samedi 30 novembre 2013

Société : crise ou mutation ?


Est-ce que cette question doit se poser ?

Depuis l'apparition de l'homme la société a toujours été en continuelle transformation. C'est une constante de l'homme que de faire évoluer son cadre de vie.

Les sociologues appellent ces évolutions du nom de « darwinisme social » et ils considèrent que les rivalités entre les êtres sont l'état naturel des relations sociales et que les conflits sont la conséquence normale du développement humain. Pour le capitalisme, le darwinisme social justifie scientifiquement, comme pour les espèces animales, la domination par une élite d'une masse jugée moins apte afin que les meilleurs et les plus forts prospèrent. Pour les tenants de ces théories, la concurrence entre les êtres humains ne doit pas être entravée par des mesures de protection sociale et d'assistance de l'Etat, par la solidarité ou par la charité ; ils prônent la non intervention dans la lutte pour l'existence, afin que la sélection naturelle favorise la survie des "plus aptes" et l'élimination des autres.

Cette théorie de la domination par une oligarchie d'une masse d'individus jugés inférieurs, justification de concepts politiques tragiques - colonialisme, fascisme et nazisme - a encore de nombreux adeptes dans le modèle économique incarné par le capitalisme néolibéral 1 qui entend dominer le monde actuellement.

Le maire de Londres, Boris Johnson, Favori pour succéder à David Cameron, a assuré il y a quelques jours 2 : « Certains sont trop bêtes pour réussir, les inégalités sont normales » il a ajouté : « Quoi que vous pensiez de la fiabilité des tests de quotient intellectuel, il est utile de savoir, lorsqu’on parle d’égalité, que 16% des êtres humains ont un QI inférieur à 85, tandis que 2% ont un QI supérieur à 130. »

Tout laisse à penser que le capitalisme ait gagné, que tout soit possible, sans limite, qu'il n'y ait plus de prise de conscience dans le monde de la finance … Pourtant, il semble que les crises qui se superposent – financière, sociale et écologique traduisent l’épuisement du système économique dominant. Comme l'écrivait André Gorz dans un de ses derniers livres « le capital semble avoir approché au plus près son rêve : celui de faire de l’argent avec de l’argent. » en ajoutant que « la menace d’effondrement du système est telle désormais que tout semble possible, le pire comme le meilleur. »

L'humanité est passé de l'âge de pierre à l'âge du fer, à la révolution Gutenberg, puis la révolution industrielle, maintenant la révolution numérique. Ces différentes périodes se dénombraient d'abord en centaines de milliers d'années, ensuite en centaines d'années et maintenant en quelques années (époque numérique post-industrielle) voire en quelques mois. Il n'est plus possible de parler d'évolution mais de mutations ; comme dans la physique quantique, on observe de brusques changements de l'état d'un système de manière pratiquement instantanée. Le cerveau humain est incapable de digérer ces changements trop rapides et l'homme ne s'adapte plus à cette nouvelle société, et, pour beaucoup de nos contemporains, il est plus confortable d'être immobile et conservateur.

A partir de ce constat, on peut affirmer qu'il n'y a pas de crise, mais une inadéquation des hommes et de la société dans laquelle ils évoluent, en même temps qu'une exploitation effrénée de cet étourdissement général par les forces financières qui ne se préoccupent nullement de l'avenir de l'humanité tant est forte leur avidité de la richesse immédiate. Ces forces surfent sur le délitement du modèle social et particulièrement sur l'un des socles qui cimente le lien social : le travail dont ils organisent la dérégulation avec la complicité des gouvernements.

Aujourd'hui, tous les économistes, de toutes tendances, affirment que nous ne retrouverons plus la croissance des « trente glorieuses » et que les développements de la techno-science, de l'informatique, du numérique et au delà de la cybernétique apportent quotidiennement des avantages de productivité très importants. Ces gains de productivité sont mauvais pour l'emploi car on a besoin de moins de monde pour produire le même volume et l'augmentation de la productivité, tant vanté par nos Hommes politiques au nom de la "compétitivité" détruit des emplois. Les développements technologiques ont toujours permis d'augmenter la productivité, de produire plus avec moins de personnels, pourquoi voulons-nous que, dans l'ère post industrielle, cela change ? au contraire cela ne peut que croître. On comprend alors pourquoi le Medef ne veut pas entendre parler du temps de travail : les gains de productivité profitent aux actionnaires.

Un exemple 3 parmi beaucoup d'autres : A l'usine Peugeot de Poissy, en 1980, 22000 4 employés fabriquaient environ 2000 véhicules par jour (0,09 véhicules/travailleur/jour) . En 2013, un peu moins de 7000 employés produisent 1500 véhicules par jour (0,21 voiture/travailleur/jour), la conclusion est qu'il faut 2,5 fois moins de personnel pour produire une voiture. (Les ingénieurs soutiennent qu'on est capable, aujourd'hui, d'assembler une voiture sans intervention humaine.)

Affirmer, les yeux dans les yeux, que la croissance va résorber le chômage. C'est faire preuve d'une incompétence grossière ou d'une malhonnêteté intellectuelle grave.

En effet, une croissance de 3% aurait peu de conséquences sur le taux de chômage ; elle permettrait probablement de l'amener aux alentours de 8% (solde 2 800 000 chômeurs) et une croissance modérée ne le ferait pas baisser ; l'économie peut très bien se porter avec une croissance de 1.5% et continuer à générer du chômage. Selon la loi d'Okun 5 (reconnue par la plupart des économistes) pour que la courbe du chômage s'inverse de manière durable, il faut une croissance continue supérieure à 1.9%.

On en est loin... le chômage restera donc endémique, l'utopie du plein emploi a bien vécu. L’UMP et le PS y croient-ils eux-mêmes quand ils nous disent que l’on va bientôt retrouver une croissance de 2,5% pour juguler le chômage, alors que cela fait maintenant 30 ans qu’on n’y parvient pas. Les scénarios les plus optimistes tablent sur une évolution à la japonaise, 0,7% de croissance en moyenne depuis 20 ans et pour les Etats-Unis, seulement 1,1 %.

Manifestement, on est dans une impasse.

D'autant plus que notre bonne démographie (2,1 enfants par femme) fera mécaniquement de nos enfants de nombreux demandeurs d'emplois. Cette démographie explique en partie notre différence avec le modèle allemand où le taux de chômage est deux fois moins important qu'en France. À cela il faut rajouter que 10 % des salariés allemands gagnent 259 euros ou moins pour vivre. Les 10 % au-dessus gagnent 614 euros. Le miracle économique allemand, c'est 20 % des Allemands qui gagnent 614 euros ou moins par mois. Ils ne sont pas au chômage, mais travaillent à temps (très) partiels… C'est d'ailleurs la face cachée du discours de François Hollande et de son gouvernement qui se félicitent que la tendance de la courbe du chômage s'inverse 6.

Il faut bien analyser les chiffres 7 avant de crier victoire :
  1. 20 000 chômeurs 8 de moins, c'est 0,6 % du nombre total. (- de 7000 emplois par mois)
  2. il reste encore 3 375 200 chômeurs de catégorie A.
  3. Sachant que 70% des embauches se font sur des contrats de moins d'un mois, le nombre d'emplois à temps partiel augmente fortement (+ 4 % en moyenne) ce qui veut dire que le temps total travaillé diminue, on constate effectivement une forte hausse des chômeurs de catégorie B et C (les demandeurs d'emploi qui ont travaillé quelques heures durant le mois - CDD et intérims). Si on additionne les trois catégories ABC, on enregistre une hausse de près de 40.000 demandeurs d'emploi. Exactement le modèle allemand que l'on veut copier à tout prix. Pôle-Emploi, plus réaliste, évoque l'impact des embauches temporaires pour les vendanges d'automne.
Pour des raisons de clarté et de vérité, le Conseil national de l’information statistique (Cnis) avait préconisé en 2007 que la communication politique sur le chômage se fasse sur la totalité des demandeurs d’emploi ( A + B + C). Cette préconisation est restée lettre-morte, à gauche comme à droite.
Si pour le gouvernement, l'inversion de la courbe du chômage est de faire sortir des demandeurs d'emploi pour les envoyer vers la précarité, c'est effectivement réussi et il pourra clamer haut et fort qu'il a inversé la tendance mais il n'aura pas rempli son rôle politique qui est d'anticiper les transformations de la société.

Gouverner, c'est prévoir !

L'évolution du « travail », plutôt sa mutation, a déjà des conséquences dramatiques qui mettent en cause le fonctionnement démocratique de nos Etats. Le chômage de masse est une des causes principales des soulèvements récurrents qui agitent des grands ensembles urbains ( zones urbaines sensibles 9). Il concerne essentiellement les personnes non qualifiées, ou dont les qualifications ne correspondent pas aux besoins de l'économie et que l'on ghettoïsent en les « reléguant » dans les « grandes » banlieues 10. Le tableau ci-dessous montre que le taux de chômage est bien plus élevé parmi les non diplômés.


Pour ces catégories sociales modestes, le travail est un facteur important d’honneur et de valorisation personnelle, d’autant que la comparaison entre « chômeurs » et « fainéants » est rapidement faite par les bien-pensants. Le chômage est vécu comme une perte d’identité et de dignité aggravée par les échecs à trouver du travail. De plus, l’ennui est profond dans leurs environnements où les possibilités de trouver et de financer des activités culturelles, associatives ou sportives sont plus difficiles que dans les milieux aisés.

Bien entendu, les sirènes du capitalisme chantent que les nouveaux emplois créés équilibrent les emplois « détruits », que le nombre des emplois non pourvus est important, que les chômeurs ne cherchent pas de travail, etc.

Tout cela est faux, et c'est d'un archaïsme si profond, qu'il devient désespérant de voir le gouvernement « socialiste » écouter ces fadaises et faire des plans à 2035, pour des régimes de retraites basés sur un concept dépassé du travail que l'on sait en profonde mutation et attendre une croissance illusoire pour faire baisser le chômage. Ou ce gouvernement, qui se dit « socialiste », manque de courage pour affronter les réalités du monde qui se dessine, ou il est complice du modèle économique en place et il essaie de berner son opinion.

Il reste peu de temps pour lutter contre les dangers multiples : économiques, sociaux, écologiques... Et, l'absence de travail fait partie de ces risques. Nous sommes dans une situation dangereuse, plus de cinq millions 11 de personnes sont inscrites à Pôle-emploi. Le partage du travail actuel est stupide : on ne travaille pas ou on travaille trop. Il faut ne pas continuer à utiliser les vieilles recettes du dernier siècle. Le capitalisme néo-libéral n'a de cesse que de déréguler le marché du travail comme l'ont fait Ronald Reagan aux Etats-Unis et Margaret Thatcher au Royaume-Uni. A la fin des années 70, la part salariale correspondait à environ 70 % du PIB, aujourd'hui difficilement à 57 % ; cela constitue un déséquilibre considérable en faveur des actionnaires.

Ce déséquilibre, facteur de profondes inégalités, ne peut pas perdurer sans conséquences dramatiques, que l'on entrevoient déjà dans notre pays ; la crise des années 1930 a débouché sur la barbarie, la  « pseudo crise » d'aujourd'hui nous entraîne sur le même chemin …

Comme nous pensons que le système économique dominant a atteint ses limites et, malgré des soubresauts, est moribond, c'est le moment favorable pour montrer, comme nous l'avons déjà fait par le passé, une nouvelle voie au monde même si elle est à contre courant des positions politiquement correctes.

Rien n'est jamais gravé dans le marbre. Il nous faut contraindre le gouvernement « socialiste » à  ne pas cacher la vérité sur les mutations en cours, à faire preuve de courage, d'imagination, de créativité, pour redonner de l'espérance aux Français ; il faut chambouler les idées reçues et inventer un nouveau modèle qui correspond aux réalités et aux transformations de la société en mouvement et aux idéaux de la République. 

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux 



1 Voir les théories de Milton Friedman, de Friedrich von Hayek et de l'école de Chicago
3 Un autre exemple, les 260 000 caissier(e)s de supermarchés qui vont perdre leur emploi au profit des puces électroniques sans contact. (Technologie RFID)
4 Il est à noter que sur les 22 000 employés, il y avait 15 000 travailleurs migrants principalement des Marocains.
7 « les chiffres sont des êtres fragiles qui, à force d'être torturés, finissent par avouer tout ce qu'on veut leur faire dire ». Alfred Sauvy
8 Le mot chômeur est moins politiquement correct que demandeur d'emploi mais plus parlant.
9 Bien mal nommées, car ce n'est pas la zone qui est sensible, mais, à la précarité et à la pauvreté, les personnes qui y habitent sont sensibles.
10 Banlieue : vient de ban – mettre quelqu'un au ban de la société : le rejeter, le déclarer indigne, il n'y a pas de hasard.
11 3 375 200 en catégorie A, le reste en catégorie B et C.

samedi 23 novembre 2013

Climat : le capitalisme nous conduit-il au suicide collectif ?



La conférence internationale de Varsovie sur le climat a laborieusement accouché d'un simulacre d'accord qui renvoie les participants à la prochaine conférence de Paris en 2015. Alors que la maison brûle, on recule encore pour prendre les nécessaires décisions ; c'est désolant, mais cela fera encore deux ans de perdus pour l'environnement !

Les grandes organisations non gouvernementales et les mouvements1 représentant la société civile mondiale ne s'étaient pas trompées et elles avaient « décidé de faire un meilleur usage de leur temps en se retirant des pourparlers de Varsovie ».

Alors que le monde vient de connaître le typhon Haiyan qui a dévasté les Philippines et qui, selon les spécialistes, fut le plus violent jamais enregistré, les délégations des 190 pays présents n'ont pu trouver qu'un semblant d'accord à minima qui, comme lors de chaque conférence, ne résout rien. Chacun y a été de sa larme de crocodile pour plaindre les populations philippines sinistrées et exprimer sa compassion, mais aucun État ne veut assumer ses responsabilités pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.

Les grands pays émergents demandent aux pays industrialisés qu'ils jugent les premiers responsables du réchauffement, au nom de leur « droit au développement », de faire beaucoup plus d’effort qu'eux. Cette demande est vigoureusement rejetée par les États-Unis qui refusent que la Chine2 bénéficie d'un traitement de faveur.

Ce refus nous fait entrevoir les véritables enjeux.

Les gouvernements sont sous la pression des forces financières et industrielles qui ne veulent absolument pas entendre parler d'une limitation des rejets dans l'atmosphère, synonyme d'un ralentissement économique et, de facto, d'une baisse des profits.

Aussi, il ne semble pas que le dérèglement climatique, maintenant avéré, fasse partie des préoccupations de l'oligarchie financière mondiale. Elle s'intéresse plus à son enrichissement à court terme qu'à l'avenir de la planète à long terme. Et, il ne faut pas oublier le cynisme de ces grands groupes qui manipulent l'économie mondiale. Lorsqu'une catastrophe se produit, leurs équipes spécialisées se rendent immédiatement sur place, pour porter aide aux populations, mais aussi et surtout, pour évaluer les besoins en reconstruction des diverses infrastructures et des bâtiments. Même s'il est insupportable d'imaginer que catastrophes riment avec croissance, elles génèrent pourtant des activités économiques, du chiffre d'affaire et des profits très importants. Les catastrophes naturelles, les guerres et leurs dégradations ont toujours été des facteurs d'enrichissement d'une fraction des citoyens au nom de la reprise économique. Et, en dehors des dons qui sortent de « nos » poches, les contributions matérielles et financières des nations ne sont pas consenties à fond perdu mais elles sont remboursées ultérieurement et porteuses de taux d'intérêts.

Le cynisme va plus loin, puisque certains groupes pétroliers se félicitent de la fonte d'une partie de la banquise arctique qui va permettre de réduire de 15 à 20 000 km la route des tankers vers l'Europe et générer des économies, à nouveau synonymes de profits juteux.

De plus, les études entreprises pour piéger le carbone dans les sous-sols terrestres et dans les océans laissent entrevoir un marché colossal qui fait rêver tous les financiers.

Compte tenu de l'inertie des gouvernements, jouets des pressions des forces financières, le dérèglement climatique ne fera qu'empirer et les effets prévus par les modèles les plus pessimistes seront atteints avant la fin du siècle.

Les conséquences des atermoiements de tous ces apprentis sorcier sont aujourd'hui imprévisibles, elles peuvent amener l'humanité à disparaître à plus ou moins brève échéance comme les grands mammifères avant elle. 

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux



1     Il s'agit entre autres de Greenpeace, Oxfam, WWF, Les amis de la Terre Europe, la Confédération internationale des syndicats et d'Action Aid International.
2     Chine : premier pollueur au monde en volume de pollutions - États-Unis : premier pollueur par tête d'habitant

mardi 19 novembre 2013

L' obsolescence programmée, une perfidie du modèle capitaliste


Si vous ne connaissez pas l'ampoule centenaire ou ampoule de Livermore, précipitez vous vers le documentaire « prêt à jeter » que vous pourrez regarder sur la chaine ARTE. 1

L'ampoule de Livermore est une ampoule électrique de quatre watts qui brille depuis 1901 ; elle est installée dans la caserne de pompiers de la localité de Livermore en Californie et n'a presque jamais été éteinte.

Elle est citée comme la preuve de l'organisation de l'obsolescence programmée - symbole de la société du gaspillage - par les multinationales fabriquant les équipements actuels - électricité, électronique, électroménagers, automobiles, etc. - visant à réduire la durée de vie d'un équipement en vue d'en augmenter le taux de remplacement voire de programmer sa mise en panne. (voir le rapport 2 de l'association environnementale « Les amis de la Terre » publié avec le CNIID)

Cette pratique prend une dimension européenne et le Centre Européen de la Consommation (CEC)3, association franco-allemande, vient de réaliser une étude ayant pour titre : l'obsolescence programmée, dérive de la société de consommation.
Dans son rapport, le CEC estime que les machines à laver (2000 à 2500 cycles de lavage seulement), les téléviseurs (20 000 heures de fonctionnement), les téléphones portables et les smartphones, les imprimantes et même les voitures seraient étudiés et réalisés pour que si un seul élément devient défectueux, c'est l'appareil entier qui doit être changé.

En ce qui concerne, par exemple, les imprimantes : elles avertissent du moment où il faut changer les cartouches d'encre, pourtant, on peut souvent continuer à imprimer de nombreuses feuilles alors que les utilisateurs changent souvent de cartouches avant que cela soit nécessaire.

Le CEC conclut : « C'est l'imprimante qui rend la cartouche d'encre obsolète. »
Quelquefois, c'est une puce qui bloque l'imprimante après un nombre d'impressions prédéterminé par le fabricant.

On peut lutter contre l'obsolescence programmée et des sites donnent des conseils pour réparer soi-même des appareils défectueux.4

Le CEC souhaite que l'Union Européenne se saisisse de cette question et que la durée de vie moyenne d'un appareil soit mentionnée à l'achat de chaque appareil. Il soutient une proposition de loi visant à lutter contre l'obsolescence et pour l'augmentation de la durée de vie des produits.

Dans notre pays, le groupe Europe Écologie Les Verts du Sénat avait déposé le 18 mars 2013 une proposition de loi visant à lutter contre l'obsolescence et augmenter la durée de vie des produits. Le texte visait à donner une définition précise du concept, à étendre la durée légale de conformité des produits, à faciliter l'accès aux pièces détachées nécessaires à la réparation d'un produit et à rendre les stratégies d'obsolescence programmée punissables de deux ans d'emprisonnement et de 37 500 € d'amendes.

Les parlementaires ont capitulé en rase campagne devant les pressions des lobbies industriels et de la grande distribution et ont refusé de sanctionner l'obsolenscence programmée.

Des campagnes couteuses de sensibilisation des citoyens/consommateurs à la limitation de leurs déchets5 sont initiées par le gouvernement. Il faut croire que l'industrie et à la grande distribution sont suffisament vertueuses pour que ces campagnes ne s'adressent pas elles. Il faut pourtant sortir de cette société du gaspillage et au delà du racket du consommateur 6, car c'est bien de cela qu'il s'agit.


Il reste une faible lueur d'espoir au niveau européen, où le Comité Economique et Social Européen a voté dans sa séance plénière du 17 octobre 2013 un avis condamnant les pratiques d'obsolescence programmée, mais les spécialistes du lobbying, commandités par les grands groupes financiers et industriels, doivent être à la tâche pour faire avorter le projet.

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

1 http://www.arte.tv/fr/Comprendre-le-monde/Pret-a-jeter/3714422,CmC=3714270.html
2 http://cniid.fr/IMG/pdf/201009_rapport_OP_AdT_Cniid-2.pdf
3 http://www.europe-consommateurs.eu/fr/nous-connaitre/qui-sommes-nous/le-centre-europeen-de-la-consommation/
4 ifixit.com (il existe une version française) - http://www.commentreparer.com/ - http://www.tout-electromenager.fr/
5 En 40 ans, notre consommation de ressources a augmenté de plus de 30% et la production des déchets des ménages a doublé. 
6 Selon un sondage 68 % des Français ont une opinion négative de la société de consommation.

lundi 18 novembre 2013

Dénoncer ou dépasser le capitalisme ?


On a pu reprocher à Stéphane Hessel d'avoir seulement appelé à s'indigner. En réalité, il invitait à une prise de conscience dynamique : le refus du capitalisme commence par la connaissance de ce qui nuit à l'humanité et qui ne doit plus être supporté.

Voici des générations que l'on dénonce le capitalisme et cela ne l'a pas anéanti pour autant et seulement modifié. Il s'agit donc de comprendre pourquoi, à présent, le capitalisme est dépassé et c'est pourquoi il faut dénoncer non ses excès mais sa raison d'être.

Deux approches sont parallèles et peuvent se recouper un jour : la fin du capitalisme sous le poids de la critique et de l'hostilité des exploités, d'une part, ou bien la fin du capitalisme, en fin de vie, qui ne parvient plus à dominer l'ensemble des peuples du monde, d'autre part.

Il fut un temps, qui n'est pas loin, où parler de la fin du capitalisme faisait ringard. Cela ne se disait plus. Depuis la fin du socialisme soviétique, il était entendu que la démocratie et le capitalisme ne faisaient plus qu'un. Le "monde libre" avait gagné la partie et la dernière page de l'histoire était écrite, comme l'affirmait Francis Fukuyama ; il n'y avait plus d'alternative.

"La crise" (comprendre l'échec bancaire, financier et monétaire) de 2008 a permis d'entendre de nouveaux discours où le capitalisme cessait d'être considéré comme incontournable. La réalité économique et sociale, que masque l'usage permanent du vocable crise (comme s'il s'agissait d'un trouble passager !), entraine les peuples vers une mutation historique à laquelle s'oppose un conservatisme brutal, intelligent, et qui ne lâche rien sur le maintien des inégalités et du profit.

Il est plusieurs voies pour aller au cœur du capitalisme, là où il est fragile et peut être ruiné dans l'esprit de nos contemporains avant d'être ruiné tout court, c'est à dire privé de ses gains.
Il en est deux. D'abord celle-ci : les humains pensent encore, dans leur majorité, - ainsi ont-ils été et sont-ils encore formatés - que du plus seulement jaillit le mieux ; et donc, si le partage touche à la croissance et au profit, en réduisant les intérêts de certains pour satisfaire l'essentiel des besoins de tous, ce n'est pas la solution. La condamnation de l'égalitarisme, jugé in fine totalitaire, n'a pas d'autre explication. Le socialisme est inacceptable, pour les théoriciens du libéralisme, parce qu'il est, par essence, autoritaire et démagogue. Le fond du débat git là : le partage est-il accessible à une société structurée, démocratique et libre ? La liberté, premier principe de la devise républicaine française, est-elle compatible avec l'égalité, second principe de la même devise ? À l'idéal égalitaire on oppose le réalisme libéral. L'accès à l'égalité véritable, telle est l'entrée dans ce qui fait problème pour le capitalisme : tout espoir de voir les riches cesser de dominer la Terre et les autres hommes qui l'habitent est considéré comme subversif, irresponsable et dangereux. Une lutte historique s'est engagée là et les pauvres l'ont jusqu'à présent perdue.

Mais il y a, ensuite, cette autre : à cette lutte des classes qui vient relayer des décennies, voire des siècles, de résistance à l'exploitation des modestes par les puissants, se surajoute ce que l'on peut appeler : la lutte des fins. L'apparition des thématiques écologiques, qu'aucun parti n'a su prendre en compte, a mis en évidence que le capitalisme repose sur une illusion, un irréalisme : la possibilité de faire fonctionner durablement les sociétés avec des ressources énergétiques et minières non renouvelables. Plus largement encore, le productivisme sans frein, la croissance indéfinie n'offrent comme modèle de civilisation que la fuite en avant, en refusant d'accepter l'idée qu'il y a une fin indépassable qui, en tout cas sur cette Terre, interdit de vivre sans limites. Une fois la liberté réservée à ceux qui disposent du pouvoir, une fois l'égalité réduite à la propriété de ceux qui disposent de l'avoir, à qui appartient la fraternité, troisième principe fondateur de la République, sinon à ceux qui s'appuient sur le savoir véritable.


Mais résumons-nous, brièvement. 

1 - Brisons le lien politique entre le capitalisme et la démocratie, non en réinventant la démocratie populaire qui ne fut que la dictature du parti, mais en administrant la preuve que, non seulement, démocratie et capitalisme ne sont pas l'envers et l'endroit d'une même médaille mais, surtout, qu'il n'y a pas de démocratie viable là ou domine le capitalisme.

2 - Affirmons et prouvons que la démocratie ne peut se fonder que sur l'égalité, non par la résurgence d'un collectivisme menant tout droit au totalitarisme, mais par l'affirmation constante qu'un homme vaut un homme et peut bénéficier d'un sort non pas équivalent mais commun à celui de son voisin quand il s'agit des fondamentaux de toute existence digne et honorable.

3 - Constatons que l'humanité est entrée dans l'ère de la connaissance et de la communication complète et rapide des données indispensables aux choix décisifs. La démocratie n'appartient plus aux représentants des citoyens délégant leur pouvoir ; elle appartient aux citoyens eux-mêmes, de plus en plus nombreux, qui, avec ou sans conseils associés, peuvent décider de leur sort. La décérébration produite par la publicité et la propagande tend à ralentir où ruiner ce processus, mais en vain car in fine ce sont les intérêts vitaux qui commandent.

4 - Enfin, pressons-nous de redéfinir la fraternité politique qui ne se limite pas à des sentiments humanitaires et à la bienveillance. Elle est une solidarité non occasionnelle mais permanente. Elle est l'esprit même de la République, de la res publica, de la chose publique, incompatible avec la priorité laissée aux intérêts privés. Elle est le lien civique qui unit la personne (non "l'individu" !) et la commune, communauté ou collectivité dans la responsabilité et non l'obéissance. Elle est cette attitude citoyenne sans laquelle la liberté autant que l'égalité se disloquent avant de se désagréger.



Et pour entrer dans ce monde là, à nos portes, il faut nous débarrasser du capitalisme lequel n'existe que parce qu'il nous habite, nous modèle, nous détermine, nous exploite, nous domine, nous assujettit et nous... gouverne ! Tendons à nous gouverner nous-mêmes : ce n'est plus un rêve ou une chimère nous répétait Stéphane Hessel. Soyons "acteurs", comme le dit constamment Alain Touraine, acteurs de nos vies.
Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

dimanche 10 novembre 2013

Extraire l'humanité des logiques de guerre.



Anatole France :   " On croit se battre pour sa patrie et on meurt pour les industriels "
Lettre ouverte à Marcel Cachin, dans le journal l'Humanité du 19 juillet 1922.

L'espèce humaine ne sait pas ce qu'est la paix. La guerre nous semble la manifestation inévitable des rapports de force politiques. A posteriori, une fois passées les années, on découvre qu'il n'est aucune guerre juste car il n'est aucune guerre justifiable face au jugement de l'histoire.

Les commémorations du centenaire de l'entrée dans la première guerre mondiale, nous rappellent ce que nous voulions oublier par peur et par honte : on ne pouvait, entre 1914 et 1918, demander aux humains de payer un tel prix pour aboutir à... rien, sinon à semer les graines d'un autre conflit tout aussi épouvantable, entre 1939 et 1945 ! Hitler était en Belgique, à Messines, en 1915 et il y a connu l'épouvante quotidienne et la banalisation de la violence extrême. C'est là qu'en lui est né le monstre et le désir de vengeance pour l'humiliation subie par les Allemands, qui allaient être vaincus malgré leurs énormes sacrifices.

Tant de savoir, de technique, de courage, de souffrance, de terreur, de travail, d'imagination, de cynisme pour envoyer à la mort des millions d'Européens, c'est devenu impensable et pourtant ce fut une réalité qui a fait douter de tout : de Dieu, des hommes, de l'amour, de la vie même.

Les « six cent cinquante fusillés pour l'exemple » ont été les témoins honnis et pourtant admirables qui, pour certains, - les autres ont subi leur mauvais sort - ont désobéi et donc tenté de résister à la machine infernale. Il a fallu un siècle pour reconnaître que ce n'était pas des traîtres mais le petit nombre de ceux qui, ayant déjà beaucoup donné, n'en pouvant plus, considéraient qu'on les entrainait, au nom du devoir, vers une fin sans espoir et qui disaient : « non, nous n'irons pas plus loin ». Il fallait qu'ils meurent au combat et qu'ils l'acceptent ; ils ne l'ont pas voulu ; on les a, pour cela, fusillés. Ils pouvaient être « contagieux »

Il reste de nombreux citoyens pour estimer que la nation peut sacrifier ses enfants et que l'État est en droit de l'exiger. Il n'est pas d'exemple historique où la guerre ait produit un bien pour le peuple. La bataille de Valmy, admirée dans nos manuels d'histoire, fondatrice de la République, n'a pu empêcher la naissance de l'Empire et la défaite de Waterloo. Qu'on loue encore, aujourd'hui, Bonaparte devenu Napoléon, a de quoi surprendre, tant il causa de meurtrissures à la France et cela montre bien à quel point, depuis des siècles, les logiques de puissances nous imprègnent, lesquelles ne sont que des logiques de guerre et donc des logiques de mort.

On fustige les pacifistes qui se refusent, en toutes circonstances, à prendre les armes. Louis Lecoin, l'anarchiste objecteur de conscience, ne pouvait accepter d'être entrainé vers l'inéluctable. Il le cria et subit de multiples années de prison. Car, estimait-il, pour faire combattre les hommes les uns contre les autres avec des outils, pensés par de savants ingénieurs dans les usines d'armement, des outils qui broient, torturent, asphyxient, bref assassinent, de loin comme de près, il faut que notre conscience ait été anéantie.

La puissance, la sophistication, la quantité des armements, beaucoup plus « performants » que ceux dont les Poilus firent usage, devraient nous glacer d'effroi et donc geler les activités militaires qui causent toujours plus de mal qu'elles ne protègent les innocents. C'est encore nié, mais c'est ainsi. Les sociétés fondées sur la violence, la puissance, la force et la contrainte physique sont intrinsèquement perverses quelles que soient - parfois ! - les bonnes intentions de leurs dirigeants.

L'intelligence n'a jamais bloqué ces perversités. La volonté de puissance (Wille zur Macht), un concept proposé par Friedrich Nietzsche, (et un projet de livre abandonné, à la fin de l'année 1888) est présente au cœur de tout pouvoir et tout y est sacrifié. Faut-il s'y soumettre encore ?

Le piège est tel : longtemps avant qu'un conflit ne soit déclenché, ses causes se préparent, se nourrissent d'ambitions et de mensonges, s'enflent des situations antérieures jamais résolues et, le jour venu, on ne peut faire autrement que... ce qu'il ne faut pas faire.

Un grand esprit se dresse-t-il, alors, devant les fomentateurs de guerre ? On le tue. Ainsi mourut Jaurès, assassiné à Paris, dans le café Le Croissant, le 31 juillet 1914, trois jours seulement avant l'entrée en guerre, le 4 août. Son assassin, Raoul Villain, fut ... acquitté le 29 mars 1919, ce qui est la démonstration même, aussi choquante que surprenante, qu'on n'avait rien voulu comprendre à ce qui avaient été les causes et les conséquences de cette boucherie qui fit neuf millions de morts et vingt millions de blessés.

On peut écrire des livres savants (et le faut, pour l'histoire) au sujet des guerres et de leur place dans les contextes géopolitiques, mais les questions philosophique et politique, liées, priment : « est-ce ainsi que les hommes vivent » écrivait Aragon ; les hommes peuvent-ils vivre autrement doit-on se demander aussi... Et surtout, faudra-t-il longtemps encore que chaque citoyen soit tenu d'obéir à ce qu'il réprouve, au nom du patriotisme et de la République ? Tout semble, à l'approche de 2014, réuni pour pouvoir clairement répondre : non !

Lazare Ponticelli (1897-2008) qui fut le dernier survivant de la guerre 14-18, disait :
« Cette guerre, on ne savait pas pourquoi on la faisait. On se battait contre des gens comme nous... »

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran



mardi 5 novembre 2013

Face au racisme, que font les vrais républicains ?


Il semble que, depuis quelques mois, nous vivons en France, mais aussi en Italie, dans des pays où les idées racistes se banalisent.

Mme Taubira a été attaquée dans des termes que l'on pensaient rangés au magasin des accessoires verbaux des colonialistes.

À Angers, dans l'ouest de la France, le 25 octobre dernier, des partisans du collectif «  La Manif pour tous » n'ont pas hésité à instrumentaliser des enfants en leur faisant crier : « C'est pour qui la banane ? C'est pour la guenon ! ».

Peu de temps auparavant, à l'est de la France, Anne-Sophie Leclerc, candidate du Front National déclarait : « Je préfère la voir dans un arbre, accrochée à des branches, plutôt qu'au gouvernement » et, lors d'une manifestation organisée par le groupuscule Civitas 1, son leader scandait : « ya bon banania, ya pas bon Taubira ».

En Italie, Cécile Kyenge, Ministre à l'intégration, a été, de son côté, la cible de lancers de bananes de la part de militants d'extrême droite et de propos racistes et haineux : « J'aime les animaux (...) mais, quand je vois les images de Kyenge, je ne peux m'empêcher de penser à des ressemblances avec un orang-outang … Pourquoi personne ne la viole jamais ? »

Il semblerait que notre inconscient collectif, formaté par des siècles d'esclavages et par le regret de la « grandeur » de notre ex-puissance coloniale, soit imprégné, en profondeur, par une xénophobie, un racisme latent qui, comme une maladie endémique, ne demandent qu'à ressurgir, par poussées périodiques, chez un trop grand nombre de nos compatriotes. 

Il existe en permanence, malheureusement, dans notre pays, un fond de racisme quotidien, mais dans la période actuelle, ces attaques raciales, mais aussi homophobes et sexistes 2, atteignent un niveau d'intensité alarmant. Il est de notre responsabilité de réagir collectivement, en refusant cette banalisation malsaine.

La dénonciation de ce racisme réapparu ne doit pas se réduire à un combat contre le Front National car, dans de nombreuses formations politiques, associatives ou pseudo-philosophiques, des voix s'élèvent pour désigner des boucs émissaires à la vindicte publique, alimentant ainsi le trouble et la haine.

Alors que nous avons besoin d'une parole de dénonciation forte, les responsables de l'État, les intellectuels et les associations de défense des droits fondamentaux ne semblent pas prendre la mesure de l'instillation insidieuse du venin raciste dans le corps social ! Comme anesthésiés, ils sont quasi aphones et s'expriment trop peu, endossant ainsi leur part de responsabilité dans une inconséquence générale et coupable.

Le racisme ambiant n'est pas seulement intolérable, il met en péril les fondements mêmes du pacte républicain et, au-delà, notre démocratie pourtant déjà bien malade. Il est urgent de réveiller la conscience de nos concitoyens car le délitement actuel de la société française nous conduit à une crise majeure et au chaos.

Jean-claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux


1    https://fr.wikipedia.org/wiki/Civitas_%28mouvement%29
2    Mmes Duflot et Massonneau ont été victimes de quolibets de députés machistes à l'Assemblée.