Ce matin encore, au réveil, car c'est à ce moment là que les économistes sortent de leurs bureaux douillets pour se faire interviewer sur les ondes radiophoniques, j'ai entendu une
économiste lâcher, avec fougue, cette phrase fatidique, celle qui peu à peu nous
tue et que l'on entend depuis des lustres :
« Le coût du
travail est trop élevé dans notre beau pays ! »
Et d'expliquer que selon une étude de
l'Institut européen de statistiques, une heure de travail en France,
en 2011, - tous secteurs confondus - coûte 34,20 euros (charges
sociales comprises), contre 20,10 euros, au Royaume-Uni, 12,10 euros, au
Portugal, ou encore 7,60 euros, en Hongrie, tandis que l'écart se creuse
avec l'Allemagne.
Cette explication est un peu rapide, et
tendancieuse, car la notion de coût du travail est très différente
selon les instituts qui la mesurent : l'Insee, Eurostat, l'OCDE et même
le BLS. D'après les calculs de cet institut américain, le coût du
travail, dans l'industrie française, n'a augmenté que de 2,4% depuis
2002. Une hausse vraiment faible, et pour l'OCDE, en France, le coût
du travail, qui suit celui de l'ensemble des pays industrialisés,
progresse moins vite qu'au Royaume Uni, qu'en l'Italie, qu'en
Espagne, qu'au Canada ou qu'en République tchèque.
En outre, cette matutinale
économiste se garde d'ajouter que l'Allemagne externalise une partie
importante de sa production dans les pays d'Europe de l'Est, dopant ainsi sa
compétitivité de façon significative (près de 20 % !). En effet, ces pays
comme la Roumanie et les pays Baltes, ont un faible coût de main
d'œuvre qui s'explique par des salaires bien plus faibles et des
cotisations beaucoup moins élevées que dans le reste de l'Europe.
En l'écoutant, souvent je m'inquiéte,
car je redoute que cette intelligente et instruite économiste à
tendance néo-libérale me lance, un beau matin :
« En France, le coût du travail est trop élevé en comparaison avec celui du Laos ou du Bangladesh ! »
Pas de la Chine qui devient trop chère - un citadin salarié chinois peut désormais
prétendre toucher jusqu'à 200 euros par mois - Mais, quel scandale !
Adidas envisage, d'ailleurs de délocaliser sa production de Chine pour l'envoyer vers l'Inde, le Vietnam (salaire moyen mensuel 50 €), le Cambodge, le Laos ou le Bangladesh justement (salaire moyen mensuel 20 €) .
Adidas envisage, d'ailleurs de délocaliser sa production de Chine pour l'envoyer vers l'Inde, le Vietnam (salaire moyen mensuel 50 €), le Cambodge, le Laos ou le Bangladesh justement (salaire moyen mensuel 20 €) .
Enfin, relativisons : si les pôles
urbains de la côte chinoise perdent une « partie »
de leur compétitivité, l'immense population rurale vit toujours
avec moins de 40 euros par mois.
À titre de comparaison le salaire
médian français est de 1500 €.
Eh oui, quelle stupidité de nous comparer entre occidentaux, abaissons le coût du travail pour qu'il
devienne aussi compétitif que celui des pays où les travailleurs
sont encore réduits à l 'état d'esclaves, celui où les
droits de l'homme ne sont que du domaine du mirage.
Las d'entendre l'économiste, comme le personnage dont parle La Boétie dans son discours sur La servitude volontaire, dans la tiédeur de mon lit, je me rendors et je rêve. J'entends alors, dans un songe :
« En Chine, au Bangladesh le
coût du travail n'est pas assez élevé, il faut qu'il rattrape
celui de la France »
Alors, je me réveille complétement, et, Madame l'économiste, donneuse
de leçon, je vous pose cette question : pourquoi toujours tendre vers le bas,
pourquoi le FMI, la BCE, l'OCDE, etc..., n'obligent-ils pas la Chine et
tous les pays en développement à garantir un salaire décent à
leurs citoyens avec une couverture sociale et des services de santé
et éducatif dignes d'un monde où les droits de l'Homme ne serait
plus du domaine de mes songes ?
Pourquoi ?
Allez, s'il vous plaît, faites un effort !
Jean-Claude Vitran
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