dimanche 5 avril 2009

Je suis inquiet, très, très inquiet..., par C.M. Vadrot


Nous publions ce témoignage qui en dit long sur la liberté d'expression, y compris dans le cadre professionnel de formation des adultes, en Sarkosie!


"Vendredi dernier, à titre de solidarité avec mes collègues enseignants de l'Université de Paris 8 engagés, en tant que titulaires et chercheurs de l'Education Nationale, dans une opposition difficile à Valérie Pécresse, j'ai décidé de tenir mon cours sur la biodiversité et l'origine de la protection des espèces et des espaces, que je donne habituellement dans les locaux du département de Géographie (où j'enseigne depuis 20 ans), dans l'espace du Jardin des Plantes (Muséum National d'Histoire Naturelle), là où fut inventée la protection de la nature. Une façon, avec ce « cours hors les murs », de faire découvrir ces lieux aux étudiants et d'être solidaire avec la grogne actuelle mais sans les pénaliser avant leurs partiels.

Mardi, arrivé à 14 h 30, avant les étudiants, j'ai eu la surprise de me voir interpeller dés l'entrée franchie par le chef du service de sécurité tout en constatant que les deux portes du 36 rue Geoffroy Saint Hilaire était gardées par des vigiles...

- « Monsieur Vadrot ? ».
- Euh...oui
- Je suis chargé de vous signifier que l'accès du Jardin des Plantes vous est interdit
- Pourquoi ?
- Je n'ai pas à vous donner d'explication....
- Pouvez vous me remettre un papier me signifiant cette interdiction ?
- Non, les manifestations sont interdites dans le Muséum
- Il ne s'agit pas d'une manifestation, mais d'un cours en plein air, sans la moindre pancarte...
- C'est non....

Les étudiants, qui se baladent déjà dans le jardin, reviennent vers l'entrée, le lieu du rendez vous. Le cours se fait donc, pendant une heure et demie, dans la rue, devant l'entrée du Muséum. Un cours qui porte sur l'histoire du Muséum, l'histoire de la protection de la nature, sur Buffon. A la fin du cours, je demande à nouveau à entrer pour effectuer une visite commentée du jardin. Nouveau refus, seuls les étudiants peuvent entrer, pas leur enseignant. Ils entrent et, je décide de tenter ma chance par une autre grille, rue de Buffon. Où je retrouve des membres du service de sécurité qui, possédant manifestement mon signalement, comme les premiers, m'interdisent à nouveau l'entrée.

Evidemment, je finis pas me fâcher et exige, sous peine de bousculer les vigiles, la présence du Directeur de la surveillance du Jardin des Plantes. Comme le scandale menace il finit par arriver. D'abord parfaitement méprisant, il finit pas me réciter mon CV et le contenu de mon blog. Cela commencer à ressembler à un procès politique, avec descriptions de mes opinions, faits et gestes. D'autres enseignants du département de Géographie, dont le Directeur Olivier Archambeau, président du Club des Explorateurs, Alain Bué et Christian Weiss, insistent et menacent d'un scandale.

Le directeur de la Surveillance, qui me dit agir au nom du Directeur du Muséum (où je pensais être honorablement connu), commençant sans doute à discerner le ridicule de sa situation, finit par nous faire une proposition incroyable, du genre de celle que j'ai pu entendre autrefois, comme journaliste, en Union soviétique :

- Ecoutez, si vous me promettez de ne pas parler de politique à vos étudiants et aux autres professeurs, je vous laisse entrer et rejoindre les étudiants...

Je promets et évidemment ne tiendrais pas cette promesse, tant le propos est absurde.

J'entre donc avec l'horrible certitude que, d'ordre du directeur et probablement du ministère de l'Education Nationale, je viens de faire l'objet d'une « interdiction politique ». Pour la première fois de mon existence, en France.
Je n'ai réalisé que plus tard, après la fin de la visite se terminant au labyrinthe du Jardin des Plantes, à quel point cet incident était extra-ordinaire et révélateur d'un glissement angoissant de notre société. Rétrospectivement, j'ai eu peur, très peur..."

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CM Vadrot


Pour plus d"information, visitez notre site : http://p8enmouvements.free.fr/


Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

jeudi 2 avril 2009

Louis Albrand, un honnête homme...



Une commission chargée par Rachida Dati d'un rapport sur la prévention du suicide en prison a rendu son rapport ce jeudi. Mais le président de ce groupe, le psychiatre Louis Albrand, a boycotté ce rendez-vous. Il accuse les autorités d'avoir édulcoré la version finale du texte pour que la hausse des suicides ne soit pas attribuée à la surpopulation carcérale.

38 détenus se sont donnés la mort depuis le 1er janvier 2009, dans les prisons françaises. Notre pays détient, en Europe, un effroyable record! On n'en est plus aux années 1970!



Le psychiatre ne se reconnaît pas son texte dans le rapport final. "Il a été modifié. Ce n'est pas le rapport princeps de la commission que j'ai présidé !" s'est-il insurgé. Il accuse l'Administration pénitentiaire d'avoir édulcoré le texte de la commission. Ce dernier mettait en cause la surpopulation carcérale - 62 700 détenus pour 51 000 places - pour expliquer la hausse des suicide. La dernière mouture, elle, s'en prend aux media: "Les difficultés et les angoisses de la société abondamment relatées par les media trouvent un écho en détention. Expliquer les suicides uniquement par les conditions de détention inhumaines et dégradées apparaît donc particulièrement réducteur", dit le rapport publié par le ministère!

Que vaut donc la peau d'un homme, en prison? Rien?

Que des dizaines de prisonniers se soient donnés la mort, ces dernières années, plutôt que de continuer à vivre ce que l'incarcération leur faisait subir, signifie, brutalement, que la peine de mort est bel et bien réinstaurée dans notre pays. Que nous fassions silence sur cette horreur révèle ce qu'il en est des droits humains, sous un régime sécuritaire qui punit, sans donner le moindre espoir d'une réinsertion, et surtout sans douter du caractère inné de la criminalité! Supporter qu'on vive en société en faisant de la violence anti-violence de l'État une violence implacable et aussi désastreuse que la violence criminelle elle-même, conduit tout droit à la mort de la démocratie.

Car les mois qui viennent pourraient bien conduire vers des situations de plus en plus tendues et chargées d'une violence qu'on mettra, bien entendu, au compte de la délinquance présente dans une partie de la population, la plus en souffrance, évidemment! Demain, quand les émeutes de la misère et la colère des désespérés, privés d'emploi et de revenus, feront exploser l'agressivité dans nos cités, sans doute pensera-t-on à faire donner l'armée contre le peuple, comme on a toujours fait en période de désastre. Mais ne devrions-nous pas regarder la réalité bien en face : les plus grands terroristes sont d'abord ceux qui font vivre dans l'hyper angoisse du lendemain, et le malheur, des millions de personnes! La pire violence est, de plus en plus visiblement, la violence de ceux qui ruinent les salariés, se servent largement puis se gobergent, sans vergogne, impunément car sans craindre la prison ni les rigueurs de lois faites pour eux...

Le psychiatre Louis Albrand, qui ne veut pas que son travail soit détourné et que ses recommandations passent aux oubliettes est un homme honnête et courageux. Ne nous contentons pas, pourtant, de saluer le refus de ce citoyen qui éclaire, crûment, l'inhumanité des pouvoirs publics. C'est toute la société française qui doit s'interroger! Nos prisons sont notre honte. Nous avons fermé les yeux sur la surpopulation carcérale. mais, désormais, se taire, c'est être complice du crime.

Lire l'article complet du JDD :
http://www.lejdd.fr/cmc//societe/200914/prison-suicide-et-polemique_199425.html


Lisez "Ban public" : http://prison.eu.org

Jean-Pierre Dacheux