Avez vous entendu commenter ce fait :
samedi 20 octobre 2012 près d'un Islandais sur deux est allé voter. Pratiquement aucun commentaire... Même
"à gauche".
Il faut dire que, ce jour-là, les
Islandais, décidément mauvais garnements du libéralisme, ont pu
nous donner de mauvaises idées et des leçons de démocratie.
À une large majorité des
votants, les Islandais ont voté, en effet, en faveur du projet d'une nouvelle
constitution, rédigé par un groupe de 25 simples citoyens élus, aidés par
un large débat sur internet auquel pouvaient participer tous les Islandais. Une révolution capitale car, si la
nouvelle constitution est définitivement adoptée par le Parlement,
elle marquera la prise en main de leur destin par les citoyens.
Pour comprendre, revenons sur
l'histoire récente de l'Islande :
A partir d'octobre 2008, l'Islande
entre dans des turbulences économiques et financières très
importantes entrainant un effondrement du système bancaire et la
nationalisation des trois principales banques du pays. Pourtant un an avant, en octobre 2007,
le Figaro décrit en ces termes « le miracle islandais »
: « le chômage est inexistant, la dette minime et les dix
dernières années l'économie s'est accrue de 4,5 % par an en
moyenne. » Dans
le même temps, le FMI, très optimiste, écrit : « les
perspectives à moyen terme de l'Islande restent enviables, les
marchés ouverts et très souples et les institutions très saines... »
Grisées, les banques islandaises pratiquent des stratégies
risquées qui les conduisent à l'effondrement ; la couronne
islandaise perd près de 50 % entre janvier et octobre 2008 et la
hausse des prix est de plus de 14 %. En
août 2009, le Parlement islandais accepte de rembourser, au
Royaume-Uni et aux Pays-Bas, plus de 5 milliards de dollars. (Chaque Islandais devrait alors verser l'équivalent
de 100 euros par mois pour rembourser la dette des banques). Sous
la pression populaire, le Président islandais décide de soumettre l'adoption
de l'accord financier à un référendum et le 6 mars 2010,
le « non » est largement majoritaire.
L'année suivante, le Parlement
islandais approuve un nouvel accord permettant d'étaler les
remboursements entre 2016 et 2046, à un taux d'intérêt de 3 %,
ce nouvel accord soumis au vote populaire en avril 2011
est, encore une fois, rejeté.
Dans le même temps et principalement à partir de janvier 2009, beaucoup d'Islandais sont dans la rue à taper sur des casseroles pour exiger le départ du gouvernement et la rédaction d'une nouvelle constitution.
Dans le même temps et principalement à partir de janvier 2009, beaucoup d'Islandais sont dans la rue à taper sur des casseroles pour exiger le départ du gouvernement et la rédaction d'une nouvelle constitution.
Birgitta Jonsdottir, députée, résume ainsi la situation : il
s'agissait de demander « une vraie séparation des pouvoirs,
d'empêcher les élus d'agir dans leur propre intérêt et de
protéger les ressources naturelles ». Les « révolutionnaires »
qui se mobilisent après la
faillite financière de leur pays ont gain de cause : le gouvernement
démissionne et un nouveau projet de constitution est mis sur les
rails selon un processus participatif.
N'est ce pas la première fois qu'un peuple s'approprie ainsi la rédaction de sa propre
constitution ?
Début novembre
2010, 1 000 personnes sont tirées au sort, elles réfléchissent
pendant une journée en listant les grandes valeurs de l'Islande, et
le 27 novembre 2010 un groupe de 25 Islandais « ordinaires »
(525 personnes se sont présentées) est élu par les Islandais.
Dès le départ, le
travail des 25 a été rendu public sur internet. La transparence est
totale et 4 000 contributions et commentaires sont consignés. Le
texte est remis 29 juillet 2011 au Parlement. 114 articles, en 9
chapitres, qui modifient sensiblement l'équilibre des pouvoirs,
instaurent des mécanismes démocratiques nouveaux comme le
référendum d'initiative populaire et intègrent des garanties
importantes quant aux libertés.
Au départ, tous
les partis étaient favorables à la réforme. Mais la droite a
rapidement compris que le processus risquait de la conduire à une
catastrophe car derrière les grands principes se cachent de lourds
enjeux politiques. Pour les partis de droite, cette nouvelle
constitution est considérée comme une bombe qu'il s'agit de
désamorcer au plus vite. Ils contestent la légitimité du processus
et font tout pour l'enterrer. La révolution constitutionnelle
islandaise, magnifique aventure démocratique, risque de sombrer dans
les oubliettes de l'histoire.
Birgitta
Jonsdottir, optimiste, constate : «
en Islande, nous avons un avantage : la bureaucratie est très légère
et nous avons la possibilité de changer rapidement les lois.
L'Islande peut être le laboratoire de la démocratie ... »
Nul ne sera surpris que les droites soient hostiles à ce processus et qu'elles prennent tous les prétextes pour enterrer le projet si elles redeviennent majoritaires au Parlement en avril 2013.
Il est tout de même consternant que
des mouvements politiques qui se disent attachés aux principes
démocratiques soient contre le principe de cette démocratie directe
inédite qui a fait des propositions dont tout le monde politique,
toutes couleurs confondues, dit qu'elles sont intéressantes et
réalisables.
Est ce que cela ne serait pas la preuve
:
- Que les droites ne sont pas aussi
démocrates et républicaines qu'elles veulent le faire croire ?
- Qu'elles sont
plutôt pour le principe d'une démocratie oligarchique, c'est-à-dire au service d'une minorité assurant sa domination par le pouvoir et
l'argent.
- Qu'elles
pratiquent un jeu politique basé sur l'hypocrisie, la manipulation
et le mensonge.
Les partis politiques, de
toutes couleurs, savent confisquer aux citoyens leur pouvoir, et ce n'est
pas le droit de vote, tel qu'il se pratique, qui n'est qu'un marché de dupes, une illusion
de démocratie, un alibi utile aux leaders politiques qui peut changer
l'ordre des choses ou plutôt leur désordre !
« Il faut regagner le contrôle
de nos vies ! » comme le
dit encore la députée islandaise Birgitta Jonsdottir, en donnant du pouvoir à la
société civile.
Cela reviendrait, en France,
à abolir la constitution de 1958, creuset d'un système monarchique,
qui ne dit pas son nom, pour établir une vraie République
démocratique, fondée sur les grands principes de liberté, d'égalité
et de fraternité enfin pris en compte.
Il faut faire
fonctionner notre société dans le bon sens : qu'elle soit au
service de l'homme et pas l'homme au service de la société.
Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux
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