vendredi 28 septembre 2012

Les Droits de l'homme ne souffrent aucun compromis




Les Droits de l'Homme ne sont pas négociables. La LDH existe pour y veiller. Si la même politique d'exclusion que par le passé est exécutée, coopérer avec le pouvoir, devient un égarement coupable. Certains responsables de la LDH se trompent.  Face à la xénophobie, il n'est qu'une seule réponse possible, celle de la condamnation, comme à Marseille, où des militants de terrain affrontent le racisme anti-Roms que des élus locaux excusent ? 

À trop vouloir soutenir le gouvernement qui a deux fers au feu (celui de la concertation et celui de la répression), la Ligue des Droits de l'Homme abandonne sa mission historique. L'échec est garanti. Déjà le gouvernement trébuche sur ce tapis que tire, sous ses pieds, afin de le faire chuter, la droite française dite "décomplexée", (en clair, ouverte aux idées xénophobes).


Les événements de Marseille, ("la mise en fuite" d'une trentaine de Rroms dans le quartier du Créneau, au nord de la ville), annoncent ce que la politique ambiguë de l'actuel ministre de l'Intérieur risque de déclencher : la ratonnade anti-tsiganes. Aucun groupe de citoyens ne peut, dans un État de droit, se substituer à la police. Certes. Mais est-on incité à faire appel à la police quand c'est la police qui, parfois, elle-même, "ratonne" grâce à la tolérance de certaines hiérarchies ?

Au cours de l'histoire de la République, hélas, le monopole de la violence dont l'État dispose a conduit des fonctionnaires (et pas seulement sous Vichy) à brutaliser des "individus" (comme on dit alors) qui ne se soumettent pas à la loi du plus grand nombre, laquelle n'est pas nécessairement la loi tout court, ou qui constitue une loi... injuste !

Attention : les meilleures intentions du monde pavent souvent l'enfer du racisme ordinaire. L'exaspération des habitants d'un quartier qui souffre déjà de l'injustice sociale et de la délinquance s'explique, mais peut conduire à des violences toujours plus graves.  Le jour où le meurtre se banalise peut, à tout moment, survenir.

Hannah Arendt a décrit, avec précision, comment des hommes et des femmes qui ne sont pas en eux-mêmes plus "méchants" que les autres, peuvent devenir des monstres.

En pleine période de détresse économique, on a vite fait de trouver des coupables, ceux qui vont devenir ces "boucs émissaires" qu'on sacrifie sur l'autel du politiquement correct. Il faut, nous répète-t-on, de la croissance, de la compétitivité, de la consommation, de la réduction d'impôts : tel est le contenu du credo néolibéral.

Peu de Français veulent admettre, en effet, que la reconnaissance de nos limites, de la sérénité dans le travail, de la sobriété dans les achats, du partage juste des efforts, ont plus d'efficacité, à terme, que ce "toujours plus" (pour les privilégiés) que nourrit le "toujours moins" (imposé au plus grand nombre des citoyens). Pire, dans l'univers des nantis, la misère fait tache. Il faut l'éliminer.

C'est ainsi que l'on démantèle les campements considérés comme illicites, en fait les bidonvilles installés au hasard par des familles ne sachant plus où vivre. Que ces familles soient, d'abord, jetées à la rue soulage ceux qui les voient écartées de leur cadre de vie. C'est oublier que la détresse n'est alors que déplacée.

En quelques mois, le tiers des Rroms étrangers, (environ 5 000 sur 15 000) a été expulsé des terrains occupés sans droit ni titres (plus encore que du temps de M. Guéant). Cela n'a rien changé au nombre des Rroms vivant en France, y compris quand on est passé d'une expulsion à l'autre, de l'expulsion du terrain à l'expulsion du territoire, en remplissant quelques charters en direction de Bucarest ou de Sofia...

L'approche des élections municipales de 2014 aide les maires à fermer les yeux sur l'inhumanité de ces démantèlements toujours pas accompagnés (et qui devraient être précédés !) par des mesures de relogement, en dépit des promesses du candidat Hollande ou des circulaires interministérielles d'août passé. Allons-nous voir, comme en Italie, dans la commune d'Opera, en Lombardie, des politiciens obtenir le siège de maire en s'étant fait applaudir pour leur action anti-Rroms ?

À l'évidence les droits de l'homme sont, ou bien bafoués ou bien, (ce qui revient au même), "oubliés". L'ampleur des mesures de rejet dépasse déjà, largement, l'exécution des décisions de justice (que les juges ne peuvent que prendre puisque les violations de propriétés, même vacantes et inutilisées, sont illégales).

Prenons garde. Ne pas reconnaître l'humanité des humains conduit au pire. "Roms : la commune humanité bafouée", la pétition (1) initiée par un collectif de 105 personnalités, a recueilli des milliers de signatures, car la vigilance s'impose quand la haine croît, attisée par des manipulateurs d'opinion.

Nous sommes en état d'alerte et ce d'autant que l'actuel gouvernement a tous motifs de s'opposer à la "banalisation du mal" et ne le fait pas. Les droits de l'homme ne se divisent pas et ne souffrent aucun compromis. Un homme est un homme et les reproches qu'on peut lui faire ne se règlent pas en le chassant comme on le ferait d'un animal enragé !

(1) http://www.labandepassante.org/petition/



Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux 


mercredi 5 septembre 2012

Cumul des mandats ou... qui ne bouge tombera !


Comme de vieux lions craintifs

Martine Aubry a donné jusqu’à la mi-septembre aux parlementaires socialistes pour choisir et mettre fin au cumul de leurs mandats… Et beaucoup rechignent…

Oui et c’est un sujet parfait pour les éditorialistes. On tape sur le cumul et ça plaît à tout le monde. Par esprit de contradiction, ou par jeu intellectuel, j’ai essayé de commencer une chronique pro-cumul (comme on peut très bien, avec des arguments valables et convaincants, défendre le parachutage électoral, ça je l’ai fait). J’ai donc essayé… et je n’ai pas réussi, voilà pourquoi : le principal argument, l’enracinement local, n’est pas convaincant : chaque parlementaire peut cultiver son enracinement et sa connaissance de la vraie vie de ses concitoyens en étant, comme tout le monde, parent d’élève(s), en faisant ses courses, en faisant la queue dans les administrations, en étant actif dans le monde associatif, en emmenant ses enfants au foot, en discutant avec les commerçants, avec ses voisins. Parlementaire et citoyen normal en quelque sorte…et la plupart le sont d’ailleurs. Pas besoin d’être absolument conseiller municipal pour connaître la vie des Français… le mieux c’est de la vivre. Le PS est une formidable machine à gagner les élections locales depuis 15 ans. C’est le moment de lui rappeler qu’aucun de ses barons locaux n’est propriétaire de ses territoires et que les électeurs les ont élus pour un travail à plein temps. Le député n’est pas un élu local, c’est un élu de la Nation. Sa circonscription n’est qu’un bassin d’électeurs. Michel Winock dans son livre « La France politique » évoquant le choc que subissaient les parlementaires de la IIIème République quand ils arrivaient au Palais Bourbon, écrit : « tel qui parlait pour son village, légifère maintenant pour le genre humain ». C’était l’époque où la France se pensait lumière du monde…Sans monter dans de si hautes sphères, on pourrait espérer que les députés de la Vème se déracinent un peu de leur circonscription pour se soucier de l’intérêt national avant tout.


Et donc, logiquement, il faudrait que les députés n’aient pas de mandats locaux !

 Oui. L’Assemblée nationale ne peut pas être un syndicat des régions et départements. Il y a le Sénat pour ça (ce qui n’est pas une raison suffisante pour prôner le cumul chez les sénateurs). Mais les élus ne sont pas les seuls responsables. Les militants des partis devraient refuser d’investir des cumulards et nous, les citoyens, nous ne devrions pas solliciter notre député pour des affaires locales ou privées. A la limite, les députés ne devraient même pas avoir de permanence dans leur circonscription. Même si en ces temps de crise, ils se font volontiers les avocats à Paris des salariés des entreprises qui ferment dans leur secteur. Enfin, on oublie souvent que le Parlement a deux fonctions. Il doit légiférer et contrôler l’exécutif. Cet aspect-là est largement oublié. Il ne faut pas accuser la Constitution. Les instruments de contrôle existent, ils sont simplement sous-employés parce que le contrôle est un travail chronophage et obscur, loin des caméras et des électeurs. Il y a donc pléthore d’arguments pour s’opposer au cumul. Le plus souvent cité est celui du frein au renouvellement et à la diversité du monde politique que le cumul engendre. Pourtant face à de telles évidences et face à de tels consensus dans la population, on reste estomaqué par l’aplomb des élus qui résistent toujours malgré leurs promesses : des barons locaux qui se comportent un peu en vieux lions craintifs, passant leur temps à faire pipi autour de leur territoire pour bien le délimiter.


 Chiche !

(1) Esprit, n°387, août-septembre 2012, pp. 4 et 5.

lundi 3 septembre 2012

Il n'est plus ni droite ni gauche

Où est passé le socialisme ? Il est passé... dans le passé ! Un socialisme qui ne compte ni sur la révolution ni sur l'évolution pour mettre fin à la domination de l'argent, au capitalisme-roi, s'est renié lui-même.

Parti ultra dominant, le PS assume, seul, à présent, la politique qu'imposent les marchés. Il a substitué à la gauche une droite soft, c'est-à-dire qu'il s'en tient à une ambition limitée : empêcher le système économico-financier de commettre trop d'excès.

Le bipartisme désormais installé en France, tout comme aux USA, écarte toute alternative politique comme non sérieuse, non crédible, irresponsable et utopique. Quand on constate que les électeurs étatsuniens vont avoir le choix entre un Bush-bis, peut-être plus rigide encore avec Mitt Romney, et un président sortant qui n'a pu que limiter les dégâts, on doit bien se dire que l'on glisse vers des politiques de plus en plus désespérantes, vers de fausses démocraties.

Plusieurs questions se posent alors avant que n'explose, on ne sait quand, une situation intenable : 
• pourquoi cette déviance qui a conduit un parti politique à n'être plus rien de ce qu'il fut ?
• pourquoi continuons-nous d'employer des mots (droite-gauche) qui ne recouvrent plus le sens qu'ils avaient quand ils furent créés ?
• pourquoi ce qui semblait impossible à avouer, voici trente ans à peine, ( être "de droite") s'affiche-t-il sans vergogne, y compris dans les milieux populaires ?
• pourquoi les victimes du système qui les écrase ne se révoltent-elles plus ?

Il n'est, pour nous, rien de plus urgent que de faire des diagnostics pertinents.


Le plus simple consiste à dire que le culte de la croissance, le choix du nucléaire,  le maintien des cumuls de mandats, le démantèlement des bidonvilles de Roms avant toute solution (pour ne parler que de ce qui est le plus flagrant actuellement) appartiennent à des politiques de la droite la plus éculée. Nous n'avons rien de commun avec ces choix au demeurant mortels, à terme, pour le présent Gouvernement français.

Le plus difficile à exprimer aboutit à reconnaître que des vocables inadéquats trompent l'opinion : il n'est plus, quoi qu'on en pense, ni droite ni gauche en exercice, en Europe. Les opposants qui se réclament encore de la gauche se réfèrent à un passé qui ne renaitra pas. Si courageux et sympathiques soient-ils, ils sont devenus obsolètes.

Le plus créatif se loge dans les recherches visant à dépasser ce passé, sans tolérance aucune à l'égard des idées de domination, de privilège, d'exploitation, d'accumulation de profits, mais en remplaçant la révolution physique par la subversion culturelle. Quelle que soit la façon de le dire, un "autre monde", une "autre vie", une "autre société" sont non seulement possibles mais nécessaires.

Le plus dynamique et porteur d'espoirs tient à ce que, sur une planète très peuplée tout se sait, tout peut être communiqué, tout se contrôle et vérifie, et les jeunes générations s'indignent non pour protester mais pour vivre de façon pratique l'alternative qu'on leur refuse. Il va sans dire que l'écologie est au cœur de cette politique-là qui prend ses distances avec les partis pour n'être pas flouée. C'est dans l'ombre et partout que s'essaient des changements qui ne sont pas que de mots.


Jurgen Habermas, à 83 ans, établit, lui le philosophe des philosophes, un diagnostic que nous ne partageons qu'à moitié : en Europe, affirme-t-il en substance, il n'est plus de choix qu'entre le retour aux États retrouvant leurs monnaies et la construction politique véritable d'une Europe forte s'imposant aux États qui la composent. Le sage allemand a le mérite de faire comprendre que la page est tournée et que l'Europe éparpillée est sans avenir, peut-être même au bord de l'effondrement. Il a pourtant tort, nous semble-t-il, de nous laisser croire qu'une nouvelle initiative centralisée est à même de nous apporter le salut ! L'Europe des citoyens ne se fera pas sans citoyens maîtres de leur destin.

Cette Europe démocratique, dont nous sommes loin encore, ne peut s'enfermer dans des idéologies qui sont impuissantes à l'intérieur d'une mutation qui annonce une civilisation dont les privilégiés retardent l'avènement violemment tant il y aura d'intérêts bousculés. Dans les politiques actuelles de droite et de gauche très proches (d'où leur disparition, de fait) lesquelles voudraient nous faire passer de crise en crise comme un malade qui se soigne lentement en attendant de retrouver la santé, il n'est rien qui corresponde aux besoins planétaires.

Résistances et changements associe le refus des solutions factices et la quête d'une connaissance des chances dont dispose encore l'humanité. C'est un travail de pensée. Si nous n'y prenions notre part, si nous fonctionnions avec des outils et des concepts usés, nous n'irions pas dans la voie que la gauche, quand elle existait, avait ouverte jadis, et dont elle a perdu la trace.



Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran