jeudi 29 décembre 2011

Démontons les idées reçues

Nous le savons depuis bien longtemps : écologie et système économico-politique capitaliste sont incompatibles. Une rupture idéologique et culturelle s'effectue qui nous fait entrer en une période subversive, car il s'agit bel et bien de prendre conscience du renversement des valeurs sur lesquelles reposait l'organisation sociale en occident.

"La pensée est, par définition subversive" disait Pierre Bourdieu. "Elle doit commencer par démonter les idées reçues et elle doit ensuite démontrer". En 2012, démonter les idées reçues va à l'encontre de la politique politicienne de droite comme de gauche. Tentons de signaler quelques unes de ces idées reçues à démonter, avant de démontrer que des solutions alternatives existent.

Michel Serres : « Nous sommes condamnés à être intelligents pour inventer un monde nouveau, seul moyen de sortir de la crise. »

La première idée reçue, c'est que plus rien ne peut changer après la fin de l'empire soviétique et "socialiste". Tout au contraire, comme l'a souligné Michel Serre, sur les ondes de France Inter, nous passons, lentement mais inexorablement, d'un ancien à un nouveau monde et aucune puissance militaire ou économique n'y peut plus rien.

La seconde idée reçue, c'est que la dette constitue, aujourd'hui, le premier des problèmes politiques. Le laxisme des peuples trop impécunieux en serait responsable ! Les dettes des États, dans le système comptable qui est le nôtre, ne sont qu'un aspect d'un fonctionnement économique et financier subi autant qu'accepté par les peuples ! Ne les a-t-on pas a convaincus que vivre mieux c'était toujours consommer plus. Les écailles nous tombent des yeux.

La troisième idée reçue c'est que nous vivons en démocratie. La démocratie négative (le refus de la monarchie ou de la dictature) n'est pas la démocratie positive (le gouvernement du peuple par lui-même, comme le veut notre Constitution). La démocratie, dans des pays où les citoyens n'étaient pas suffisamment informés et compétents, a été déléguée aux partis, et elle n'a jamais été autre chose qu'un compromis entre le pouvoir d'État et le pouvoir des entreprises. La démocratie est une utopie, c'est-à-dire un objectif qui est loin devant nous, mais à notre portée.

La quatrième idée reçue, c'est que la croissance détruit le chômage. C'est là l'une des plus funestes erreurs et elle est double. D'abord, parce que l'on peut produire toujours plus avec toujours moins d'emplois grâce à une productivité inégalée dans l'histoire humaine et du fait de l'essor des technologies. Ensuite, parce que le travail ne peut plus rester le seul fournisseur des revenus sauf à condamner de plus en plus d'humains à la misère : la décroissance de toutes les productions inutiles ou nocives (et elles sont d'innombrables) a de quoi occuper l'humanité !

La cinquième idée reçue est que nous sommes trop nombreux sur Terre. La démographie, au XXe siècle, a, certes, fait passer la population humaine, le temps d'une vie, de deux à sept milliards de vivants mais nous pourrions nourrir toute ces foules si nous satisfaisions deux besoins : laisser les hommes produire leur subsistance sans en faire une marchandise et organiser le partage. En outre, les démographes savent que la population mondiale va commencer de décroître dès ce siècle.

La sixième idée reçue est que, pour satisfaire nos besoins énergétiques et moins produire de CO2, il faut développer l'industrie nucléaire. C'est là une affirmation plus particulièrement vivace en France ! Mais qui ne voit que c'est toute l'industrie humaine qui est remise en question ! Sans entrer dans les innombrables raisons de renoncer au nucléaire (dangers évidents, déchets indestructibles, centralisation excessive...), il est une justification suffisante à l'abandon du nucléaire : nous savons faire autre chose, qu'il faut mettre en œuvre avant que ce que nous tirons du sol soit épuisé ou trop cher à extraire (charbon, pétrole et...uranium). En un mot, faire ou ne pas faire le pari énergétique du tout renouvelable (éolien, solaire, biomasse, hydrolien, géothermique...), telle est la question et la décision qui importent.

La septième idée reçue est que notre sécurité est fonction de nos capacités de surveillance et de répression. C'est gravement confondre la fin et les moyens. Cela accompagne la volonté de ne rien changer ! Le pessimisme de nos régimes qui voient en chaque être humain un danger potentiel secrète plus de violence qu'il n'en supprime. La sécurité n'est pas du seul ressort de l'État dont il est temps de se demander si son droit à la violence légitime, comme disait Max Weber, n'engendre pas plus de maux qu'il n'en guérit.

La huitième idée reçue (et nous nous en tiendrons là, pour le moment) est qu'on ne peut s'opposer au progrès. Qu'appelle-t-on progrès ? La découverte et l'exploitation de techniques qui modifient la vie des hommes. Il en est de salutaires ; il en est de funestes ! À ne pas vouloir en faire le tri, on accumule les catastrophes ! Ne pas juger du contenu des possibilités nouvelles que la recherche nous offre présente non seulement le défaut bien connu des anciens ("science sans conscience n'est que ruine de l'âme"), mais, plus encore sans doute, cela interdit de mettre les moyens humains et financiers au service d'autres avancées humaines qui ne contiennent pas de profit connu actuellement. C'est rétrograde ! Le progrès technologique qui ne s'accompagne pas d'un progrès humain n'est pas un progrès.

Ne pas se préoccuper de l'entrée dans cet autre monde qui se fait et se fera avec nous ou sans nous est irresponsable et dangereux. L'engagement n'est plus dans le choix d'une appartenance à une organisation politique ; l'engagement est dans un éveil de la pensée supposant de multi-appartenances non définitives. Les indignés ne se révoltent pas contre des pouvoirs locaux ; ils affirment leur propre pouvoir. Et ce n'est qu'un début. Si les acteurs de la vie publique n'en tiennent pas compte, non seulement ils seront balayés (ce qui n'est pas grave !) mais ils seront, et nous avec eux, incapables d'agir (ce dont nous souffrirons tous).



Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

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