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mercredi 30 mai 2012

Deuil-la-Barre, histoire d'une schizophrénie communale.




Deuil-la-Barre est une commune tranquille de la banlieue nord de Paris, au pied de la colline de Montmorency. Deuil-la-Barre serait restée anonyme, si un Montmorencéen prestigieux, Jean-Jacques Rouseau, n'avait souvent arpenté, dans les années 1755-1760, le territoire de cette commune pour rendre visite à son amie, Mme d'Épinay, qui y possédait une demeure, malheureusement détruite, le château de la Chevrette. C'est, durant ces années, avant qu'il ne soit politiquement contraint de repartir vers la Suisse, que « le citoyen de Genève » écrivit  Le Contrat social,  son œuvre maîtresse qui, selon les historiens, a inspiré la Déclaration des Droits de l'Homme d'août 1789 et toute la philosophie de la Révolution.

Le 28 juin 2012, nous commémorerons le 300ème anniversaire de sa naissance et de nombreuses communes de la vallée de Montmorency ont prévu de rendre hommage au philosophe. De son côté, la municipalité de Deuil-la-Barre a programmé, tout au long de l'année, sept manifestations différentes (expositions, concerts, pièce de théâtre, débats, etc...) avec, pour point d'orgue, le 19 octobre prochain, une conférence intitulée : « Rousseau et le Contrat social ».

Cet engouement pour Jean-Jacques Rousseau et sa philosophie pourrait laisser accroire que la commune de Deuil-la-Barre est particulièrement respectueuse des droits fondamentaux, du respect de la dignité des personnes et de la devise des sans-culottes, officialisée par la IIème République,  Liberté, Egalité, Fraternité , gravée dans la pierre du fronton des bâtiments publics. D'autant que, le 9 décembre 2011, veille de l'anniversaire de la signature de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, cette municipalité inaugurait, dans sa mairie, une salle René Cassin, rédacteur de la DUDH, grand défenseur des opprimés et des précaires, prix Nobel de la Paix 1968, et elle demandait, à cette occasion, à la Ligue des Droits de l'Homme d'animer une conférence.


Eh bien, force est de constater qu'il en est rien : les Deuillois pratiquent, ou laissent leurs édiles pratiquer, le double langage et sont ainsi atteints de schizophrénie. Vivent les droits de l'homme de papier, de publicité, de démagogie..., mais pas les vrais, ceux dont ont besoin les minorités pour vivre dans la dignité.

Depuis deux ans, il existe à Deuil-la-Barre un petit campement de Roms. Ils ne sont pas nombreux, une cinquantaine tout au plus, cachés, car en dehors des zones d'habitations. Là où ils sont, ils ne gênent vraiment personne.

Une poignée d'irréductibles citoyens, respectueux, ceux-là, des valeurs rousseauistes ou plus simplement de la solidarité due à son prochain, leur vient en aide pour adoucir leur quotidien. Les enfants, scolarisés, sont parfaitement à leur place dans les écoles. Un projet d'insertion, plus ambitieux, est à l'étude.

Las, des « bien-pensants » défenseur de l'ordre public (le leur), préoccupés par le respect de leur « supériorité », méfiants à l'égard de toutes les différences, ont travaillé, dans l'ombre, à l'expulsion de ce petit groupe. Certains freins, actionnés par des hommes de bonne volonté, ont empêché une première expulsion. Qu'à cela ne tienne, les mêmes ont fait pression sur la propriétaire du terrain, un verger en friche, pour qu'elle demande cette expulsion à la justice. Ces « romaphobes » l'ont évidemment obtenu puisque le droit de propriété est prioritaire dans notre société.

Et comme de nouveaux freins à l'exécution de cette expulsion se mettaient en place, indirectement, sans même faire appel à la force publique, par la peur, ils ont fait, par huissiers ou gendarmes interposés, pression sur les malheureux Roms, pacifiques et non-violents, dont certains ont préféré partir de leur propre chef.

Partir, pour aller où ? Mais, bien sûr, à 100 m de là, dans une autre partie de la friche, ou dans la commune d'à côté, avant d'avoir à recommencer leur tragique errance, dès la prochaine expulsion. Dans quelques jours, ce campement pourrait bien se retrouver vide et les schizophrènes, satisfaits, (admirateurs de Rousseau, mais jusqu'à un certain point !) pourront, croient-ils, dormir tranquille !

Mais jusqu'à quand allons nous accepter pareille hypocrisie !

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

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