Nous savons tous que, là où il n'y a pas d'élections, il n'y a pas de démocratie.
Nul n'ignore, pourtant, que des élections, même libres, ne garantissent pas la démocratie.
Certes, les électeurs ne subissent pas de contraintes directes.
Ils votent, bien qu'ils n'attendent de l'élection rien d'autre que leur éviter le pire.
Ils votent, bien qu'ils déplorent la sinécure du cumul scandaleux des mandats.
Ils votent, bien qu'ayant perdu confiance en leurs élus.
Ils votent, bien qu'ils refusent de plus en plus que la politique soit la seule affaire des partis.
Ils votent, bien qu'ils ignorent, le plus souvent, les conditions d'organisation des scrutins.
S'agissant des élections législatives, notamment, qui vont se dérouler, par circonscription, les 10 et 17 juin, les Français ne se préoccupent plus que d'une seule question : la majorité présidentielle sera-t-elle ou non confortée ?
Ils n'ont pas, comme premier souci, de comprendre que l'élection uninominale, à deux tours, par circonscriptions, découpées par le Ministère de l'intérieur, est aussi peu démocratique que possible.
Ils n'ont pas comme principal souci de comprendre que l'élection qui élimine, au soir du premier tour, tout candidat qui n'a pas obtenu 12,5% des inscrits, a pour objectif d'éliminer toute représentation des "petits partis" au Parlement.
Ils n'ont pas comme autre souci de savoir si l'élection va permettre que soient posées les questions majeures qui se posent à la France et à l'Europe. Non, ils vont faire un transfert de confiance. La messe est dite. Il va falloir donner sa chance à celui sur qui tout reposera, donc lui offrir une majorité prête à voter ce qu'il proposera, et quels que soient ceux qui composeront cette nouvelle majorité "hollandienne".
On va donc faire impasse sur le fonctionnement de la démocratie, comme on a fait impasse sur le contenu radicalement écologique des questions qui vont s'imposer à nous. La constitution française délègue le pouvoir, non plus principalement au Parlement mais à celui dont tout dépend et qui sera, qu'il le veuille ou non, que cela nous plaise ou pas, et pour cinq ans, un monarque "républicain".
Seule une aggravation de la situation économique et sociale pourrait faire intervenir le peuple dans son fond, c'est-à-dire de telle façon que les élus ne puissent que voter les textes qu'ils ne sont pas aujourd'hui prêts à voter et qui nous feraient sortir de ce dont nous souffrons le plus : l'abandon de nos responsabilités à ceux que nous avons choisis et qui, cependant, seuls, ne peuvent s'en tirer tant est brutale la chute de l'économie mondiale.
Il nous faudra plus que des élections pour redonner espoir aux Français. L'échec des sortants était nécessaire ; il ne saurait être suffisant. Il n'y a ni "crise", ni "relance de la croissance" qui puissent être comprises, en Europe, alors que nous ne sommes déjà plus dans un dysfonctionnement de la machine économico-politique mais déjà confrontés à sa rupture.
La tentation de trouver toutes sortes de boucs émissaires sera de plus en plus sensible, mais c'est l'Europe qui va, bientôt, nous préoccuper : chaque État ne peut plus faire face à ce qui le menace si l'on décide pour lui. La Grèce, l'Espagne, ou l'Italie, en attendant les autres, vont nous amener à reconsidérer ce qu'on attend d'une élection : le droit à l'autodétermination qui n'est pas incompatible avec l'organisation d'un partage sans frontières.
Majorités et minorités sont devenues fugaces et on aura beau tout faire pour prédéterminer le vote des citoyens, rien n'y fera : les faits vont imposer des changements que ni les partis, ni les gouvernements, ni les citoyens n'avaient même imaginé au moment des votes.
Votons donc, mais sans illusion : l'essentiel est déjà ailleurs, un ailleurs qu'il nous appartient de construire.
Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran
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