samedi 23 mars 2013

Les va-t-en-guerre de l'UMP contre la justice





Décision très médiatique, cette semaine : Nicolas Sarkozy est mis en examen pour abus de faiblesse dans l'affaire Bettencourt.

Bien sûr, comme tout citoyen, le prévenu Sarkozy a le droit à la présomption d'innocence. On peut néanmoins s'interroger sur la question de savoir si l'abus de faiblesse n'est pas le sport préféré de certains militants de l'UMP 1.

Le Code Pénal prévoit trois ans de prison et 375 000 euros d'amende pour qui se rend coupable d'avoir profité "d'une personne à la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique".

Il n'est pas inutile pour la compréhension de cette affaire de se rappeler sa délocalisation, de Nanterre à Bordeaux, en décembre 2010, pour mettre fin aux guerres intestines du tribunal de Nanterre. À l'époque, on pensait à des pressions gouvernementales sur les juges pour enterrer l'affaire.

Une mise en examen n'est pas une condamnation et l'ancien président de la République a fait appel. Ce qui est regrettable, c'est qu'il se soit fait élire; en 2007; en promettant, entre autres mensonges, une rupture avec les affaires de financement de la vie politique.

Au delà de cette mise en examen, qui ne sera certainement pas la seule, le vrai problème aujourd'hui est l'attaque en règle des ténors de l'UMP qui prennent le risque de mettre en cause publiquement l'indépendance de la justice, qui tentent de déstabiliser l'institution judiciaire et qui jouent contre la démocratie et les valeurs de la République au moment où le populisme progresse dans toute l'Europe.

Le Front national cherchera à en profiter et F. Bayrou, le président du MoDem n'a pas apprécié les attaques de l'UMP contre les juges, en les qualifiant d'attaques contre la démocratie.

La Constitution de la Ve République garantit, dans ses articles 64 et 65, l'indépendance de la fonction judiciaire à l'égard des pouvoirs exécutif et législatif.

Henri Guaino, député des Yvelines, a tenu les propos suivants :

« Ce qu’a fait ce juge est extrêmement grave. Dans la République, quand on vous confie des responsabilités, des pouvoirs, il y a une nécessité absolue à ce que chacun les exerce avec un sens aigu de la responsabilité ( …. ). Je trouve, et je prends mes responsabilités, que cette décision est irresponsable, parce qu’elle n’a pas tenu compte des conséquences qu’elle pouvait avoir sur l’image du pays, sur la République et sur nos institutions (…).  Je conteste la façon dont il fait son travail (le juge), je la trouve indigne. Je le dis. Je trouve qu'il a déshonoré un homme, il a déshonoré les institutions et il a aussi déshonoré la justice parce que tout ça a des conséquences dramatiques (…) J’ai dit que cette décision était indigne (…). La décision est indigne et je pense qu’elle est irresponsable».

M. Guaino n'est pas seul, d'autres nombreuses critiques, tout aussi inacceptables, ont été formulées par des personnalités de la famille politique de Monsieur Sarkozy. Imprudentes, ces déclarations inadmissibles tombent sous le coup de la loi. Commenter une décision, la contester par les voies de droit est légitime. Attaquer la personne du juge, et plus largement l'ensemble des magistrats ne l'est pas, et viole la séparation des pouvoirs.

Ces propos, indignes de représentants élus des citoyens, plus proches des théories à la Berlusconi que de la démocratie, en rupture totale avec le principe du respect de l'indépendance des magistrats, portent atteintes à l'autorité de la justice et, au-delà à l'intégrité même de la République.

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux 


1) Il est, en effet, troublant qu'un des fidèles de l'ex-Président, l'ex-député Yannick Paternotte, maire UMP de Sannois (Val d'Oise), soutien de J.F. Copé et président de la contestée et fumeuse commission nationale des recours de l'UMP, ait été condamné, jeudi 13 décembre 2012, à quinze mois de prison avec sursis et deux ans d'inéligibilité, lui aussi pour abus de faiblesse envers une vieille dame de 91 ans !


dimanche 17 mars 2013

Discrimination et contrôle d'identité



Les Jeunes Socialistes du mouvement des MJS ont-ils un jugement plus éclairé que leurs ainés ?

C'est ce qu'il semble si l'on regarde, entre autres, leur prise de position sur les contrôles d'identité.

Très au courant des dérives, voir des abus des forces de polices qui pratiquent des contrôles d'identité à répétition, souvent fondés sur l'allure ou le faciès, et dont ils sont les premières victimes, ils réclament, à juste titre, l'instauration d'une arme antidiscrimination : un récépissé qui serait remis par les policiers lors d'un contrôle d'identité.

En effet, beaucoup de jeunes, et pas seulement ceux des quartiers dits sensibles, se plaignent d'être soumis à un nombre de contrôles excessif, et cette demande de la remise d'un récépissé, de la part d'une partie de la gauche et des ONG de défense des droits fondamentaux, faisait partie des engagements du candidat François Hollande, lors de la campagne présidentielle.

Un mois, avant la remise du rapport demandé au Défenseur des Droits sur le sujet et, hasard du calendrier, elle est enterrée, en septembre 2012, par Manuel Valls qui la juge « très difficile … trop bureaucratique et lourde à gérer », le jour même où les policiers mis en cause dans la mort de deux adolescents, en 2005, à Clichy sous Bois, bénéficient d'un non-lieu.

Pourtant, cette semaine, lors d'une rencontre avec les jeunes socialistes et à leur demande, Mme Taubira, Ministre de la Justice a ressorti des cartons cette disposition en ajoutant : « la responsabilité de la puissance publique est de mettre un terme à une ambiance, des inégalités, des injustices, des exclusions. »

Il est vrai que les relations se sont passablement dégradées, depuis le passage au ministère de l'Intérieur puis à la Présidence de la République de Nicolas Sarkozy, et qu'il y a beaucoup à faire pour pacifier les rapports entre le citoyen et sa police.

Les raisons invoquées par le ministre de l'Intérieur sont spécieuses, car de nombreux pays ont adopté la remise d'un récépissé : le Royaume-uni, l'Espagne, la Bulgarie (en Europe) ; les États-Unis et le Canada ont également opté pour cette mesure.

Le bilan, malgré des réticences, est plutôt positif. En général, on note une diminution notable des contrôles arbitraires, mais aussi, une hausse des interpellations réussies et une progression du respect mutuel entre les policiers et les citoyens.

Au Canada et en Espagne, le système est accompagné d'une formation aux réalités multi-culturelles pour faire évoluer les comportements lors des contrôles.

Comme dans le traitement des minorités, il serait temps que le ministre de l'Intérieur entende les demandes des citoyens et qu'il inscrive son action dans le respect du résultat des élections présidentielles et législatives, des droits fondamentaux et de la dignité des personnes.

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux