mercredi 26 juin 2013

Edward Snowden n'est pas un espion, c'est un lanceur d'alerte.



Inutile de pavoiser en affirmant « on vous l'avait bien dit ». Nous aurions préféré avoir tort, pourtant maintenant nous en avons tous la preuve : les Etats-Unis mettent en place la surveillance de tous les citoyens du monde.

Les objets « intelligents » qui submergent notre vie quotidienne (ordinateurs, Internet, téléphones mobiles, cartes à puces, RFID, ...) et les systèmes collectifs de surveillance (drones, caméras, écoutes, …) permettent la surveillance généralisée de tous les citoyens.

Les majors d'Internet - Google, Facebook, Apple, Youtube, Yahoo, Skype, DropBox, Microsoft, AOL , etc - en trahissant la confiance de leurs clients, se rendent complices d'un Etat qui ne peut plus se vanter d'être la plus grande démocratie mondiale, mais un Etat policier, un Etat totalitaire duquel nous avons toutes les raisons de nous méfier.

Edward Snowden a dévoilé le programme clandestin « PRISM » mis en place par George Bush et poursuivi et développé, sans arrière pensée, par Barak Obama dont chacun pensait qu'il était un président honnête et loyal en lequel on pouvait placer sa confiance.

Son recul sur Guantanamo nous avait déjà alerté, mais dans cette affaire, quelle déconvenue !

Pour sa défense, Obama a dit que certaines informations doivent être classées secret défense, afin que les terroristes ne puissent adapter leurs actions et il a ajouté « … . qu’on ne pouvait pas avoir 100% de sécurité et 100% de vie privée et aucun inconvénient et que le gouvernement devait faire des choix ... »
Cela peut s'entendre, sauf qu'il n'y a pas de débat, que le choix est tout ou rien et que selon le crédo néolibéral : « il n'y a pas d'alternative ».
Plus que les administrations précédentes, l’administration Obama poursuit les dénonciateurs légalement ou par l’intimidation. Mark Klein, Thomas Drake et William Binney ont tous été poursuivis pour avoir dévoilé des renseignements sur les moyens de surveillance du peuple américain. Des actions musclées et violentes ont été menées contre l’Associated Press, contre Julian Assange et Bradley Manning est actuellement jugé pour « intelligence avec l’ennemi ».

M. Obama et tous les dirigeants occidentaux nous trompent, ils ont asservi la démocratie et l'ont mise au service de leurs intérêts pas à ceux de la population.

Notre pays ne donne pas plus l'exemple, on y surveille et on y espionne aussi.
Le nouveau président du MEDEF en sait quelque chose qui déclarait comme président du GIXEL1 : « La sécurité est très souvent vécue dans nos sociétés démocratiques comme une atteinte aux libertés individuelles. Il faut donc faire accepter par la population les technologies utilisées et parmi celles-ci la biométrie, la vidéosurveillance et les contrôles. »
Il faut lui répondre que la démocratie ne se bâtit pas à sens unique sur une confiance aveugle, la surveillance des gouvernants est impérative, elle doit être encadrée, revisitée et les citoyens doivent s'organiser pour : mieux surveiller les surveillants.

Le juriste américain Daniel Solove, spécialiste de la vie privée affirme : « le problème de ces programmes n’est pas (seulement) qu’ils réduisent la vie privée, mais de savoir s'ils sont soumis à une surveillance appropriée, à une responsabilisation et une transparence suffisante.”

Les propos d'Edward Snowden sont clairs et devraient nous faire réfléchir avant qu'il ne soit trop tard : « Je ne peux, en mon âme et conscience, laisser le gouvernement américain détruire la vie privée, la liberté d’Internet et les libertés essentielles pour les gens tout autour du monde au moyen de ce système énorme de surveillance qu’il est en train de bâtir secrètement. » Il ajoute « Ma grande peur concernant la conséquence de ces révélations pour l’Amérique, c’est que rien ne changera. [Les gens] ne voudront pas prendre les risques indispensables pour se battre pour changer les choses... Et dans les mois à venir, les années à venir, cela ne va faire qu’empirer. [La NSA] dira que... à cause de la crise, des dangers auxquels nous devons faire face dans le monde, d’une nouvelle menace imprévisible elle a besoin de plus de pouvoirs, et à ce moment-là personne ne pourra rien faire pour s’y opposer. Et ce sera une tyrannie clé-en-main. »

Edward Snowden a raison car comme le souligne l'Association Pièces et Main d'Oeuvre2 «  le projet de puçage électronique de chaque chose et chaque être sur Terre, via des puces communicantes élargit le réseau et nous interconnecte (nous incarcère) en permanence avec notre environnement (notre cage). Un filet électronique dont il sera impossible de s’extraire. » Un système totalitaire tyrannique se met insidieusement en place.

Il est affligeant que personne en France, aucune association de défense des droits fondamentaux, pas même la Ligue des droits de l'Homme, aucune organisation, n'ont pris fait et cause pour Edward Snowden qui est tout sauf un espion.

Non, ce jeune homme n'est pas un espion, c'est un lanceur d'alerte, un dénonciateur nécessaire à la démocratie et à la transparence de son fonctionnement, un résistant qui dévoile avec courage le totalitarisme de la société capitaliste en utilisant la seule arme à la disposition du citoyen : la dénonciation du système. Elle est essentielle et nécessaire pour nous protéger contre les abus de pouvoir.

Aujourd'hui, en exploitant l'Internet et les nouvelles technologies, certains, qui ont déjà commencé à façonner le monde selon leur idéal, ont les moyens d'imposer leur vision avec la complicité extatique de la majorité de la population. Il lui font croire, en l'abusant par des louanges sur ses pouvoirs, que la techno-science est capable de « tout », alors qu'ils entraînent l'humanité à la faillite et au chaos.

Pour combattre le techno-totalitarisme, le néolibéralisme dévastateur, il faut réapprendre aux hommes que l’engagement est un risque que malheureusement les plus courageux paient parfois au prix fort. Peu importe, il faut convaincre les décideurs qu'effectivement nous considérons la surveillance généralisée comme une atteinte à nos libertés individuelles, un viol de notre vie privée et que nous résisterons à son développement.

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

1   Voir le livre bleu du GIXEL - http://bigbrotherawards.eu.org/Livre-Bleu-du-Gixel-les-BBA-republient-la
2   PMO http://www.piecesetmaindoeuvre.com/




Edward Snowden is not a spy, he is a whistleblower !


Needless to boast about by saying "we had told you this." We would have preferred to be wrong, however we all now have the proof : The United States set up the surveillance of all citizens around the world.
"Smart" objects that overwhelm our daily life (computers, Internet, mobile phones, smart cards, RFID, ...) and collective monitoring systems (drones, cameras, tapping, ...) allow widespread surveillance of all citizens.

The Internet majors - Google, Facebook, Apple, Youtube, Yahoo, Skype, DropBox, Microsoft, AOL, etc... betraying the trust of customers, and being collusive with a state that cannot longer claim to be the world's largest democracy, but a police state, a totalitarian state which we have all reasons to be suspicious of.

Edward Snowden unveiled the "PRISM" secret program, set up by George Bush and continued and developed, without questioning it, by Barak Obama, whom everybody was taking for an honest and loyal president, which we could put our trust in.
His step back from the issue of Guantanamo had already warned us, but in this case, what a disappointment !  
To defend himself, Obama said that some information must be classified defense secrets, so that terrorists cannot adapt their actions, and he added ".... we could not be 100% safe,  keep 100% privacy, have no trouble. Government must make a choice ... "
This can be understood, except that there is no debate, the choice is all or nothing, and acording to the neoliberal credo: "there is no alternative."

More than previous administrations, Obama administration pursues whistleblowers legally or by intimidating them. Mark Klein, Thomas Drake and William Binney were all pursued for revealing information on how to control American people. Muscular and violent actions were taken against the Associated Press, against Julian Assange, and Bradley Manning is being judged for "dealing with the enemy”
M..Obama and all the Western leaders deceive us, they enslaved democracy and put it at the service of their own interests, not those of the population.
Our country, France, do not not give the example either, there is also monitoring and spying over there. The new president of MEDEF (French company owner union) knows about it, when he declared, as president of GIXEL (1). Security is often experienced in our democratic societies as a violation of individual liberties. Therefore, used technologies must be accepted by the population and among them : biometrics, video surveillance and controls“. we must answer him that democracy cannot be built one-way, on a blind trust, governments must be monitored by the peoples, it must be framed, revisited, and citizens must organize to better monitor the overseers.
The American lawyer Daniel Solove, a specialist of privacy asserts: "The problem with these programs is not (only) that they reduce privacy, but also to know whether they are subject to appropriate monitoring, accountability and sufficient transparency. "
Edward Snowden's words are clear and should make us think about it, before it is too late: “I cannot, in my soul and conscience, allow the U.S. government to destroy privacy and Internet freedom and essential liberties for people all around the world through this massive surveillance system, that is being buit secretly.”  He adds, "My biggest fear about the consequences of these revelations for America is that nothing will change. People are not  willingt to take the necessary risks  to fight to change things ... And in the coming months, and coming years, it will get worse. NSA will tell that ... because of the crisis, dangers we have to face in the world, because of a new unpredictable threat, they need more power, and then nobody will be able to do anything to oppose it. And it will be a ready turnkey tyranny

Edward Snowden is right, because as pointed out by theAssociation Parts and Labor (2)  
electronic chips project, implanted in every thing and every being on Earth, via interconnecting chips, expands the network and interconnects us ( incarcerate us)
permanently with our environment (our cage). An electronic filet, whicht it will be impossible to get out .”  A tyrannical totalitarian system is being insidiously implemanted.

It is distressing that nobody in France, no association for the defense of human rights, not even the League of Human Rights,(La Ligue des Droits de l’Homme), no organization, have taken up the cause of Edward Snowden who is everything but a spy.

No, this young man is not a spy, he is a whistleblower whistleblower is necessary for democracy and transparency of its operation, It is a resistant, which reveals courageously totalitarianism of capitalist society, using the only weapon available to the citizen :  Denounciation of the system. It is essential and necessary to protect us against power abuses.

Today, using Internet and new technologies, some, who have already begun to shape the world according to their ideal, have the power to impose their vision with the ecstatic complicity of most of the people. They make him believe, by abusing them with praise on its powers, that techno-science is capable of  everything, while they lead humanity into bankruptcy and chaos.
In order to fight techno-totalitarianism and devastating neoliberalism, it is necessary for people to relearn again that commitment is a risk, and the ones who take it, sometimes have to pay a high price for it, unfortunately. But never mind, you have to convince policy makers that, actually, we consider the generalized surveillance as an attack on our individual  liberty, a rape of our privacy, and that we will resist against its development. 
Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux


1   See  GIXEL « blue book » - http://bigbrotherawards.eu.org/Livre-Bleu-du-Gixel-les-BBA-republient-la
2   PMO http://www.piecesetmaindoeuvre.com/
 

lundi 17 juin 2013

Même si vous n'avez rien à vous reprocher, PRISM vous concerne !




Le grand public ne pouvait s'imaginer que cela fût possible. Aujourd'hui, on a enfin la preuve que le gouvernement américain, au travers du programme PRISM, regarde, écoute, lit les échanges sur Internet de millions de personnes et espionne toutes les télécommunications mondiales.


Big brother is watching you affirmait George Orwell dans son roman "1984", mettant en scène une société dans laquelle tous les citoyens sont surveillés à tout moment, mais il n'avait pas imaginé les énormes capacités de traitement des ordinateurs actuels qui vont bien au-delà de ses craintes.



 
Le droit à la vie privée a été la réponse à la propension des États à toujours surveiller la population. Depuis le début du 21ème siècle et les attentats du 11 septembre 2001, ce droit est bafoué par les mêmes États par l'expansion, souvent réclamée par les citoyens, d'une politique sécuritaire.
Au prétexte de situations d'exception permanentes1, les gouvernements occidentaux, principalement étasunien2, surveillent au détriment des usages démocratiques, leurs concitoyens et l'ensemble de la population mondiale. La raison d’État sert à légitimer cette surveillance globale.

Pour se justifier, dans sa conférence de presse du 7 juin 2013, le président George W. OBAMA, comme l'ont surnommé des caricaturistes américains, après avoir tenté de relativiser le scandale, déclarait : « Je pense qu’il est important de reconnaître que vous ne pouvez pas avoir 100 % de sécurité mais aussi 100 % de respect de la vie privée et zéro inconvénient. Vous savez, nous allons devoir faire des choix de société. » 

Sauf à vouloir dominer le monde, cette formule nexplique pas pourquoi espionner 100 % des communications. Les suspects sont en général bien connus des services de renseignements, comme ont pu l’illustrer l'attentat de Boston ou « l’affaire Merah ».

En France, nous ne sommes pas en reste en matière d'interceptions des communications. Les grandes oreilles de l'État sont aussi à l'écoute au sein de la PNIJ ( Plateforme nationale des interceptions judiciaires ) et les acteurs du Net, fournisseurs d'accès (Orange, Free, etc.) ou hébergeurs (comme Google) ont l'obligation de conserver les données utilisateurs liées aux communications en ligne afin de « permettre l'identification de toute personne physique ou morale ayant contribué à la création d'un contenu mis en ligne. » (LCEN : loi sur la confiance en l'économie numérique).

 Pourtant, ces révélations, maintenant avérées, n'ont pas l'air d'alarmer nos contemporains qui n'ont, pour le moment pas vraiment changé leurs habitudes3.

Si 52% des américains pensent que leur gouvernement ne devrait pas pouvoir surveiller les échanges en ligne, ils sont par contre 62% à estimer qu'il est important d'empêcher des possibles attaques terroristes, même si cela se fait au détriment de leur vie privée.
Au Royaume-Uni, une étude affirme que les Britanniques sont 42% à vouloir que les services de renseignements puissent aller au-delà de la loi pour prévenir le terrorisme, contre 45% pensant l'inverse. En Allemagne, 40% des sondés estiment qu'il est normal que le gouvernement surveille les communications et ne sont que 39% à s'y opposer. Il n'existe pas de statistiques récentes concernant notre pays. On peut simplement noter une augmentation de 26% de fréquentation du moteur de recherche respectant la vie privée Duck Duck Go.

Il semblerait que, désabusés, les citoyens pensent « que n'ayant rien à se reprocher », ils ne sont pas concernés.

Erreur funeste, on peut toujours reprocher quelque chose à quelqu'un pour de mauvaises raisons et sans légitimité démocratique. On peut ne rien avoir à reprocher aujourd'hui, mais demain, dans une société moins permissive, plus fermée, d'une autre couleur politique. Qu'en serait-il ?

Il semble que la transparence et la multiplication exponentielle des informations créent une habitude à être vu, d'autant que chacun divulgue quotidiennement avec facilité ses propres informations ou celles, pas toujours souhaitées, de ses proches.


  Edward Snowden a-t-il trahi son pays ou révélé un danger sans précédent ?

Il est urgent de se poser les bonnes questions sur l'intérêt de cette surveillance généralisée. Pour vivre en harmonie, les sociétés ont besoin de bâtir des relations de confiance, celles-ci sont impossibles en étant épié en permanence.

Ce n'est pas la surveillance qui est en cause, ce sont les conditions de son application : le respect de la vie privée, la garantie du contrôle judiciaire des différents outils, le respect du fonctionnement démocratique des États.

Voilà les défis à relever.

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux


1  En France aussi, puisque le plan vigipirate est activé depuis 1991.
L'agence Nationale de Sécurité des USA collecte les relévés de millions d'abonnés de l'opérateur téléphonique Verizon.
3  Il existe pourtant des moyens de contourner les moteurs de recherches et les serveurs US (nous y reviendrons).

dimanche 9 juin 2013

Exclusion vers un pays signalé comme non sûr : schizophrénie !

De deux choses l'une : ou bien ce qu'affirme le Gisti, dans son communiqué, est faux, et le Gouvernement doit engager des poursuites à son encontre (au minimum faire une mise au point publique et circonstanciée), ou bien il nous faut admettre que le cynisme du pouvoir légal, d'hier ou d'aujourd'hui, se passe de toutes justifications, la raison d'État tuant l'État de droit sans vergogne
 Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran


 
Communiqué du Gisti

Expulsions d’Afghans, entrave à l’exil de Syriens, mise en danger d’interprètes étrangers de l’armée

Un gouvernement socialiste délibérément inhumain



Demain, 8 juin 2013, un jeune Afghan prendra sans doute l’avion pour Kaboul, expulsé par M. Valls, qui l’ajoutera à ses trophées de chasse, à côté d’Ahmed Sohail, le jeune Pakistanais de 24 ans éconduit pendant les fêtes de fin d’année, et de tant d’autres.

Quelques jours plus tôt, un autre Afghan a échappé de peu à ce mauvais sort grâce à un juge des libertés et de la rétention.

Sans le moindre scrupule, le gouvernement français expulse en direction des pays les plus dangereux de la planète. L’« humanité » dont il se prévaut dans ses discours ne vaut pas mieux que celle de ses prédécesseurs de droite. Une « humanité » de pacotille.

On peut tout craindre d’un gouvernement qui n’hésite pas à imposer un visa supplémentaire (visa de transit) aux Syriens au moment où le bilan de la guerre civile a franchi le seuil des 100 000 morts [1].

On peut tout craindre encore d’un État qui se refuse à protéger la majorité des 800 collaborateurs afghans de son armée en Afghanistan auxquels le président de la République n’a accordé que 166 visas [2], quand le premier ministre conservateur britannique en délivre plus de 700 aux siens.

Dans une France dont les dirigeants sont en majorité socialistes, l’inhumanité à l’égard des migrantes et des migrants reste décidément la règle.
Paris, le 7 juin 2013



[1] Voir les communiqués Anafé/Gisti : « Quand la France tente d’empêcher les Syriens de fuir » (4 février 2013), « Le Conseil d’État abandonne les réfugiés syriens à leur sort… en volant au secours du gouvernement français » (25 mars 2013)
[2] « Lettre ouverte au Président de la République : Quelle protection pour les auxiliaires afghans de l’armée française ? », communiqué Gisti du 8 janvier 2013
http://www.gisti.org/spip.php?article3112

Il ne faut pas voyager en Afghanistan (trop dangereux !) mais on peut y renvoyer des Afghans.
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/conseils-par-pays/afghanistan-12192/



mardi 4 juin 2013

Comme chaque année, on vient de fêter l'abolition de l'esclavage …. et pourtant !



Un esclave est un individu privé de liberté et soumis à l'autorité tyrannique d'un individu ou d'un Etat. Il est contraint au travail forcé. Il peut être acheté et revendu comme un objet, une marchandise. L'esclave est un exclu de la société tout en étant un élément moteur du fonctionnement économique. 
 

L'histoire de cette fatalité est d'une modernité remarquable, car, comme on pourra le constater, l'esclavage est resté pendant longtemps le moyen le plus « habile » d'utiliser la main d'oeuvre de manière rationnelle et performante.

Quoi de mieux, pour les hommes de l'antiquité et du moyen âge que de faire travailler d'autres hommes sans les rétribuer, en leur donnant seulement le minimum vital pour survivre, sans se préoccuper de leur bien-être. Quelques penseurs ont bien eu au cours des temps des états d'âme et ont essayé de modifier cette exploitation des hommes, mais les apprentis capitalistes qui se sont succédés ont utilisé cette main d'oeuvre, bon marché, sans scrupule, ni humanisme.
Il a fallu les réflexions de penseurs « économistes » aidés  de quelques philosophes pour modifier les choses, d'ailleurs pas vraiment pour le bien-être des êtres humains, mais pour l'accroissement des profits.
Il serait vain de faire des comparaisons car les temps sont différents, on peut, néanmoins s'interroger sur les modifications du droit du travail qui sont à l'oeuvre actuellement en se demandant si de nouvelles formes de servitude ne sont pas en train de prospérer.

Lorsque l'on évoque l'esclavage, la première image qui vient à l'esprit est celle des esclaves noirs victimes du « commerce triangulaire », pourtant, si tous les spécialistes s'accordent à penser que les hommes préhistoriques ne pratiquaient pas l'esclavage, celui-ci existe depuis que les hommes sont organisés en société. A l'époque antique, Aristote écrit que des êtres humains sont destinés au commandement, et d'autres à être commandés, les uns sont des exploiteurs, les autres des esclaves. Il invente le concept de « dominant / dominés ».1

Dans la première période du Moyen Âge, à l'époque de Charlemagne et de ses successeurs, des esclaves sont employés dans les grandes propriétés agricoles, y compris dans les monastères. Les guerriers francs mènent des combats sans relâche contre les tribus païennes installées sur l'Elbe ou au-delà et si la communauté chrétienne considère les maîtres et les esclaves comme des égaux devant Dieu, et s'oppose au fait que des chrétiens appartiennent à d'autres chrétiens, elle ne voit pas d'objection à vendre des païens slaves aux musulmans.
Le 3 juillet 1315, le roi Louis X le Hutin publie un édit affirmant que « selon le droit de nature, chacun doit naître franc », à cette date quiconque foule le sol de France est affranchi de sa condition d'esclave.
Même si l'esclavage recule en Europe occidentale, un peuple entier celui des Roms de Roumanie est réduit en esclavage à partir du XIIIème siècle. Ils seront vendus et achetés lors des foires aux esclaves, joués aux cartes, traités comme leurs frères noirs des Etats du Sud de l'Amérique. 
Arrivés comme des hommes libres apportant avec eux d'Inde et de l'Europe byzantine des savoirs-faire artisanaux (en particulier dans le travail du fer)  ils sont réduits en esclavage par les seigneurs valaches et moldaves qui ont besoin d'une force de travail. Ce n'est qu'en 1864 que cet esclavage est définitivement aboli en Roumanie.
Dans le même temps, il reste répandu en Espagne, en Italie, principalement dans les Républiques de Gènes, de Venise2 et à Chypre, et alors qu'il recule, sans disparaître, en Europe occidentale et malgré les interventions du Pape Paul III qui condamnent l'esclavage des Amérindiens, il renait avec vigueur dans les colonies du Nouveau Monde. En effet, les maladies importées par les colonisateurs et les maltraitances ont décimé les populations autochtones, et pour pallier à la disparition de la main d'oeuvre, (déjà variable d'ajustement) il est fait appel à des captifs africains victimes de la traite arabe.
En 1550, Charles Quint pose la question de savoir si les Espagnols pouvaient coloniser le Nouveau Monde et dominer les indigènes. La Controverse de Valladolid règle la question et les nations européennes, en particulier le Portugal, la Hollande et ensuite la France et l'Angleterre se lancent dans le commerce triangulaire entre des ports de l'Europe, le Golfe de Guinée et les Amériques (Brésil, Antilles). C'est le début de la traite transatlantique, l'esclave noir est considéré comme une marchandise, sous la condition éminemment hypocrite qu'il ne soit pas sur le sol du royaume.

Controverse de Valladolid - Bartolome de las Casas

Comme dans les problèmes de la mondialisation économique que nous connaissons actuellement, l'arrivée des Français et des Anglais sur le marché de la traite négrière fait baisser le prix d'achat des esclaves, tandis que la production de sucre progresse très vite, cela a pour effet d'abaisser le prix de cette denrée sur le marché mondial, et de favoriser sa consommation en Europe.
L'esclavagisme atteint son rendement maximum au XVIIIe siècle mais dans le même temps, des idées abolitionnistes sont développées par les philosophes du siècle des Lumières.

Il serait tentant de croire que se sont les bons sentiments des philosophes qui ont permis l'abolition de l'esclavage. La réponse est, cependant, plus rationnelle et moins idéaliste. C'est, la nouvelle pensée économique des physiocrates3 et d'Adam Smith qui pose la question de la rentabilité de l’esclavage et conteste sa valeur économique en soutenant de la supériorité du travail libre. Certains penseurs des Lumières développent aussi cette argumentation et Samuel Dupont de Nemours4 résume cette thèse : « l'arithmétique politique commence à prouver […] que des ouvriers libres ne coûteraient pas plus, seraient plus heureux, n'exposeraient point aux mêmes dangers et feraient le double de l’ouvrage ».
Selon cette vision, le salaire versé au travailleur libre remplace positivement les frais d'achat et d 'entretien et l'intérêt pour son travail augmente fortement sa productivité.
Victor Schoelcher5, abolitionniste, souligne la charge financière pour la métropole de l'insécurité qui règne dans les colonies esclavagistes et les économistes de l'époque développent des arguments « macroéconomiques » au sens actuel du terme, en affirmant que les avantages financiers dont bénéficient les planteurs coloniaux pénalisent les cultivateurs métropolitains qui cultivent la betterave à sucre.
Enfin, l'esclavage serait une entrave au développement technologique et il est couramment admis son irrationalité face au développement « capitaliste »  de l'Amérique du Nord.
Aujourd'hui, encore, les « experts » ne sont pas tous d'accord sur ces analyses.

Heureusement les idées abolitionnistes ont fait leur chemin et l'esclavage est aboli en 1833 en Angleterre et 1847 dans l'Empire ottoman et le 27 avril 1848 en France.

Cent ans plus tard, le 10 décembre 1948, l'article 4 de la Déclaration Universelle des droits de l'homme énoncera : « Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude. L'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes »

Pourtant, il ne suffit pas d'interdire une pratique pour la voir disparaître et l'esclavage n'est pas totalement éradiqué, il résiste encore, aussi bien dans le monde que dans notre pays.

Il persiste dans la péninsule arabique, le sous-continent indien, le Niger, le Mali, la Mauritanie, le Qatar6. L'Organisation internationale du travail7 (OIT) estime à 25 millions le nombre de personnes vivant actuellement dans des conditions assimilables à de l'esclavage.

Cette traite des êtres humains constitue le 3ème trafic criminel le plus lucratif au monde après la drogue et les armes. L’ONUDC8 estime en 2011 que, en Europe seule, la traite des êtres humains génère un flux financier de plus de 2 milliards d’euros par an et elle concernerait 270 000 personnes. Dans le monde, les criminels qui l’organisent empochent chaque année plus de 23 milliards d’euros.

Ce sont la misère, l'exclusion et les migrations à risque qui permettent les situations d'esclavage et de traite des êtres humains qui prennent différentes formes :

  • Le proxénétisme et l'esclavage sexuel, un rapport des Nations Unies donne l'estimation annuelle d'un million de femmes ou petites filles impliquées par la force dans le commerce et/ou l'esclavage sexuel. L'Europe est concernée par la prostitution forcée de femmes et d'enfants originaires d’Europe Centrale et des pays de l’Est, mais aussi d’Asie et d’Afrique. 
     
  • Le travail dissimulé, aussi appelé populairement « travail au noir » terme employé pour définir le fait de ne pas déclarer tout ou partie du travail ou de son activité. Les possédants n'ont pas le monopole de ces pratiques. Trop souvent la pauvreté exploite la misère.  En 2010, 68% des employeurs étaient d'origine africaine ( 51% venaient d'Afrique de l'Ouest et 32% d'Afrique du Nord), 13% d'Europe, 9% du Moyen Orient et du Proche Orient, 4% d'Asie . 
  • Le travail des enfants, l'UNICEF estime que 200 000 enfants étaient retenus en esclavage en Afrique centrale et occidentale, mais aussi en Amérique du sud. L'enrôlement des enfants soldats est aussi une forme d'esclavage. Au Maroc, par exemple, la situation des « petites bonnes », ces petites filles domestiques exploitées par de nombreuses familles, dénoncée par les défenseurs des droits des enfants. 
     
  • A cela, il faut ajouter la mendicité forcée, l’asservissement des domestiques, les mariages arrangés ou forcés et les trafics d’organes.

Sans oublier, la lourde responsabilité des multinationales qui, en dehors de toutes éthiques, n'hésitent pas à exploiter la main d'oeuvre directement dans les pays émergents, avec l'assentiment des gouvernements en place qui profitent des largesses des entreprises.

Deux exemples seulement :

  • Il y a quelques jours, le Bangladesh a dramatiquement fait la une de la presse internationale lors de l'effondrement d'une usine textile provoquant la mort de plus de 1200 personnes, principalement des travailleuses. A cette occasion, les occidentaux découvre avec une horreur bien hypocrite les conditions de travail épouvantables des ouvriers du textile du pays. Depuis des dizaines d'années, le Cambodge, le Vietnam, l'Inde, le Sri Lanka, la Chine et le Bangladesh sont devenus les ateliers textile du monde. Toutes les grandes enseignes internationales de vêtements font fabriquer dans ces pays en exploitant sans arrière-pensée le prolétariat local pour leur seul profit. Malgré des mouvements de protestation systématiquement réprimés par les forces armées, les conditions de travail sont lamentables, les incendies des bâtisses délabrées et surpeuplées fréquents, les salaires misérables. En 2011, les manifestants réclamaient 51 euros par mois contre les 17 qu'ils recevaient, pour des horaires de 80 heures par semaine, voire 18h par jour en cas de commande urgente. 
     
    Une usine textile au Bangladesh

  • En 2005 des ONG ont lancé des alertes pour dénoncer le travail forcé dans les champs de coton en Ouzbékistan. Huit ans après cette première alerte lancée par l'International Crisis Group, l'enrôlement forcé d'enfants pour la récolte du coton en Ouzbékistan a diminué, mais pour être largement remplacé par le recours à des adolescents et des adultes – plus d'un million au total, pendant la dernière récolte de l'automne 2012, d'après le rapport annuel de l'initiative Cotton campaign, une coalition d'ONG qui lutte contre le travail des enfants. « La situation en termes de travaux forcés et d'enfants reste clairement critique en Ouzbékistan », écrivait de son côté l'OCDE en septembre 2012.

Pour terminer, il faut souligner l'importante responsabilité des consommateurs occidentaux qui sans se préoccuper des conditions de travail et des salaires des populations autochtones profitent des produits fabriqués à bas coût dans ces pays.
Pourtant, ces consommateurs feraient bien de réfléchir aux objectifs des grands groupes internationaux qui influent sur le fonctionnement économique des pays occidentaux.
L'exploitation forcenée des travailleurs de ces pays à des coût salariaux extrêmement faibles a des répercussions directes sur la main d'oeuvre de nos pays, elle conduit au chômage de masse et la précarisation du travail.
Le patronat, qui sans se préoccuper de l'Homme considère que la main-d'oeuvre est seulement une variable d'ajustement, entend détricoter le code du travail, entrainant une précarisation toujours plus grande et la domination des travailleurs en organisant la rareté des emplois.

Ce management « moderne » pourrait bien s'apparenter à une nouvelle servitude proche de l'esclavage.

Cette notion constante est reprise par les tenants du néolibéralisme – voir HAYEK
2  Sont réduits en esclavage surtout des individus capturés au nord de la mer Noire.
3   La physiocratie est une école de pensée économique et politique, née en France vers 1750.
4  Physiocrate, économiste et père du fondateur de la multinationale éponyme.
Homme politique qui a attaché son nom au décret d'abolition de l'esclavage du 27 avril 1848. Sa conviction abolitionniste évolue au cours de sa vie. Dans les années 1825/1830, il s'oppose à l'abolition immédiate pensant qu'il serait dangereux de rendre immédiatement la libertés aux noirs. Il lui faudra un ultime voyage dans les colonies pour qu'il prêche l'abolition immédiate.
6  Le Qatar, bien connu pour ces investissements sur notre territoire pratique une forme d'esclavage. Environ 1,2 million de travailleurs étrangers en majorité des personnes pauvres originaires d'Inde, du Pakistan, du Bangladesh, du Népal, d'Indonésie et des Philippines représentent 94 % de la main d'œuvre au Qatar, et un million de personnes supplémentaires seront enrôlées dans les prochaines années pour participer à la construction des infrastructures nouvelles afin que le pays accueille la Coupe du Monde de football de 2022. Ces personnes travailleront dans des conditions dignes du Moyen Age, que l'ONG Human Rights Watch a déjà comparées au "travail forcé". Il est scandaleux que la France entretienne des relations économiques et diplomatiques privilégiées avec ce pays incapable de respecter les droits fondamentaux.
7  Organisation internationale du travail : http://www.ilo.org/global/lang--fr/index.htm
8  Office des Nations-Unies contre la drogue et le crime 


Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux