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mardi 15 mai 2012

Le Président Hollande adoubé.


C'est ainsi en France : le Président de la République ne saurait être "normal". François Hollande le voudrait. Il l'a dit. Mais déjà il n'y peut plus rien. Il sera, comme ses prédécesseurs, un monarque républicain.  Il va entrer dans l'armure du commandeur, personnage protégé et chef des armées. Ainsi le veut la Constitution de la Ve République.

La médiatisation forcenée des valets du pouvoir personnalisé continue. Elle nous formate et nous empêche de penser la politique française dans un autre cadre. Hier, c'était pour nous contraindre à voter dans le système électoral tout fait qui conduit le peuple citoyen à ne plus s'intéresser qu'à la seule élection présidentielle (les autres étant subalternes, y compris les législatives - on le verra bientôt -). Aujourd'hui, c'est pour nous faire accepter que la France reste gouvernée par un seul homme, entouré de ministres et conseillers efficaces et qualifiés, mais qui ne peuvent être que des subordonnés.

Si respectable que puisse être le personnage qui vient d'entrer dans les habits élyséens, la politique veut que, sauf modifications institutionnelles improbables, il devienne ce qu'il n'est pas encore : un prince ! Nous resterons donc en monocratie tant que le peuple constituant (nous, les Français) n'aura pas imprimé sa volonté d'accéder à une République véritable, décentralisée et déconcentrée, quel qu'en soit le numéro.

Car l'actuel état de fait contient, en ce siècle, plusieurs risques majeurs. 

Combien de temps subsistera cet isolement de la France en Europe ? Nulle part, n'y existe ce faux dualisme politique (un Président de la République ayant tous pouvoirs, occupant  la tête de l'État avec un Premier Ministre qui n'est que fictivement chef du gouvernement ).


Qui ne voit que le Parlement (Assemblée et Sénat) n'a plus d'autre utilité que celle de "donner une majorité au Président". Députés et sénateurs voteront les lois qu'on leur demandera de voter, mais le contrôle du pouvoir et l'initiative de ces lois ne leur appartiendront pas plus qu'auparavant. La cinquième République, à la différence de la troisième et de la quatrième Républiques, n'aura jamais été parlementaire mais elle l'est de moins en moins. Ce qui est l'inévitable cause de dysfonctionnements démocratiques quasi automatiques.

Subsistent cependant quelques espoirs. 

Le premier serait que les événements qui s'annoncent bousculent le pouvoir au point de l'amener à adapter la République française à notre temps, c'est-à-dire, disons le clairement, en modifiant la constitution, laquelle est non seulement obsolète mais incompatible avec une Europe des citoyens, maîtresse de son destin.

Le second serait que la volonté politique du nouveau Président le conduise à se rechercher une place originale dans l'histoire de France : celle du Président qui "déprésidentialise" sa fonction, afin de permettre un partage effectif des responsabilités à tous les niveaux des institutions existantes (au reste trop nombreuses et trop empilées et donc à simplifier).

La troisième, enfin, serait que les questions majeures, passées sous silence pendant la campagne électorale, et pour la plupart écologiques, soient rencontrées vraiment, travaillées enfin, et proposées aux citoyens comme autant de chantiers où ils pourront s'impliquer.

Au moment où la "croissance" est mise en avant comme opposée à l'austérité, une formidable occasion est offerte : celle de l'examen du contenu de cette croissance qui n'a pas valeur en elle-même et qui ne doit pas être déployée au prix d'endettements nouveaux. La confusion entre croissance et activité n'a jamais été aussi lourde. Il faut renoncer aux productions inutiles et ouvrir de nouvelles possibilités d'action économiques. Ce n'est pas la même chose !

Puisse le nouveau Président animer une équipe et non pas la soumettre à ses ordres. Il y va de sa double responsabilité : d'une part, démocratiser un pays qui a perdu, peu à peu, sa capacité d'initiative politique, trop longtemps confisquée par les partis et, d'autre part, relancer non pas la croissance mais, aussi, la capacité d'initiative économique, dans un esprit de justice, de partage et de sobriété - le mot a été lâché au cours des cérémonies d'investitures, ce 15 mai 2012 -.

Mais attendons la suite, afin de savoir où les citoyens que nous sommes vont pouvoir intervenir.



Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

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