mercredi 16 avril 2014

Ne laissons pas la désespérance s'emparer du monde

Le réel est complexe mais les choix sont simples.


Il n'est rien, absolument rien, de plus utile et urgent que de concevoir et proposer de quoi donner aux humains des raisons de vivre. La haute technologie n'est pas autonome et passe désormais après les orientations et les résolutions philosophiques dont dépend l'avenir de l'humanité.





Car les raisons de la désespérance surabondent mais, parmi elles, vu de France, il en est plusieurs qui sont prioritaires. Exposées, elles apparaissent insurmontables, mais il n'est pas supportable de penser que la fin du monde est venue à nos portes. Prendre en compte la situation des humains à naître oriente nos pensées.


Les menaces sur l'humanité, dans le désordre, - car elles ne se hiérarchisent pas et chacune peut déclencher le pire -, me semblent les suivantes :

• La non prise en considération des génocides du XXe siècle, dont les causes n'ont pas été explorées profondément, et notamment celui du Rwanda, qui affecte toute l'Afrique et nous avec, qu'on commémore, au lieu d'en pourchasser l'origine historique, politique, intellectuelle et « religieuse ».

• Le rôle prédominant des USA qui n'ont cessé, au nom de la lutte contre le terrorisme, de s'écarter de leurs propres principes, qui ont organisé une guerre secrète qui s'est étalée sur toute l'étendue du globe, qui a restauré le droit à la torture, et qui a justifié l'usage de moyens nouveaux de tuer (dont les drones qui banalisent la mort à distance et ne distinguent pas les innocents des supposés criminels).

• L'augmentation épouvantable des budgets d'armement qui permettent à des entreprises privées et d'état de faire d'immenses profits rendant inévitable la multiplication des conflits locaux, régionaux et internationaux.

• Le refus obstiné de tirer les enseignements économiques, agronomiques et politiques du réchauffement climatique, lequel se produit, s'aggrave et va vite, à présent, bouleverser la vie des peuples.

• La lente imprégnation des esprits, les médias aidant, qui aboutit à l'acceptation comme inévitable de sociétés où triomphent les riches et où le partage est relégué au rang de valeur appartenant au passé.

• L'entêtement historique de savants et de politiques qui persistent à vouloir maintenir et développer l'industrie nucléaire civile et militaire en dépit des enseignements (non retenus) des catastrophes survenues entre 1945 et 2011.

• La perversion des systèmes politiques se réclamant de la démocratie et qui ont confisqué, détourné, défiguré, travesti, (jusqu'à dénaturer, par de subtils modes de scrutin, les élections elles-mêmes), ce qu'elle recelait d'historique : le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes loin de toute forme de monocratie.

• le blocage de tous les acquis culturels de la pensée et de l'art humains, (un trésor laissé enfermé dans les bibliothèques et les musées), qui sont niés, oubliés, ridiculisés, au profit d'une gestion comptable et économiste des organisations communes, brisant ainsi les espoirs des humbles.

• L'absence des débats essentiels relatifs la démographie et au vieillissement, pesant sur la fin du siècle engagé.

• La course en avant, appelée croissance, qui laisse entendre que les limites planétaires n'existent pas et qui conduit à l'épuisement des ressources ainsi qu'à la saturation des économies développées.

• Le maintien d'une conception du travail strictement lié à l'emploi lequel ne peut plus, pourtant, que reculer, dès lors que produire plus est possible avec une main d'œuvre de plus en plus réduite.

• L'incapacité de penser et donc de distribuer des revenus qui ne dépendent plus du salaire.

Décrire, à grands traits, ces causes de la désespérance, mais aussi de la colère des peuples du monde, fournit aussi la liste des chantiers sur lesquels les citoyens de toutes les nations, (et plus État par État), ont à travailler, de toute urgence, sans volonté de pouvoir sur autrui mais seulement sur la réalité de nos vies.


Il n'y a du reste pas le choix : entre le renoncement définitif à tout engagement dans l'ouverture d'une autre « voie » (qui n'est plus alors qu'attente de la mort) et la participation à la découverte d'un futur qui sera très éloigné que ce que contiennent les temps présents (et qui oblige à des ruptures avec les idéologies d'un passé persistant mais déjà ruiné), il faut vivre, écrire, parler, prendre les risques de l'erreur et aimer le vivant dont nous faisons partie.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran


lundi 7 avril 2014

Rwanda : 20 ans de mensonge !

Les Français ne peuvent fermer les yeux sur un génocide où ils ont été présents !

Voici vingt ans débutait l'un des plus grands drames qu'ait connus l'Afrique sous les yeux d'Européens impuissants ou complices.

Il y a génocide quand il y a volonté d'État de faire disparaître un peuple à jamais. Le XXe siècle a été le siècle des grands génocides ! Le génocide arménien en Turquie (1915-1916), les génocides des Juifs et des Roms (dès le début des années 1940) en Allemagne, le génocide khmer (entre 1974 et 1979) au Cambodge, et le génocide des Tutsi au Rwanda (en 1994) ont blessé, pour toujours, notre histoire. Non qu'il n'y ai pas eu des massacres de masse, tout au long de l'histoire et maintenant encore, mais les génocides, tels qu'ils ont été définis, au cours du siècle passé, représentent la mise en œuvre d'un décision politique perpétrée par un gouvernement légitime. Et c'est une épouvantable « première » historique, de nature à faire douter de l'espèce humaine elle-même.

Le Rwanda, par la voix de son président -lequel n'est guère estimable et se conduit en dictateur- accuse la France d'avoir laissé commettre les crimes en ne faisant pas intervenir ses forces armées, présentes, et inévitables témoins des massacres systématiques. Pire, les Français, mais aussi les Belges, sont accusés d'avoir déclenché, nourri et motivé la haine des Hutus depuis fort longtemps. La France a fourni des armes et des conseils militaires bien avant les événements. Enfin, il est affirmé que des soldats français auraient même participé à des actions assassines !

Il n'y a pas de fumée sans feu. Les très nombreux ouvrages spécialisés qui tentent de cerner les faits et leurs causes ne laissent pas les militaires français à l'extérieur de la zone où le pire est survenu. Les sentiments colonialistes qui n'ont jamais disparu de l'attitude de nombre d'Européens vivant en Afrique noire ont toujours motivé leur mépris, voire leur hostilité à l'égard des populations jugées inférieures. Le comportement paternaliste et choquant de « missionnaires » catholiques a entretenu aussi le climat délétère, haineux, odieux, développé par radio Mille Collines. Le génocide n'a pas surgi ; il a été de longue main préparé.

Ce 7 avril 2014, il n'est pas encore question de tirer tous les enseignements historiques du génocide rwandais, mais ce jour viendra et la France, du moins ses responsables politiques et militaires d'alors, n'en sortiront pas les mains propres. L'opération Turquoise, décidée par le gouvernement Balladur, sous l'autorité du président Mitterrand, approuvée et soutenue par l'ONU, n'a pas permis d'arrêter ni même de limiter le nombre des victimes qui s'est compté, en quelques jours, par centaines de milliers ! 

Il serait à notre honneur non pas de défendre, d'abord, celui de l'armée française mais d'affronter la vérité, laquelle ne peut être que complexe et sûrement pas favorable à cette présence française ambiguë, puissante et complice -l'avenir dira jusqu'à quel point- de ceux qui ont préparé, voulu et exécuté cet acte politique massif et exceptionnellement monstrueux !

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran