samedi 31 octobre 2015

Le Portugal sous contrôle !


Anibal Cavaco Silva, actuel Président de la République portugaise, a décidé de confier le gouvernement le vendredi 30 octobre à Pedro Passos Coelho. Que M. Cavaco Silva pense qu’un gouvernement de la gauche unie puisse conduire à un affrontement avec l’Eurogroupe et l’UE est son droit, et c’est même sans doute vrai. Mais, dans une République parlementaire, comme l’est le Portugal, il n’est pas dans son pouvoir de s’opposer à la volonté des électeurs. Il doit mettre à l'essai la majorité nouvelle sortie des urnes.

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Le Dimanche 4 octobre, au Portugal, pour les élections législatives, 9 682 553 électeurs ont rendu un verdict difficile à interpréter.

Les droites au pouvoir, menées par Pedro Passos Coelho et Paulo Portas (PSD et CDS), étaient en tête avec 36,86% des voix, (soit 20,59% des Inscrits), mais perdaient la majorité absolue (- 25 députés) et 700 000 voix, environ, par rapport aux précédentes élections.

Le Parti socialiste (PS) d'Antonio Costa est arrivé deuxième, avec 32, 31% des voix, (soit 18,04% des Inscrits) et 86 sièges (+12)).

Le Bloc de gauche de Catarina Martins, double son score de 2011, avec 10,19% des voix, (soit 5,68% des Inscrits)
et 19 sièges (+11).

La Coalition démocratique unitaire (CDU) de Jeronimo de Souza, réunissant le Parti communiste portugais et les Verts, obtient : 8, 25% ( soit 4,60%
des Inscrits) et 17 sièges (+1).

La gauche, si elle s'unit, disposerait donc d'une majorité au Parlement, (122 sièges de députés).

Un parti "Pour les animaux" (soit 0,77
%des Inscrits), obtient 1 siège !

Mais l'information principale est que l'abstention pèse 44,14% des Inscrits. C’est le taux le plus élevé depuis la Révolution des Œillets en 1974.

Les Blancs pèsent 2,09% des Inscrits et les nuls pèsent 1,66% des Inscrits.

Les enjeux de ce scrutin concernent autant l’ensemble des Européens que les Portugais eux-mêmes. L'Europe, qui n'est plus, de fait, une Union européenne mais, désormais, l'Europe de la finance et des marchés, ne peut mettre le Portugal sous contrôle et sous sa coupe ! Si un électorat européen, quel qu'il soit, ne peut faire un choix qui ne conviendrait pas à la Troïka, alors c'est la stagnation politique assurée et la fin de la démocratie transmuée sournoisement en totalitarisme mou.1

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran.


1 Sur le totalitarisme mou voir : Hans JONAS - Le principe responsabilité - Editions Flammarion Champs essai

vendredi 30 octobre 2015

Le mauvais exemple de la Pologne ?


Où va la Pologne ? Est-elle encore un pays de cette Europe qui se veut et se dit « démocratique » ? Ce beau et grand pays va-t-il retourner à la dictature ? Certes, Le général Wojciech Jaruzelski est décédé, en mai 2014, à l'âge de 90 ans, et ne risque pas d'inspirer un neo-communisme totalitaire ! En 1981, le syndicat ouvrier Solidarnosc luttait pour la liberté. Son principal animateur, Lech Walesa, allait devenir, en décembre 1990, le nouveau Président de la République polonaise, avec 72,14% des voix, au second tour de scrutin. Depuis, la Pologne n'a cessé d'évoluer vers une droite toujours plus décomplexée. Karol Wojtila, pape de 1978 à 2005, avait puissamment agi pour soutenir Solidarnosc, avant et après la chute du « Mur de Berlin » fin 1989. Conservateur, certes, il ne voulait pas d'une république antisociale. Les espérances portées par ceux qui voulaient la paix et la justice s'effondrent-elles brutalement ? Ce qui vient de se passer nous le donnent à craindre.

Le 25 octobre 2015, en Pologne, Le parti Droit et Justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski, avec 238 sièges sur 460, a obtenu la majorité absolue aux élections législatives.

Pour la première fois dans l'histoire de la Pologne, depuis la chute du communisme, un seul parti va gouverner ce pays de 38 millions d'habitants, membre de l'UE et de l'Otan, devenu un poids lourd économique en Europe orientale.

Les Polonais ont porté au pouvoir les conservateurs catholiques eurosceptiques qui ont surfé sur une vague de promesses populistes et la peur de l'arrivée massive de réfugiés du Proche-Orient.

Le mouvement antisystème du rockeur Pawel Kukiz arrive troisième avec 44 mandats, devant le parti Nowoczesna (dit « moderne ») du néo-libéral Ryszard Petru (24) et le parti paysan PSL, allié des libéraux sortants (18).

La Gauche unifiée – qui n’atteint pas le seuil requis pour former un bloc électoral de 8 % – est le grand perdant de ces élections législatives et n'obtient aucun siège ! C'est un échec historique.

Comme partout en Europe, l'abstention atteint des sommets, avec 49,78% des inscrits, cette fois !

Restons en éveil : ce qui se passe en Pologne peut se passer ailleurs. Et même en pire...

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran.

lundi 19 octobre 2015

Contrôles au faciès : pouvoir et versatilité.


« La République ne connaît pas de races ni de couleurs de peau. Elle ne reconnaît pas de communautés. Elle ne connaît que des citoyens, libres et égaux en droits. Et ce n'est pas négociable ». Tels sont les propos de François Hollande, prononcés le 8 octobre 2015, lors de sa visite au mémorial du Camp des Milles à Aix-en-Provence.

Le président de la République est vraiment le champion de la versatilité.

Sinon, comment expliquer qu'il passe, en trois ans de présidence, d'un objectif de lutte contre les contrôles au faciès à la contestation de l’existence même de ces contrôles d’identité discriminatoires devant la justice ?

En effet, alors que le gouvernement a déclaré la lutte contre le racisme « grande cause nationale de 2015 », il s'est pourvu en cassation contre sa condamnation, le 24 juin 2015, par la cour d’appel de Paris, pour « faute lourde » dans cinq cas de contrôle d’identité présentant « un caractère discriminatoire qui engage la responsabilité de l’État.»

Cette énième contradiction vient s'ajouter à l’abandon du récépissé pour les contrôles d’identité qu'avait décidé Manuel Valls, lors de son passage place Beauvau, durant l'été 2012. C'était pourtant le 30e «engagement pour la France» du candidat Hollande, alors déterminé à lutter «contre le délit de faciès dans les contrôles d'identité par une procédure respectueuse des citoyens».

De plus, certaines des raisons invoquées pour prendre cette décision ont de quoi laisser interdit ! Les mots ont-ils encore un sens : « Ce pourvoi s’inscrit dans le souhait de lutter contre les contrôles au faciès, avec les mini-caméras mises en place par Manuel Valls lorsqu’il était à l’Intérieur et le texte de Christiane Taubira sur les actions de groupe en matière de discrimination. »

En agissant ainsi, le gouvernement bafoue les libertés publiques et manifeste un autoritarisme préoccupant.

Ce système politique fondé sur la tromperie des citoyens, en permanence, court à sa perte.

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

mardi 13 octobre 2015

Violences salariales contre violences patronales.


De nombreuses voix, de droite comme de gauche, s'élèvent pour condamner les violences dont ont été victimes des cadres de direction de la société Air France.

Dans le même temps, certains font appel à Jean Jaurès qui dans un discours en réponse à Georges Clemenceau, le 19 juin 1906, déclarait :

« Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent, à huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclats de voix, comme des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui continuent la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des marques imperceptibles, mais connues des autres patrons, à l’universelle vindicte patronale. [...] Ainsi, tandis que l’acte de violence de l’ouvrier apparaît toujours, est toujours défini, toujours aisément frappé, la responsabilité profonde et meurtrière des grands patrons, des grands capitalistes, elle se dérobe, elle s’évanouit dans une sorte d’obscurité. »

Pour être conforme à la vérité historique, il faut aussi citer le discours plus nuancé qu'il fit lors du Conrès National Socialiste de février 1912, où il revint sur la question des violences commises par des ouvriers.

« Encore une fois, camarades et amis, je suis d’accord avec vous pour faire un immense effort afin de discipliner ces mouvements, afin de suppléer à la force des inspirations brutales de violence par la puissance de l’organisation. Mais, pas de pharisaïsme : nous n’arriverons jamais à expurger de toute tentation de violence le cœur et le cerveau des ouvriers en lutte. […] Mais, si nous devons de tout notre effort corriger, contenir, refouler par la puissance grandissante de la raison et de l’organisation ces échappées d’instinct, de colère et de violence, ah ! du moins, lorsque, malgré tout, la violence éclate, lorsque le cœur de ces hommes s’aigrit et se soulève, ne tournons pas contre eux, mais contre les maîtres qui les ont conduits là, notre indignation et notre colère !  »

C'est vrai que la violence est toujours condamnable, mais on doit aussi se poser la question de savoir pourquoi des gens « normaux » se mettent à adopter des comportements aussi extrêmes.

Lorsque le chômage atteint des sommets vertigineux, les plans sociaux à répétition qui se succèdent à Air France ne sont -ils pas des violences ?

Aussi, lorsque l'on traite les gens avec dédain, avec violence, comme des animaux qu'on mènent à l'abattoir, il ne faut pas s'étonner qu'ils finissent par se comporter comme des animaux.

Alors, il faut nous employer à désigner les vrais coupables.

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux