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samedi 17 décembre 2011

La croissance à n'importe quel prix !


Dans l'histoire, les progrès technologiques ont souvent été combattus par l'opinion au prétexte qu'elles pouvaient être dangereuses pour les hommes, mais la nouvelle révolution industrielle naissante et induite par les nanotechnologies, pose, incontestablement, des problèmes sociétaux et éthiques fondamentaux que le dogme de la croissance entend ignorer.

Ces nouvelles technologies qui concernent tous les secteurs d’activité pourraient générer des marchés considérables et de nombreux pays ont investi massivement dans la recherche et se livrent une intense concurrence.

Pourtant les incertitudes sont à la hauteur des espoirs. Certaines applications, s’appuyant sur l’utilisation de nanomatériaux, engendrent des risques de toxicité majeurs pour la santé et l’environnement et soulèvent des questions éthiques, qui devraient être prises en compte avant tout développement et diffusion.

Fascinant et épouvantable

Malgré ces risques qui pourraient avoir des conséquences considérables (1), jusqu'à remettre en cause l'intégrité des humains, le Centre d'Analyse Stratégique (CAS), service de Matignon au ordre du premier ministre, affirme, dans un rapport qu'il vient de rendre public (2) : « Il est indispensable pour la France de continuer à développer les nanotechnologies, quelles que soient les craintes qu'on peut avoir »

Dans ce rapport, le CAS, ancien Commissariat général du plan, recommande de prévenir les risques sanitaires et environnementaux liés aux nanomatériaux, ajoutant : « on ignore encore largement quels peuvent être les effets sur la santé ou l'environnement de leur diffusion à grande échelle. Les nanoparticules peuvent traverser la peau et même entrer dans différents organes, notamment le cerveau », évoquant aussi des questions éthiques.

Pourtant il conclut : « Quelles que soient les craintes qu'on peut avoir, il est indispensable, pour un grand pays comme la France de continuer à les développer »... car ... « La manipulation de la matière à l'échelle du milliardième de mètre (nanomètre), celle des molécules et des atomes, a des applications potentielles illimitées ».

Déjà, à ce jour, plus de 1 300 produits commerciaux (crèmes solaires, raquettes de tennis, ciment auto-nettoyant) incorporent déjà des nanotechnologies et le marché mondial pourrait atteindre « de l'ordre de 3 100 milliards de dollars » d'ici 2 015, note le CAS.

Il est intéressant de savoir, avant une échéance électorale importante pour l'avenir de notre pays, la valeur que les décideurs placés à la tête de l'Etat et qui recherchent de nouveau leurs suffrages, accordent à leurs concitoyens.

Dans tous les cas, moins que la croissance, le profit et le triple AAA.

Après l'amiante, dont on savait, depuis 70 ans, qu'elle était dangereuse pour la santé ; après le développement d'une énergie nucléaire dont on veut, là aussi, pour des raisons liées à la croissance, ignorer le danger létal et le fait que nous laisserons en héritage à nos descendants, pendant des siècles, des déchets mortels, ne sachant qu'en faire ; après les OGM, dont on ne connait pas non plus, les conséquences humaines et animales à moyen et long terme ; nos dirigeant s'engouffrent dans une nouvelle ruée vers l'or aux implications, bien plus graves que l'amiante, le nucléaire et les OGM réunis.

Car, au-delà des problèmes immédiats aux conséquences dramatiques concernant l'intégrité des personnes, les nanotechnologies posent des questions d'éthiques fondamentales par les possibilités de modifications et de manipulations du vivant qu'elles offrent pouvant ainsi déboucher sur des « transformations » de la race humaine.

Les partis politiques, de toutes couleurs et beaucoup de chercheurs, aveuglés par le spectre du marché, ne sont plus en capacité de raisonner rationnellement sur les menaces que font planer ces nouvelles technologies.

Alors, il est encore temps d'assumer nos responsabilités de citoyens et de réveiller nos consciences, car il est vital pour nos descendants que la société civile, et chacun d'entre nous, exige une réflexion globale sur le sens à donner au futur et appelle à l'abandon du modèle économique diabolique actuel qui conduit l'humanité à sa propre perte.

(1) Les chercheurs sont certains que certaines nanoparticules artificielles, les nanotubes de carbone par exemple, peuvent passer la barrière de l'encéphale et migrer directement dans le cerveau.
(2) Centre d'Analyse Stratégique : http://www.strategie.gouv.fr/

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux



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