Deuil-la-Barre est une
commune tranquille de la banlieue nord de Paris, au pied de la
colline de Montmorency. Deuil-la-Barre serait restée anonyme, si un
Montmorencéen prestigieux, Jean-Jacques Rouseau, n'avait souvent
arpenté, dans les années 1755-1760, le territoire de cette commune
pour rendre visite à son amie, Mme d'Épinay, qui y possédait une
demeure, malheureusement détruite, le château de la Chevrette.
C'est, durant
ces années, avant qu'il ne soit politiquement contraint de repartir
vers la Suisse, que « le citoyen de Genève » écrivit
Le Contrat
social,
son œuvre maîtresse qui, selon les historiens, a inspiré la
Déclaration
des Droits de l'Homme d'août 1789
et toute la philosophie de la Révolution.
Le
28 juin 2012, nous commémorerons le 300ème
anniversaire de sa naissance et de nombreuses communes de la vallée
de Montmorency ont prévu de rendre hommage au philosophe. De son
côté, la municipalité de Deuil-la-Barre a programmé, tout au long
de l'année, sept manifestations différentes (expositions, concerts,
pièce de théâtre, débats, etc...) avec, pour point d'orgue, le 19
octobre prochain, une conférence intitulée : « Rousseau et le
Contrat social ».
Cet
engouement pour Jean-Jacques Rousseau et sa philosophie pourrait
laisser accroire que la commune de Deuil-la-Barre est
particulièrement respectueuse des droits fondamentaux, du respect de
la dignité des personnes et de la devise des sans-culottes,
officialisée par la IIème
République,
Liberté,
Egalité, Fraternité ,
gravée dans la pierre du fronton des bâtiments publics.
D'autant que, le 9 décembre 2011, veille de l'anniversaire de la
signature de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de
1948, cette municipalité inaugurait, dans sa mairie, une salle René
Cassin, rédacteur de la DUDH, grand défenseur des opprimés et des
précaires, prix Nobel de la Paix 1968, et elle demandait, à cette
occasion, à la Ligue des Droits de l'Homme d'animer une conférence.
Eh bien, force est de constater qu'il en est rien : les Deuillois pratiquent, ou laissent leurs édiles pratiquer, le double langage et sont ainsi atteints de schizophrénie. Vivent les droits de l'homme de papier, de publicité, de démagogie..., mais pas les vrais, ceux dont ont besoin les minorités pour vivre dans la dignité.
Depuis
deux ans, il existe à Deuil-la-Barre un petit campement de Roms. Ils
ne sont pas nombreux, une cinquantaine tout au plus, cachés, car en
dehors des zones d'habitations. Là où ils sont, ils ne gênent
vraiment personne.
Une
poignée d'irréductibles citoyens, respectueux, ceux-là, des
valeurs rousseauistes ou plus simplement de la solidarité due à son
prochain, leur vient en aide pour adoucir leur quotidien. Les
enfants, scolarisés, sont parfaitement à leur place dans les
écoles. Un projet d'insertion, plus ambitieux, est à l'étude.
Las,
des « bien-pensants » défenseur de l'ordre public (le
leur), préoccupés par le respect de leur « supériorité »,
méfiants à l'égard de toutes les différences, ont travaillé,
dans l'ombre, à l'expulsion de ce petit groupe. Certains freins,
actionnés par des hommes de bonne volonté, ont empêché une
première expulsion. Qu'à cela ne tienne, les mêmes ont fait
pression sur la propriétaire du terrain, un verger en friche, pour
qu'elle demande cette expulsion à la justice. Ces « romaphobes »
l'ont évidemment obtenu puisque le droit de propriété est
prioritaire dans notre société.
Et
comme de nouveaux freins à l'exécution de cette expulsion se
mettaient en place, indirectement, sans même faire appel à la force
publique, par la peur, ils ont fait, par huissiers ou gendarmes
interposés, pression sur les malheureux Roms, pacifiques et
non-violents, dont certains ont préféré partir de leur propre
chef.
Partir,
pour aller où ? Mais, bien sûr, à 100 m de là, dans une autre partie de la friche, ou dans la commune d'à côté, avant
d'avoir à recommencer leur tragique errance, dès la prochaine
expulsion. Dans quelques jours, ce campement pourrait bien se
retrouver vide et les schizophrènes, satisfaits, (admirateurs de
Rousseau, mais jusqu'à un certain point !) pourront, croient-ils,
dormir tranquille !
Mais
jusqu'à quand allons nous accepter pareille hypocrisie !
Jean-Claude
Vitran et Jean-Pierre Dacheux
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