encore qualifier de démocratie un pays où l'exécutif, devenu minoritaire, ne tient aucun compte du résultat des urnes et des désirs des citoyens ?

La cinquième république sarkozienne, instrument du capitalisme néolibéral, montre ses limites, elle n’est que populisme, démagogie, mensonge. C’est une oligarchie de voyous prêts à tout pour se maintenir au pouvoir et prenant en otage le reste de la France.



On nous rabâche, bien entendu, qu'il n’y a pas d’alternative, selon le fameux syndrome TINA, cher aux néolibéraux anglo-saxons ! Encore un mensonge, une invention du système capitaliste et de la novlangue théorisée par Orwel.


Il y a, bien sûr, des alternatives1.


Cependant, il faut se garder d’essayer de rivaliser en inventant une nouvelle théorie en « isme ».

Il faut aussi se garder d’utiliser des termes de combat, comme « victoire » ou « performance » ; il ne s’agit plus de cela, mais de la place des Hommes sur la planète et de la survie de l’Humanité.

Il faut changer de République et déconstruire, déstructurer le capitalisme.

Il ne doit son succès qu’à la multitude des petites mains qui lui apportent leur concours aveugle. Nous tous sommes les petites mains qui font fonctionner cette immense machine infernale qui ne répond aux nécessaires changements que par des alternatives infernales :

« Vous voulez augmenter les salaires ! Mais vous allez provoquer la fermetures des usines, accélérer les délocalisations et mettre des gens au chômage » ; « le système c’est comme ça, il faut bien faire avec » ; « c’est con, mais, c’est comme cela2 » et bien d’autres alternatives infernales et spécieuses que nous avons tous entendues.

Toutes ces phrases ne sont que du boniment creux digne des bateleurs de foire.

La croissance, énergie indispensable à la survie du système, est entretenue par toutes les petites mains.

Ce n’est que l’addition de la besogne journalière des petites mains, du technicien de surface au DRH du groupe coté au CAC 40, qui tient en équilibre cet ensemble bien fragile et auxquelles on fait miroiter le mirage de devenir multimilliardaires, il n’y a rien de plus fallacieux.

Au dernier classement, il y a seulement, en 2010, 1 011 milliardaires en euros dans le monde, répartis sur 55 pays. (Chiffre relativement stable : 793 en 2009 et 1 125 en 2008).

Même si ce nombre doublait, qu’il soit multiplié par 10, voire par 100, sans partage, il resterait toujours sur le bord du chemin plusieurs milliards de pauvres exploités.



Alors, résistons, organisons la désobéissance civile chaque fois que l’occasion nous en est donnée !

Écoutons Etienne de la Boétie3 et Henry-David Thoreau4, prenons exemple sur Gandhi qui, par l’action non violente, réussit à faire plier le colonialisme anglais

Déstabilisons le système, commençons à consommer moins.

Moins de croissance et le capitalisme prendra peur. Un capitalisme qui a peur est un capitalisme mort. Il n’a pas de concept, pas de théorie et il n’y a aucune solidarité dans ce monde de rapaces, royaume de l’individualisme. Le partage est la négation du capitalisme. Si le système se grippe, comme les anthropophages, c’est entre eux qu’ils se boufferont.


Pour convaincre et terminer : quelques exemples très différents de mensonges et de manipulations du système :


Nous entendons en permanence affirmer que la main d’œuvre française n’est pas compétitive : FAUX, c’est un mensonge, en effet, si la Norvège détient le plus haut niveau de productivité du travail (37,99 US$), suivie par les États-Unis (35,63 US$), les Français (35,08 US$) sont en troisième position.


Les statistiques mensuelles du chômage indiquent 2 577 000 chômeurs soit 9.6 % de la population active. : FAUX, encore un mensonge, le nombre de Français sans emploi réel avoisine les 4 800 000 soit 17.9 % de la population active, car, il convient d’ajouter 2 241 545 chômeurs à temps partiels, en préretraites, en formation, etc.


Autre manipulation fallacieuse : la volonté affirmée de re-mise au travail des 50 – 64 ans, alors que les jeunes, en début d’activité, sont plus nombreux et très pénalisés (15-24 ans : 648 000 chômeurs - 25-49 ans : 1 499 000 - 50-64 ans : 430 000). Certainement un alibi pour nous faire avaler la pilule de la retraite à 62 ans.


Une autre encore : les préparations naturelles peu préoccupantes – herbes médicinales, traitements biologiques alternatifs aux produits chimiques (remèdes de bonne femme) - font l’objet des mêmes procédures que les produits synthétiques et la législation Européenne sur l’introduction d’une herbe médicinale sur le territoire de l’Union européenne impose, à partir de 2011, son enregistrement préalable. Vive les OGM traités aux produits synthétiques. Pour satisfaire le lobbying de l’Agrochimie, dehors les purins d’orties, de consoudes, de fougères et de prêles utilisés depuis des siècles .




Nous pourrions continuer à longueur de pages à énumérer les agissements fallacieux, spécieux et tout simplement mensongers du système et de ses affidés gouvernementaux. Le pire, sans doute, étant de continuer à nous dire que le nucléaire a un avenir autre que celui de nous menacer, nous et nos descendants, que ce soit sous la forme de radiations invisibles et cancérigènes, ou sous la forme d'ogives surpuissantes, porteuses de mort !


Il est juste tant de réagir avant qu’il ne soit trop tard, alors résistons.


1 - "Le slogan TINA (There is no alternative : il n'y a pas d'alternatives) est une supercherie. L'ordre socio-économique particulier qu'on impose est le résultat de décisions humaines. Les décisions peuvent être modifiées ; les institutions peuvent être changées. Si nécessaire, elles peuvent être renversées et remplacées, comme des gens honnêtes et courageux l'ont fait tout au long de l'histoire" – Noam CHOMSKY.

2 - Philippe Pignarre – Isabelle stengers : la sorcellerie capitaliste - page 202 – Editions la Découverte/Poche

3 - Discours de la servitude volontaire – collection poche

4 - La désobéissance civile de Henry-David Thoreau et Guillaume Villeneuve – Editions Mille et une nuits


Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux