lundi 18 juin 2012

Législatives 2012 : analyse et premiers enseignements.

Le scrutin des 10 et 17 juin 2012 aura été, curieusement, banal et historique. Banal par sa simple amplification du phénomène majoritaire présidentiel; historique parce qu'il bouleverse la donne économique et institutionnelle. Il n'y aura pas de deuxième chance pour le PS qui réussit ce qu'il avait raté, en 2002. Il se retrouve dans tous les lieux d'exercice du pouvoir sans disposer pourtant de l'ensemble des pouvoirs qui permettent de faire triompher à coup sûr sa politique.


1 – Historique est cette participation très faible d'environ 56% de votants alors que, quelques semaines auparavant, 81% des Français avaient choisi leur Président de la République ! Depuis 1958, jamais on n'avait relevé un tel apparent et brutal désintérêt. Cela ne peut avoir qu'une seule signification : il n'y avait plus d'enjeu ! Il suffisait de « donner au président les moyens de gouverner ». Placer les législatives immédiatement derrière les présidentielles, c'est les minorer, les banaliser, les « dépolitiser » en quelque sorte. L'hypothèse d'une cohabitation était exclue. La page du sarkozisme devait être tournée. Il faudra remédier à cette erreur constitutionnelle commise par Lionel de Jospin qui aura conduit de trop nombreux citoyens à abandonner leur responsabilité en s'en remettant, en tout, au nouveau Président. Mais attention, il n'y aura pas d'excuse en cas d'échec. Terrible enjeu dans un contexte planétaire en cours de bouleversement.

2 - Le présidentialisme français est de nouveau renforcé. Le bipartisme est à peine tempéré par des entrées minuscules à l'Assemblée nationale de représentants de familles politiques pourtant non négligeables si l'on tient compte du nombre de suffrages recueillis. Le mode de scrutin a renforcé cette césure entre les petits partis et les deux grands. Le Parlement aura, du coup, fatalement, pour fonction non de contrôler le gouvernement mais de le soutenir en toutes circonstances. La majorité absolue accordée au PS en fait l'unique décideur de la politique française aux ordres d'un unique Chef de la majorité. La démocratie parlementaire est de plus en plus atteinte dans son rôle historique. La monarchie constitutionnelle républicaine est, plus que jamais, souveraine, en France.

3 – Des personnalités de premier plan quittent la scène politique. Quiconque a aspiré à la plus haute fonction de l'État ne retrouve jamais, une fois battu, une place majeure et, progressivement, il perd pied. Ce fut le cas de Valéry Giscard d'Estaing. C'est, à présent celui de François Bayrou et de Ségolène Royal. Jack Lang s'en va, lui, comme si le dernier symbole de la période mittérandienne devait s'effacer. Parmi les anciens ministres de Sarkozy, Nadine Morano et Claude Guéant, deux personnages qui ont accompagné ses échecs et ses excès droitiers, n'entreront pas au Parlement. Symbolique aussi la défaite de Michèle Alliot-Marie qui fut, un moment, la honte de la France au plan international. Des pages se tournent qu'il faudra relire, seulement pour mieux comprendre l'histoire du pays, mais il n'y a aucun regret à avoir. Dans cette élection décevante, y compris pour ceux qui se réjouissent d'une part de ses résultats, quelques lumières vacillantes éclairent encore une évolution inéluctable.

4 – Les écologistes ont gagné leur pari et perdu leur dignité. Embarqués au-dessus de la vague rose, ils s'échouent au Parlement, avec le désir de faire entendre une chanson qu'ils n'auront pas la force d'entonner, même s'ils constituent un groupe parlementaire. Ils resteront sous la coupe de leur puissant allié. Alliés au PS, ils ont plus d'élus que le Front de Gauche ! Ils feront un excellent travail, n'en doutons pas, mais inutile politiquement car ils ne modifieront pas les rapports de force. La mise sous tutelle de l'écologie politique : on ne pouvait rien craindre de pire !

5 – Le Front national pèsera, avec ses deux élus, plus qu'on ne peut croire. Peu ou prou, l'entrée au Parlement, malgré un scrutin majoritaire très défavorable, est une reconnaissance de la présence et de l'influence de ce mouvement politique dans le pays. Peu importe pour le FN de ne pas gouverner. Ce qui compte, pour lui, c'est d'influencer l'ensemble des Français. En ce sens, le FN est un véritable parti politique qui ne confond pas le pouvoir avec les places où on l'exerce. Le danger est donc immense : le tribun Collard aura une tribune et sa benjamine, Le Pen-Maréchal (ça ne s'invente pas !) incarnera l'avenir. Nous n'avons pas fini de payer la confusion installée par Sarkozy entre la droite extrême et l'extrême droite.

6 – Le Front de Gauche, qu'on a eu le... front d'assimiler avec le Front national (sous prétexte de populisme : les croquis dévastateurs de Plantu associant Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon auront été, pour une fois, bien plus que mal venus) perd son pari. Il gagne des voix et n'aura pas même un groupe parlementaire si le fonctionnement et le règlement de l'Assemblée nationale ne sont pas modifiés ! On constate, là, une injustice, un dysfonctionnement et une leçon à tirer. L'injustice, elle est tout entière dans l'absence, complète ou partielle de proportionnelle en France. Le dysfonctionnement, il est dans la façon dont les médias confondent « les extrêmes » les petits-enfants ou arrière petits-enfants du Front populaire, avec les petits-enfants ou arrière petits-enfants de la France vychiste, restée sans République entre 1940 et 1945. La leçon, elle est pour Jean-Luc Mélenchon lui-même ; il s'est tout entier donné ; il est trop intelligent pour rester longtemps dans le fossé où il s'est retrouvé poussé ; il vient d'apprendre douloureusement deux choses qu'il n'oubliera pas : d'une part, on ne fait pas alliance avec ce qui reste du parti communiste, qui ne lâche jamais rien, sans en payer le prix fort et, d'autre part, la gauche est à réinventer (elle sera anticapitaliste et écologique ou ne sera pas).

7 – La fin du centrisme est la fin d'une confusion pas la fin d'une idée. On ne peut être à gauche et à droite, même si l'on peut contester que droite et gauche deviennent des concepts obsolètes. On ne peut vouloir une République démocratique et soutenir l'économie de marché telle qu'elle s'est imposée ces derniers temps. On verra vite que la gauche qui se retrouve « aux affaires » n'est pas à gauche ou ne peut y rester parce que, comme pour les Grecs, il faudra, un jour, s'incliner devant la toute puissance des banques et des marchés. François Bayrou, d'instinct, a senti que droite et gauche parlementaires sont dans une même impasse : il n'y a pas d'austérité sans autoritarisme ; il n'y aura pas de liberté maintenue sans Europe ; il n'y aura pas d'Europe sans l'abandon d'inégalités monstrueuses. Il a vu juste, mais il était sans réponse ; on ne se fait pas élire dans un no man's land. Reste à éliminer les traces de cet entre deux, qui n'existe pas, mais sans accepter que la société se coupe en deux. L'unité n'est pas l'unicité. L'une est diverse. L'autre est totalitaire.

En conclusion, les législatives, par leur succès (elles ont révélé ce qui est à transformer dans le fonctionnement de nos institutions) et leur échec (elles laissent les Français dubitatifs, sans vouloir autre que de se débarrasser de ce qu'ils ne supportent plus) marquent la fin d'un temps politique. Ce qui va se passer, à présent, n'est pas directement fonction de ce qui est sorti des urnes. Des événements, encore imprévisibles mais déjà en gestation, vont modifier des équilibres politiques que les rapports de force au sein des deux Chambres du Parlement ne pourront fixer. 


                                                                                        Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran 

vendredi 15 juin 2012

Front contre Front : l"énaurme" mensonge.

Il y aurait, en France, deux populismes, deux extrêmes, dont les citoyens devraient se défier : le Front de gauche et le Front national !

Que les partis de droite instrumentalisent la comparaison est odieux mais compréhensible. C'est là un moyen de se débarrasser de ceux qui lui sont irréductiblement opposés. Cependant, ces derniers temps, là où il n'y a pas (encore) d'alliance politique entre les organisations, UMP et FN, il y a déjà entente idéologique sur des questions essentielles qui mettent en question la République elle-même. Qu'il suffise de rappeler la haine avec laquelle on dénonce les partisans du vote des étrangers vivant en France aux élections locales (ne parlons pas des élections "nationales"), alors qu'un tel vote est pratiqué, fréquemment et librement, dans un nombre croissant d'États européens.

Que la gauche "parlementaire" se livre, à son tour, à une stigmatisation de ses partenaires d'un jour (le jour de l'élection, où grâce au mode de scrutin actuel, le PS toujours en tête, rafle la mise), la "gauche de gauche" dit-on, apparaît méprisable. Il fut un autre Front, le Front populaire, qui changea pour toujours la vie des Français (et à côté duquel le Front de gauche est bien gentillet !). Ce Front, en 1936, était-il populiste et extrémiste ? Ne fait-il pas, à jamais partie de notre histoire ? Et pourtant, il fut plus "à gauche" que la gauche actuelle et, même, à l'écoute de "la rue" et des manifestations populaires ?

Non le Front de gauche n'est pas un fascisme totalitaire. Il n'a rien à voir avec le stalinisme. Alors que le Front National est bel et bien, lui, un fascisme à peine masqué, proche des différentes extrêmes droites violentes, ailleurs en Europe. Sarkozy, en 2007, avait remporté la bataille des idées et convaincu les Français que l'effort permanent, la valorisation des é
événements que la thématique du "travailler plus pour gagner plus", il est essentiel que ceux qui ont voulu l'élimination politique de Sarkozy affirment, sans hésitation, que les politiques néo-libérales, dans une Europe dépassée par la conjoncture internationale, sont d'ores et déjà condamnées, quels que soient les dirigeants que les États connaissent, aucune élection n'étant à même, désormais, de répondre au désir des peuples.

La peur qui traverse l'Union européenne parce que les Grecs pourraient refuser de rester plongés dans une austérité mortelle, en dit long sur la fermeture idéologique qui domine et, quoi qu'ils s'opposent, Angela Merkel et François Hollande sont déjà d'accord pour que le futur gouvernement grec s'incline devant le diktat des marchés financiers. Il n'y a pas le choix nous dit-on. Cet argument, trop connu, est celui de ceux qui veulent que rien ne change même s'ils le souhaitent, car ils ne voient pas la possibilité de faire autrement. Margaret Thatcher disait déjà : "There is no alternative" (TINA).

Rappelons-nous comment, en 2005, dans plusieurs pays d'Europe dont la France, le refus de l'Europe libérale, après plusieurs référendums, fut contourné par des recours à des Parlements soumis. Nous en payons, aujourd'hui le prix. Non seulement l'Europe libérale triomphe mais l'Europe politique se meurt.

On trouve, parmi les arguments de candidats du Front National battus dès le premier tour des élections législatives (faute d'avoir obtenu 12,5% des inscrits, ce qui, entre nous, est indigne, quel que soit le candidat dans cette situation), celui-ci : il faut battre les socialistes et, plus encore, s'ils ont revêtus l'habit écologiste. Ainsi, Axel Poniatowsi, UMP, peut-il compter dans le Val d'Oise, sur des voix frontistes qui lui sont promises pour écarter du Parlement, Guillaume Vuittet, EELV.

Il faut réfléchir à cette antiécologisme radical du FN. Les leaders du FN ont une solide culture politique et savent, eux, qu'il n'est rien de plus incompatible avec leurs thèses que le fédéralisme européen ou la citoyenneté du monde. Oui, il est un "énaurme" mensonge qui consiste à assimiler cette idéologie antiégalitaire que, d'un Le Pen à l'autre, on a semé, non sans succès, dans notre pays, et les positions égalitaires qui s'expriment au sein du Front de gauche ou parmi les écologistes, sans compter un grand nombre de citoyens hors partis, sans doute les plus nombreux.

Il est plus que temps de s'éveiller. Il n'est ni extrémiste ni populiste, ni utopique de prétendre que la démocratie de l'égalité dépasse la démocratie de gouvernement. Des élections seules, surtout organisées comme un plébiscite du président de la République, ne peuvent pas changer, sur le moyen terme, les conditions de vie en France. Bien sûr, nous aurons des satisfactions, ne fut-ce que parce que nombre d'excès insoutenables de la politique sarkoziste vont être corrigés, mais si nous laissons l'idéologie nationaliste, élitiste, autoritaire gagner la gauche après qu'elle a conquis l'UMP, nous assisterons non seulement à l'échec de la majorité présidentielle mais à notre propre échec, incapables que nous aurons été, d'échapper aux luttes de partis alors que le destin du monde est entre nos mains.

Ce qui est "énaurme", c'est qu'une grande partie de l'opinion française se soit laissée attirer vers des idéologies qui n'appartiennent pas à notre tradition politique, celle de Rabelais, Montaigne et La Boétie, Rousseau, Hugo, Jaurès, et bien d'autres. L'enjeu, dans les années qui viennent, dont nous savons bien qu'elles seront dures, c'est que nous sachions redonner sens à la solidarité sans laquelle nous retournerons vers l'égoïsme nationaliste et la recherche de boucs émissaires.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran.

jeudi 14 juin 2012

Lettre ouverte à une économiste




Ce matin encore, au réveil, car c'est à ce moment là que les économistes sortent de leurs bureaux douillets pour se faire interviewer sur les ondes radiophoniques, j'ai entendu une économiste lâcher, avec fougue, cette phrase fatidique, celle qui peu à peu nous tue et que l'on entend depuis des lustres : 

« Le coût du travail est trop élevé dans notre beau pays ! »


Et d'expliquer que selon une étude de l'Institut européen de statistiques, une heure de travail en France, en 2011, - tous secteurs confondus - coûte 34,20 euros (charges sociales comprises), contre 20,10 euros, au Royaume-Uni, 12,10 euros, au Portugal, ou encore 7,60 euros, en Hongrie, tandis que l'écart se creuse avec l'Allemagne. 

Cette explication est un peu rapide, et tendancieuse, car la notion de coût du travail est très différente selon les instituts qui la mesurent : l'Insee, Eurostat, l'OCDE et même le BLS. D'après les calculs de cet institut américain, le coût du travail, dans l'industrie française, n'a augmenté que de 2,4% depuis 2002. Une hausse vraiment faible, et pour l'OCDE, en France, le coût du travail, qui suit celui de l'ensemble des pays industrialisés, progresse moins vite qu'au Royaume Uni, qu'en l'Italie, qu'en Espagne, qu'au Canada ou qu'en République tchèque.


En outre, cette matutinale économiste se garde d'ajouter que l'Allemagne externalise une partie importante de sa production dans les pays d'Europe de l'Est, dopant ainsi sa compétitivité de façon significative (près de 20 % !). En effet, ces pays comme la Roumanie et les pays Baltes, ont un faible coût de main d'œuvre qui s'explique par des salaires bien plus faibles et des cotisations beaucoup moins élevées que dans le reste de l'Europe.

En l'écoutant, souvent je m'inquiéte, car je redoute que cette intelligente et instruite économiste à tendance néo-libérale me lance, un beau matin :

« En France, le coût du travail est trop élevé en comparaison avec celui du Laos ou du Bangladesh ! »


Pas de la Chine qui devient trop chère - un citadin salarié chinois peut désormais prétendre toucher jusqu'à 200 euros par mois - Mais, quel scandale !
Adidas envisage, d'ailleurs de délocaliser sa production  de Chine pour l'envoyer vers l'Inde, le Vietnam (salaire moyen mensuel 50 €), le Cambodge, le Laos ou le Bangladesh justement (salaire moyen mensuel 20 €) .

Enfin, relativisons : si les pôles urbains de la côte chinoise perdent une « partie » de leur compétitivité, l'immense population rurale vit toujours avec moins de 40 euros par mois.
À titre de comparaison le salaire médian français est de 1500 €.

Eh oui, quelle stupidité de nous comparer entre occidentaux, abaissons le coût du travail pour qu'il devienne aussi compétitif que celui des pays où les travailleurs sont encore réduits à l 'état d'esclaves, celui où les droits de l'homme ne sont que du domaine du mirage.

Las d'entendre l'économiste, comme le personnage dont parle La Boétie dans son discours sur La servitude volontaire, dans la tiédeur de mon lit, je me rendors et je rêve. J'entends alors, dans un songe :

«  En Chine, au Bangladesh le coût du travail n'est pas assez élevé, il faut qu'il rattrape celui de la France »

Alors, je me réveille complétement, et, Madame l'économiste, donneuse de leçon, je vous pose cette question : pourquoi toujours tendre vers le bas, pourquoi le FMI, la BCE, l'OCDE, etc..., n'obligent-ils pas la Chine et tous les pays en développement à garantir un salaire décent à leurs citoyens avec une couverture sociale et des services de santé et éducatif dignes d'un monde où les droits de l'Homme ne serait plus du domaine de mes songes ?

Pourquoi ?


Allez, s'il vous plaît, faites un effort !

Jean-Claude Vitran

vendredi 8 juin 2012

Rio plus Vingt ou plus Zéro ?

Le débat sur la croissance est relancé.
Le nouveau gouvernement français est convaincu que mieux vaut la croissance que l'austérité.
Le précédent prétendait que mieux valait l'austérité que la ruine.

Faut-il faire plus pour avoir plus ?
Le tout est de savoir qui doit avoir plus !
Aujourd'hui, ce sont les riches qui ont toujours plus.

Actuellement la démographie fait qu'il y a de plus en plus de pauvres à avoir moins.
On confond, sciemment, enrichissement d'un pays et enrichissement de ses habitants.
Il est des peuples qui croulent sous la misère autour d'iles de confort et de bien être.

On peut produire plus en diminuant le temps d'emploi et le nombre des salariés.
On peut faire consommer davantage en réduisant les salaires.
On peut vivre dans le luxe alors que la majorité des Terriens manque du nécessaire.

L'Earth Summit des 21 et 22 juin 2012, à Rio de Janeiro, va-t-il aborder le fond de ce sujet ?
Vingt ans après le précédent sommet de Rio, on peut en douter.
Changer d'optique, de paradigme ou de logiciel est impossible pour les dirigeants.

Changer d'optique, c'est supprimer les privilèges, comme on le voulait, en 1789, en France.
Changer de paradigme, c'est cesser de miser sur la croissance plutôt que sur le partage.
Changer de logiciel, c'est rompre avec la domination des milieux de la finance.

Comment peut-on croire ceux que vont changer de pratiques ceux qui ne peuvent rien changer ?
Comment croire que les marchés vont laisser agir ceux qui sont leurs marionnettes ?
Comment sortir du capitalisme pour sauver la planète ?

Les discours émouvants ne vont pas manquer ni les rapports alarmants.
Plutôt un "crash diplomatique que des engagements mous" estime Nicolas Hulot.
Plutôt l'échec donc que le faux semblant.

On continuera donc à parler de développement durable, même si cela ne veut plus rien dire.
On prêchera en faveur de l'économie verte, soit la récupération de la production écologique.
On parlera même de croissance verte, soit d'une plus grande exploitation des richesses naturelles.


Ne parlons pas de sobriété, c'est un vilain mot qui appauvrit les riches.
Ne parlons pas de solidarité, c'est un mot qui sent trop le communisme.
Ne parlons pas de fraternité, c'est confondre sentimentalisme et réalisme économique.


François Hollande, prudent, annonce le "risque d'échec".
L'écologie viendra après la crise nous a t-on dit, jusqu'à nous le faire croire.
On oublie, bien sûr, que la crise est d'abord écologique.


Prétendre pouvoir vivre mieux en dépensant moins n'est ni compris ni accepté.
Prétendre que le progrès est dans le mieux avant d'être dans le plus n'est ni compris ni accepté.
Prétendre que l'on peut gagner en efficacité en travaillant moins n'est ni compris ni accepté.

Il y aurait de quoi désespérer si les faits n'étaient pas plus têtus que les hommes.
Privés des ressources naturelles qui ont été pillées nous devrons bien vivre autrement.
Et si nous n'y sommes pas prêts encore, nous finirons par nous adapter au nouveau monde.

Combien de temps cela prendra-t-il et faut-il compter en années la venue du changement ?
Le slogan du candidat Hollande peut curieusement trouver là sa pertinence !
"Le changement maintenant" n'est pas celui des  pouvoirs mais celui de la civilisation.

Sans prise de conscience de la majorité des humains, il faudra bien attendre.
Mais cette prise de conscience, à évolution lente, peut devenir fulgurante.
Sous l'effet de la nécessité ou de la peur tous les critères sont bousculés.

La politique n'est plus la conquête des sièges d'où l'on peut agir.
La politique devient la prise de pouvoir sur nos vies.
Le siècle peut-être celui où le savoir partagé redistribue le pouvoir.

C'est le seul espoir que nous attendons du Sommet de Rio.
L'humanité peut découvrir que l'action de ceux qui ont tout transformé en marchandise a échoué.
Ce jour-là, rien ne résistera à une volonté de changement que les chefs États ne possèdent plus.



Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran