dimanche 28 février 2010

Claude Allègre ou l'imposteur politique.

Alerte Environnement, le site écolo de l'UMP, soutient Claude Allègre et son dernier livre L'Imposture climatique (http://alerte-environnement.fr/?p=2582). Il s'en prend aussi à Stéphane Foucart, journaliste scientifique du quotidien Le Monde qui a osé défendre le GIEC (http://alerte-environnement.fr/?p=254).

Et de citer l'interview de l'ex-ministre socialiste, désormais proche de la majorité présidentielle, dans l'hebdomadaire ultra gauchiste Valeurs actuelles, (http://www.valeursactuelles.com/actualit%C3%A9s/france/charge-de-claude-all%C3%A8gre-contre-climatiquement-correct.html).

Attaquant les écologistes, Claude Allègre estime que “leur grande imposture, c’est d’avoir fait croire que la priorité numéro un était la lutte contre le réchauffement climatique.” Et selon lui, les conséquences sont dramatiques : “en entraînant les politiques dans cette croyance du réchauffement climatique, on a négligé les vraies priorité : l’eau, la faim dans le monde. Toutes les dix secondes, un enfant meurt de faim dans le monde. Chaque jour, dix mille personnes meurent par manque d’eau potable. C’est terrible.”

Quand la malhonnêteté intellectuelle, de la part d'un scientifique, s'ajoute à la connivence politique, cela donne un livre qu'il faut examiner de près et combattre. N'en déplaise aux journalistes complaisants de Valeurs actuelles, L'Imposture climatique est un ouvrage truffé d'erreurs que Stéphane Foucart relève, impitoyablement, dans Le Monde du 27 février 2010. (http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/02/27/le-cent-fautes-de-claude-allegre_1312167_3244.html).

Pour nous qui ne sommes pas des savants ni même des scientifiques, mais pas tout à fait des naïfs en politique, nous voyons bien la manœuvre : il s'agit de tuer dans l'œuf l'accusation du GIEC selon laquelle l'activité humaine est la principale responsable du réchauffement climatique. Il s'agit d'effacer les doutes qui pèsent sur la responsabilité du système économique capitaliste sur les risques encourus par l'espèce humaine. Il s'agit de raviver les espoirs en la croissance mise à mal par la dénonciation du productivisme. Il s'agit, en bref, de... continuer comme avant, ce qui, en effet, se produit depuis l'échec de Copenhague.

Si la chasse au GIEC est ouverte (http://www.rue89.com/planete89/2010/01/29/rechauffement-climatique-la-chasse-au-giec-est-ouverte-136098), c'est parce qu'on s'est jeté sur des erreurs méthodologiques de certains membres du GIEC pour décridibiliser l'institution. Selon l'Onu, les quelques bourdes imputables au GIEC ne démentent en rien la véracité de cette conclusion : il est à 90% certain que le réchauffement climatique, observé au cours des cinquante dernières années, est imputable à l'activité humaine.

Là où le comble de la duplicité est atteint, c'est quand on pleure sur les morts liées au monde d'eau et de nourriture, comme si ces drames n'avaient rien à voir avec l'activité humaine et les inégalités violentes qu'elle engendre. À supposer que le GIEC se soit trompé, voire même que le réchauffement climatique ne soit pas dû seulement, ou principalement, à l'activité humaine (ce qui pour la majorité des scientifiques ne continue pas moins à refuser d'admettre), rien ne saurait annuler la constatation que nous consommons plus que nous ne pouvons désormais produire. Il n'est pas davantage possible de continuer à penser l'économie comme fondée sur une croissance sans fin !

Le GIEC, du reste, continue, imperturbablement ses travaux : il définit les grandes lignes du Cinquième Rapport d’Evaluation (AR5), qui paraîtra en 2014. Il est aussi en train d’élaborer deux Rapports spéciaux. Un Rapport Spécial sur “ Les Sources d’énergie renouvelables et les mesures d’atténuation du changement climatique” devrait être prêt en 2010. Le Rapport Spécial “ Gérer les risques d’événements extrêmes et des catastrophes pour améliorer l’adaptation au changement climatique” est aussi en préparation et va sortir en 2011. (http://www.ipcc.ch/home_languages_main_french.htm).

ccnucc

En conclusion, ou bien il est irresponsable de laisser écrire ce qui suit, ou bien il est irresponsable de laisser dénigrer l'activité de ceux qui s'efforcent, avec les risques d'erreur liés à toute recherche humaine, de nous éclairer sur ce qui menace l'humanité tout entière et pas seulement notre société occidentale ! On trouve, en effet, sous la responsabilité de la Convention-Cadre des Nations-Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) cette définition du dictionnaire environnement et développement durable, l'effet de serre :
" Sans l'effet de serre, la température moyenne à la surface du globe serait de -18°C. Les activités humaines seraient, du fait de la libération dans l'air de gaz à effet de serre, à l'origine d'une augmentation du phénomène. L'augmentation incontrôlée de l'effet de serre pourrait provoquer selon les pires prévisions (violents incendies de forêts dus aux sécheresses et réchauffement progressif des océans entraînant la fonte puis la remontée à la surface du méthane stocké au fond des mers) une augmentation de la température du globe jusqu'à 10°C en moyenne d'ici à 2150 si rien n'est fait pour diminuer les rejets humains de gaz à effet de serre".
(http://www.dictionnaire-environnement.com/effet_de_serre_ID282.html).

Et mieux vaut en rire...



Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

lundi 22 février 2010

RFID : devrons-nous choisir entre progrès et liberté ?


Radio Frequency Identification Data
en Anglais, plus simplement, en Français : identification par radio fréquence.

Ce sont des étiquettes intelligentes qui, sans faire de bruit, sont en train d'envahir notre quotidien et qui permettront de communiquer à distance avec les objets, voire aux objets de communiquer entre eux. C’est, indéniablement, une avancée technologique mais aussi un incroyable outil de traçage qui inquiète les organisations de protection des libertés individuelles.

Orwell a-t-il eu tort d'avoir raison trop tôt?

Traçage, oui, non seulement sur les animaux, mais aussi en implantant dans chaque chose , éventuellement, chaque être, un mini-mouchard électronique. La possibilité de détection des RFID est aujourd’hui de quelques centimètres, voire de quelques mètres, mais, demain, de plusieurs dizaines de mètres, « sans contact » la faculté de tout suivre, pister, détecter, contrôler, surveiller électroniquement.


Pour le consommateur, ces étiquettes sont présentées comme améliorant le confort et la commodité, elles permettraient, par exemple, d'éviter les files d'attente à la caisse des supermarchés grâce à l'identification à distance des produits contenus dans les caddies par simple balayage radio. Effectivement, très pratique et commode, à condition d’admettre que chacun de nos déplacements puissent être éventuellement enregistré - date, heure, trajet, temps de parcours, etc.

L’intérêt principal des RFID pour leurs promoteurs est de recueillir et de stocker des millions de données - une richesse dans la société de l’information mais aussi une source de pouvoir dans une société de domination.

http://altaide.typepad.com/jacques_froissant_altade/images/rfid.jpg
Quand le droit passe après la révolution technologique...

De quoi s’agit-il vraiment ?


C'est une étiquette code à barres qu'on aurait doté d'une intelligence qui caractérise l’objet ou la personne qui la porte parmi toutes les autres, et est lisible à distance. Presque invisible, ce micro processeur est muni d'une antenne réagissant aux ondes électromagnétiques, ces étiquettes restituent et/ou intègrent, sans énergie interne, les informations qu'elles contiennent ou qu’on leur envoie dès qu’elles sont dans le champ d’un lecteur.

Les industriels voient dans leur utilisation un abaissement important de leur coût de fabrication et de logistique : meilleure gestion des stocks, réduction des coûts, protection antivols. Ils y voient, aussi, le moyen d'optimiser la traçabilité des marchandises tout au long de la chaîne de distribution, depuis l'entrepôt jusqu'aux caisses voire même beaucoup plus loin, chaque étiquette présentant un numéro de code personnel unique permettant l'identification et le suivi des objets de manière individuelle, véritable carte d’identité de l’objet. Ils y voient, enfin, sous le couvert de la commodité et du confort un instrument de traçabilité et de profilage du consommateur sans concurrence aujourd’hui.

Les utilisations sont vastes et variées, en voici quelques exemples :
Nokia commercialise un portable avec lecteur RFID pour inventorier les objets qui sont autour de soi et transmettre les données à distance. IBM a mis au point le dispositif « Person Tracking Unit » permettant de scanner les étiquettes sur les éléments d’une foule pour suivre les mouvements dans les lieux publics. Des bibliothèques l’utilisent pour l’enregistrement des livres empruntés au passage du portique de sortie.

Et aussi :
Le suivi des bagages dans les aéroports ;
L’identification des véhicules, des produits de luxe et des médicaments (pour éviter la contrefaçon) ;
L’ouverture contrôlée des portes électroniques ;
Le remplacement des badges ;
La traçabilité alimentaire ;
L’identification et traçage des animaux domestiques et des humains, pourquoi pas.

Il existe des expérimentations sur les humains : en Espagne, des personnes se font injecter sous la peau de l’avant bras une RFID pour entrer et consommer dans des boites de nuit sans avoir à décliner leur identité, aux Etats Unis et au Mexique, pour déjouer les enlèvements des personnes nanties.

C’est enfin, dans notre pays, la technologie utilisé pour le Passe Navigo parisien et le passeport biométrique. Ce système de Passe existe aussi pour beaucoup de moyens de transport collectif en Province ainsi que pour accéder aux remontées mécaniques alpines. Le passeport biométrique français comporte lui aussi une puce RFID dans la mémoire de laquelle sont enregistrées une photo numérisée face et profil, ainsi que les empreintes digitales de 8 de nos doigts. Lors de sa mise en place, ce système a été vanté comme la parade absolue à la fraude et à l’usurpation d’identité. Nous savons aujourd’hui qu’il n’en est rien puisque les puces RFID peuvent être clonées très rapidement et facilement avec un matériel peu coûteux.

Pour généraliser, d’ici à 2011/2012, chacun des environs 50 000 milliards d’objets de la vie quotidienne, vendus journellement, seront munis d’une puce RFID. Dans quelques mois, sinon une année ou deux, vous n’aurez plus besoin de vider vos caddies aux caisses des magasins à grandes surfaces, vous passerez à proximité d’un lecteur qui instantanément analysera les RFID des produits achetés et créera la facture de vos achats ; vous n’aurez plus qu’à payer par carte bancaire de préférence. À partir de ce moment, le logiciel du système informatique de votre magasin croisera vos achats avec vos coordonnées et pourra en toute quiétude vous abonder directement à votre adresse personnelle des publicités promotionnelles correspondant à votre profil. Plus besoin pour le magasin de vous dérober ces informations en vous « offrant » une carte malin ou autre. De plus, en dehors d’une atteinte directe à notre vie privée, ce système mettra au chômage une grande partie des 250 000 caissières de grandes surfaces.

À l’évidence, cette révolution technologique, croisée avec les nanotechnologies dont les scientifiques disent qu’elles seront la prochaine révolution industrielle et qu’elles vont bouleverser tout notre environnement, pose la question du respect de la vie privée et des droits fondamentaux. En effet, le citoyen est en droit de s’imaginer que porteur de vêtements, de chaussures « RFIDisés » il pourrait ensuite être tracé en permanence par des lecteurs judicieusement placés dans des lieux de passages obligés, dans les transports publics, par exemple.


Empreintes digitales, iris..., je t'ai à l'œil...

Comme beaucoup de progrès technologiques, ces pseudos avancées comportent de sérieux revers. Elles sont surtout un puissant moteur de développement industriel et engendrent des profits importants. Ce pactole ne manque pas d’attirer les grands groupes agroalimentaires, les entreprises militaro-industrielles, les laboratoires médicaux qui sont prompts à faire miroiter les bienfaits en omettant, jusqu’au mensonge, d’évoquer des risques pour l’instant mal cernés.


Dans le domaine du contrôle social, les applications multiples liées à la miniaturisation nanométrique – des RFID de la taille de la poussière, par exemple – couplées à des bases de données informatiques de plus en plus performantes, peuvent faire redouter une société de surveillance totale où les moindres faits et gestes d’un individu seraient épiés et enregistrés à son insu. À défaut d’un encadrement contraignant et de garanties effectives de limitation de leur emploi et de contrôle de leur utilisation, les RFID nanotechnologies permettraient, par leur hyper miniaturisation et par leur invisibilité, une surveillance indétectable des citoyens : mini-caméras de vidéosurveillance, microdromes, etc

La situation est d’autant plus préoccupante que ces nouvelles technologies représentent, on l’a vu, des enjeux économiques considérables, sur des marchés qui ne sont encore qu’en émergence, et l’on peut s'inquiéter des pressions industrielles et financières importantes qui couplées à des envies de domination du pouvoir déboucheraient sur une société de surveillance généralisée.
Afficher l'image en taille réelle
La responsabilité des associations de défense des libertés individuelles est considérable face à ces dérives et à leurs conséquences.
Sans notre vigilance, Big Brother peut désormais nous étouffer dans ses bras !


Voir le site de Pièces et Main d'Oeuvre : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?article66

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux






lundi 8 février 2010

Le minimum démocratique.

La LDH rappelle quel est, aujourd'hui, le minimum démocratique! Nous nous associons à cette prise de position claire, forte et exigeante!
Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux



Chaque jour un peu plus, nos droits, nos libertés sont attaqués, fragilisés, remis en cause. Chaque jour un peu plus, la manière dont le pouvoir est exercé piétine les valeurs républicaines et menace la démocratie.

Face à ces dérives, il y a urgence, urgence à réagir et à construire ensemble. Nous en appelons à un nouveau contrat citoyen.

Rien ne nous condamne à subir l'injustice, à craindre l'avenir, à nous méfier sans cesse davantage les uns des autres. Rien ne nous prédestine à vivre dans une société de surveillance, de discriminations et d'exclusion.

Rien n'oblige à ce que le destin de tous ne soit plus que l'affaire d'un seul, que la politique ne soit plus que mise en scène, que la citoyenneté se réduise à des protestations éphémères.

Nous valons mieux que cela. Avant que le jeu des concurrences et des compétitions subalternes ne risque d'obscurcir la préparation d'échéances décisives, reprenons la parole. Mettons au centre des débats la défense des droits et des libertés, la demande d'égalité et de solidarités durables qui monte du pays. La démocratie est aujourd'hui asphyxiée ? Faisons-lui reprendre souffle et vie.

C'est le sens de notre campagne « Urgence pour les libertés, urgence pour les droits ». Dans des dizaines de réunions publiques, de rencontres avec la population, les militants de la Ligue des droits de l'Homme écoutent et partagent le refus de l'inacceptable et l'espoir d'un vrai changement. Avec les acteurs de la société civile, associations, syndicats, collectifs et réseaux citoyens qui pratiquent le « devoir de résister » et font vivre l'« insurrection des consciences », ils recherchent des alternatives crédibles pour un nouveau « vivre ensemble ».

Ainsi, au fil des échanges, émergent des attentes concrètes et précises. Pour y répondre, nous mettons en débat des propositions porteuses d'un avenir plus humain, plus juste et plus solidaire.

La fin du cumul des mandats, le droit de vote pour les étrangers aux élections locales, la désignation non partisane des membres du Conseil constitutionnel et des Autorités indépendantes.

La suppression de la « rétention de sûreté », des « peines planchers » automatiques et des tribunaux d'exception ; la priorité aux alternatives à la prison et l'interdiction des « sorties sèches » sans accompagnement des fins de peine en milieu ouvert ; la fin des contrôles au faciès, de l'emploi militarisé des forces de police face aux « classes dangereuses » ; la sanction des violences policières et la création d'une vraie police de proximité, au service de la sûreté de tous et du respect des citoyens.

Le refus du fichage généralisé, l'encadrement par la loi des fichiers de police ; la maîtrise des technologies de la surveillance, du fichage et du traçage, la garantie judiciaire de la protection des données personnelles et de la vie privée.

La défense de l'égalité face au racisme, au sexisme et aux discriminations : l'interdiction de toute prise en compte de données personnelles relatives aux « origines géographiques » ; l'engagement pour la « mixité des droits » et l'adoption d'une loi-cadre sur les violences faites aux femmes.

L'abrogation des lois xénophobes, la régularisation des familles des écoliers, des travailleurs, de tous ces sans-papiers qui vivent ici, qui travaillent ici et qui resteront ici parce que personne n'a intérêt à leur expulsion et que c'est avec eux que nous construirons notre avenir.

La défense, la reconstruction et la modernisation des services publics, richesse de tous les territoires ; une politique du logement social porteuse de mixité sociale, de solidarité territoriale et de préservation de l'environnement ; la priorité à l'école publique, qui seule accueille tous les enfants sans discriminations, le rétablissement du statut public de La Poste, la suppression des franchises médicales, l'abrogation du bouclier fiscal et de l'injustice fiscale organisée ; une vraie « sécurité sociale professionnelle » adaptée aux risques d'aujourd'hui et la sécurisation des contrats de travail ; bref, le choix de l'égalité et des solidarités contre la précarité et la mise en concurrence de tous avec tous.

Voilà autant d'« urgences » pour les droits de l'Homme et pour la citoyenneté, voilà les bases possibles d'un véritable changement qui redonnerait de l'oxygène à la démocratie et de l'espoir dans l'avenir.

La Ligue des droits de l'Homme appelle tous les citoyens à se saisir de toutes ces urgences, à les porter et à les mettre en débat. Elle propose à tous ses partenaires, acteurs de la société civile, d'en discuter et, à partir des attentes et des demandes des mouvements de défense des droits, de bâtir un « Pacte pour les droits et pour la citoyenneté ». Car les citoyens ont le droit de savoir ce qu'en pensent les forces politiques et si les candidats qui solliciteront bientôt leurs suffrages entendent faire réellement le choix d'une société de libertés, d'égalité et de solidarités.

Ensemble, nous le pouvons !

jeudi 4 février 2010

Le capitalisme est devenu obsolète

Le quotidien Le Monde republie, aujourd'hui, les 24 pages du Manifeste du parti communiste, paru en 1848. Jamais texte ne fut plus loué, décrié, déformé et objet d'incompréhension. Sait-on qu'à l'époque, il n'y avait pas de Parti communiste et qu'Engels et Marx, les auteurs, avaient dû se réfugier à Londres où fut écrit ce document brulot, qui enflamma les terres occidentales?


Un livre qui n'en a pas fini de bouleverser l'histoire

Marx n'était pas marxiste. Ses zélateurs eurent tôt fait de lui faire dire ce qu'il ne disait pas et de trahir ce qu'il disait. De nos jours, l'histoire efface les marxistes des pages vivantes que la politique trace, mais Marx réapparait. Va-t-on, enfin savoir ce qu'il annonçait?

Le slogan qui clôt le pamphlet anticapitaliste ("Prolétaires de tous les pays, unissez-vous") est la première exhortation altermondialiste qui se soit faite entendre! Cette parole est d'autant plus actuelle que se sont creusées des inégalités gigantesques, que les prolétaires se comptent par milliards, et qu'ils sont toujours les expropriés des biens terrestres. Le constat que moins de 20% des Terriens disposent de 80% des richesses planétaires devrait suffire à bouleverser l'ensemble des politiques. Ce n'est pas le cas.

Le capitalisme du XIXème siècle n'était pas celui du XXème et ce dernier diffère de celui du XXIème. Des différences considérables, inimaginables du vivant de Marx, ont affecté la démographie, les transports, l'armement, les communications..., mais un lien unit les trois siècles : "l'exploitation de l'homme par l'homme" n'a jamais cessé, le produit du travail n'appartient toujours pas à celui qui vend ses forces et ses capacités à son employeur, mais aussi une constante traverse le système économique libéral et lui fournit sa colonne vertébrale : "enrichissez-vous en produisant toujours plus". Capitalisme et croissance sont inséparables l'un de l'autre!

Au milieu du XXème siècle, tout était à reconstruire et le "toujours plus" avait comme justification la nécessité. On pouvait se payer le luxe de l'État providence et les bonnes intentions emplissaient les discours des hommes politiques. On n'avait pas encore adopté la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (1948). Pas même encore sortis de la dernière guerre mondiale, de bons et talentueux représentants des peuples, encore sous le choc épouvantable d'un désastre innommable, signaient, à Philadelphie, un texte dont l'esprit, sinon la lettre était anticapitaliste. On y pouvait lire :

La Conférence générale de l'Organisation internationale du travail, réunie à Philadelphie en sa vingt-sixième session, adopte, ce dixième jour de mai 1944, la présente Déclaration des buts et objectifs de l'Organisation internationale du travail, ainsi que des principes dont devrait s'inspirer la politique de ses membres.
I - La Conférence affirme, à nouveau, les principes fondamentaux sur lesquels est fondée l'Organisation, à savoir notamment :
a) le travail n'est pas une marchandise;
b) la liberté d'expression et d'association est une condition indispensable d'un progrès soutenu;
c) la pauvreté, où qu'elle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous;
d) la lutte contre le besoin doit être menée avec une inlassable énergie au sein de chaque nation et par un effort international continu et concerté dans lequel les représentants des travailleurs et des employeurs, coopérant sur un pied d'égalité avec ceux des gouvernements, participent à de libres discussions et à des décisions de caractère démocratique en vue de promouvoir le bien commun.

La suite sur : http://www.aidh.org/Biblio/Text_fondat/OIT_01.htm

On sait ce qu'il est advenu de ce bel engagement international...

Aujourd'hui, nous entrons dans un âge où les promesses sont d'autant plus inutiles que les racines de la croissance, et donc la base même du capitalisme sont littéralement "déterrées", au sens propre comme au sens figuré : les ressources minières, à commencer par le pétrole, ne pouvant être renouvelées à l'infini, il n'est plus possible de compter sur une croissance indéfinie. Le temps des limites, annoncé par Paul Valéry, en 1945, n'est pas seulement commencé, il est profondément engagé, alors même qu'un vide politique béant s'ouvre devant nos sociétés (qui ne savent se penser qu'au sein de politiques qui survivent, de plus en plus malaisément, fondées sur des a priori qui ne résistent pas aux réalités.) C'est bien pourquoi les prises de conscience de Copenhague ne pouvaient déboucher sur rien. Le savoir et le vouloir ne coïncident plus.

La révolution à laquelle nous sommes invitées déborde la révolution sociale voulue par Marx qui contestait le pouvoir des propriétaires mais pas la propriété, sacralisée depuis la révolution française (voir l'article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen). La citoyenneté mondiale n'est pas l'universalisme des Lumières qui voulait conquérir le monde aux idéaux occidentaux; elle exige, à présent, la pluralité, la diversité et non plus l'unité uniformisante. La Terre est un univers dont nous ne pouvons sortir, limité, et appartenant à tous. Ce seul constat suffit à modifier toutes les politiques mais l'écologie ne sortira pas le capitalisme de sa contradiction fondamentale : ce n'est pas en augmentant les dimensions du gâteau qu'on servira à chaque homme sa juste part, mais bien en effectuant un partage équitable. La croissance verte, le capitalisme vert ne sont que des illusions nouvelles, des tentatives pour esquiver la question qui fâche : la lutte des classes n'a jamais cessé et aujourd'hui, plus que jamais, elle interpelle la minorité de ceux des humains qui accaparent les richesses de tous.

La nouveauté, c'est que cette évidence n'étant plus portée par ce qui s'appelait "la gauche", il est devenu urgent de refonder les motivations des partis, mouvements, et autres regroupements citoyens, qui sont restés enfermés dans des doctrines obsolètes qui, peu ou prou, demandent encore à "produire plus pour donner plus à ceux qui ont le moins". Cette fausse logique ne fait point difficulté pour les maîtres de la finance qui veulent "produire plus pour s'enrichir plus". Sortir du capitalisme n'est qu'une formule creuse dès lors qu'on reste convaincu qu'on ne peut satisfaire les besoins vitaux des hommes sans continuer à enrichir l'humanité tout entière! Deux écueils sont sur notre parcours économique : épuiser les ressources qui fondent notre capacité d'activité; tout transformer en marchandises, même l'ordure, pour n'avoir rien à donner, quitte à détruire ce qu'on gâche dans des proportions inimaginables.

La décroissance (l'antidote de la croissance et donc du capitalisme) est l'exact contraire de la rigueur : c'est le renoncement à l'excès pour que nul ne manque de l'essentiel. Plus passent les mois, depuis 2007, et plus la contestation de la décroissance... s'accroît! C'est bon signe : c'est qu'elle trouve place dans le débat public!


Deux visionnaires dont les pensées deviennent compatibles.

Il est temps de réconcilier Marx et Gandhi! "Il faut vivre simplement afin que simplement tous les hommes vivent" et, pour cela : "Prolétaires de tous pays, unissez-vous". L'écologie sans le social, le social sans l'écologie perdent, l'une comme l'autre, tout leur sens. Reste à tirer les enseignements politiques de cette re-découverte qui commence à être admise mais n'est pas encore bien comprise. Il faut du temps aux peuples pour saisir, avec leur vie, ce qui n'est encore que des mots, certes porteurs, mais pas encore chargés d'énergie libératrice. Qui va donc écrire le... Manifeste du communisme sans parti ?

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran