Martine Aubry a donné jusqu’à la mi-septembre aux
parlementaires socialistes pour choisir et mettre fin au cumul de leurs
mandats… Et beaucoup rechignent…
Oui et c’est un sujet parfait pour les
éditorialistes. On tape sur le cumul et ça plaît à tout le monde. Par esprit de
contradiction, ou par jeu intellectuel, j’ai essayé de commencer une chronique
pro-cumul (comme on peut très bien, avec des arguments valables et convaincants,
défendre le parachutage électoral, ça je l’ai fait). J’ai donc essayé… et je
n’ai pas réussi, voilà pourquoi : le principal argument, l’enracinement
local, n’est pas convaincant : chaque parlementaire peut cultiver son
enracinement et sa connaissance de la vraie vie de ses concitoyens en étant,
comme tout le monde, parent d’élève(s), en faisant ses courses, en faisant la
queue dans les administrations, en étant actif dans le monde associatif, en
emmenant ses enfants au foot, en discutant avec les commerçants, avec ses
voisins. Parlementaire et citoyen normal en quelque sorte…et la plupart le sont
d’ailleurs. Pas besoin d’être absolument conseiller municipal pour connaître la
vie des Français… le mieux c’est de la vivre. Le PS est une formidable machine
à gagner les élections locales depuis 15 ans. C’est le moment de lui rappeler
qu’aucun de ses barons locaux n’est propriétaire de ses territoires et que les
électeurs les ont élus pour un travail à plein temps. Le député n’est pas un
élu local, c’est un élu de la Nation. Sa circonscription n’est qu’un bassin
d’électeurs. Michel Winock dans son livre « La France politique »
évoquant le choc que subissaient les parlementaires de la IIIème République
quand ils arrivaient au Palais Bourbon, écrit : « tel qui parlait
pour son village, légifère maintenant pour le genre humain ». C’était l’époque
où la France se pensait lumière du monde…Sans monter dans de si hautes sphères,
on pourrait espérer que les députés de la Vème se déracinent un peu de leur
circonscription pour se soucier de l’intérêt national avant tout.
Et donc, logiquement, il faudrait que les députés
n’aient pas de mandats locaux !
Oui. L’Assemblée
nationale ne peut pas être un syndicat des régions et départements. Il y a le
Sénat pour ça (ce qui n’est pas une raison suffisante pour prôner le cumul chez
les sénateurs). Mais les élus ne sont pas les seuls responsables. Les militants
des partis devraient refuser d’investir des cumulards et nous, les citoyens, nous
ne devrions pas solliciter notre député pour des affaires locales ou privées. A
la limite, les députés ne devraient même pas avoir de permanence dans leur
circonscription. Même si en ces temps de crise, ils se font volontiers les
avocats à Paris des salariés des entreprises qui ferment dans leur secteur.
Enfin, on oublie souvent que le Parlement a deux fonctions. Il doit légiférer et
contrôler l’exécutif. Cet aspect-là est largement oublié. Il ne faut pas
accuser la Constitution. Les instruments de contrôle existent, ils sont
simplement sous-employés parce que le contrôle est un travail chronophage et obscur,
loin des caméras et des électeurs. Il y a donc pléthore d’arguments pour
s’opposer au cumul. Le plus souvent cité est celui du frein au renouvellement
et à la diversité du monde politique que le cumul engendre. Pourtant face à de
telles évidences et face à de tels consensus dans la population, on reste
estomaqué par l’aplomb des élus qui résistent toujours malgré leurs promesses :
des barons locaux qui se comportent un peu en vieux lions craintifs, passant
leur temps à faire pipi autour de leur territoire pour bien le délimiter.
Chiche !
(1) Esprit, n°387, août-septembre 2012, pp. 4 et 5.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
N'hésitez pas à poster un commentaire.