
Le grand public ne pouvait s'imaginer que cela fût possible. Aujourd'hui, on a enfin la preuve que le gouvernement américain, au travers du programme PRISM, regarde, écoute, lit les échanges sur Internet de millions de personnes et espionne toutes les télécommunications mondiales.
Big
brother is watching you affirmait George Orwell dans son
roman "1984", mettant en scène une société dans laquelle tous les
citoyens sont surveillés à tout moment, mais il n'avait pas imaginé
les énormes capacités de traitement des ordinateurs actuels qui
vont bien au-delà de ses craintes.
Le
droit à la vie privée a été la réponse à la propension des
États à toujours surveiller la population. Depuis le début du
21ème siècle et les attentats du 11 septembre 2001, ce
droit est bafoué par les mêmes États par l'expansion, souvent
réclamée par les citoyens, d'une politique sécuritaire.
Au
prétexte de situations d'exception permanentes1, les gouvernements occidentaux, principalement étasunien2, surveillent au détriment des usages démocratiques, leurs
concitoyens et l'ensemble de la population mondiale. La
raison d’État sert à légitimer cette surveillance globale.Pour se justifier, dans sa conférence de presse du 7 juin 2013, le président George W. OBAMA, comme l'ont surnommé des caricaturistes américains, après avoir tenté de relativiser le scandale, déclarait : « Je pense qu’il est important de reconnaître que vous ne pouvez pas avoir 100 % de sécurité mais aussi 100 % de respect de la vie privée et zéro inconvénient. Vous savez, nous allons devoir faire des choix de société. »
Sauf à vouloir dominer le monde, cette formule n’explique pas pourquoi espionner 100 % des communications. Les suspects sont en général bien connus des services de renseignements, comme ont pu l’illustrer l'attentat de Boston ou « l’affaire Merah ».
En France, nous ne sommes pas en reste en matière d'interceptions des communications. Les grandes oreilles de l'État sont aussi à l'écoute au sein de la PNIJ ( Plateforme nationale des interceptions judiciaires ) et les acteurs du Net, fournisseurs d'accès (Orange, Free, etc.) ou hébergeurs (comme Google) ont l'obligation de conserver les données utilisateurs liées aux communications en ligne afin de « permettre l'identification de toute personne physique ou morale ayant contribué à la création d'un contenu mis en ligne. » (LCEN : loi sur la confiance en l'économie numérique).
Pourtant,
ces révélations, maintenant avérées, n'ont pas l'air d'alarmer
nos contemporains qui n'ont, pour le moment pas vraiment changé
leurs habitudes3.
Si
52% des américains pensent que leur gouvernement ne devrait pas
pouvoir surveiller les échanges en ligne, ils sont par contre 62% à
estimer qu'il est important d'empêcher des possibles attaques
terroristes, même si cela se fait au détriment de leur vie privée.
Au
Royaume-Uni, une étude affirme que les Britanniques sont 42% à
vouloir que les services de renseignements puissent aller au-delà de
la loi pour prévenir le terrorisme, contre 45% pensant l'inverse. En
Allemagne, 40% des sondés estiment qu'il est normal que le
gouvernement surveille les communications et ne sont que 39% à s'y
opposer. Il n'existe pas de statistiques récentes concernant notre pays. On
peut simplement noter une augmentation de 26% de fréquentation du
moteur de recherche respectant la vie privée Duck Duck Go.
Il
semblerait que, désabusés, les citoyens pensent « que n'ayant
rien à se reprocher », ils ne sont pas concernés.
Erreur
funeste, on peut toujours reprocher quelque chose à quelqu'un pour
de mauvaises raisons et sans légitimité démocratique. On peut ne
rien avoir à reprocher aujourd'hui, mais demain, dans une société
moins permissive, plus fermée, d'une autre couleur politique. Qu'en
serait-il ?
Il semble que la transparence et la multiplication exponentielle des informations créent une habitude à être vu, d'autant que chacun divulgue quotidiennement avec facilité ses propres informations ou celles, pas toujours souhaitées, de ses proches.
Edward Snowden a-t-il trahi son pays ou révélé un danger sans précédent ?
Il est urgent de se poser les bonnes questions sur l'intérêt de cette surveillance généralisée. Pour vivre en harmonie, les sociétés ont besoin de bâtir des relations de confiance, celles-ci sont impossibles en étant épié en permanence.
Ce
n'est pas la surveillance qui est en cause, ce sont les conditions de
son application : le respect de la vie privée, la garantie du
contrôle judiciaire des différents outils, le respect du
fonctionnement démocratique des États.
Voilà les défis à relever.
Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux
1 En
France aussi, puisque le plan vigipirate est activé depuis
1991.
2 L'agence
Nationale de Sécurité des USA collecte les relévés de millions
d'abonnés de l'opérateur téléphonique Verizon.
3 Il
existe pourtant des moyens de contourner les moteurs de recherches
et les serveurs US (nous y reviendrons).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
N'hésitez pas à poster un commentaire.