lundi 26 décembre 2011

Vers une nouvelle Perestroïka ?

Après "les printemps arabes" (dont, décidément, nous nous refusons à comprendre le sens profond), les manifestations des "Indignés" (dont nous ne voyons pas suffisamment la contestation qu'elles révèlent), allons-nous, dans un pays au régime politique brutal et expérimenté en matière de manipulation de l'opinion, la Russie de Poutine, assister à un renouveau politique supplémentaire, une autre pérestroïka : la prise de pouvoir du peuple, conscient que lui seul est le souverain ?


Simone Weil (1909-1943)

Il n'y a pas de crise de la démocratie parce que, depuis de très nombreuses décennies, nous vivons dans des simulacres de démocratie. « Nous n'avons jamais rien connu qui ressemble, même de loin, à la démocratie » (1), estimait même Simone Weil ! Elle est toujours « inachevée » (2) écrit Pierre Rosanvallon, ou « ajournée » (3) , selon Jacques Derrida. Longtemps avant eux, Jean-Jacques Rousseau affirmait « qu'il n'y avait point de véritable démocratie » (4) .

Est-ce à dire que la démocratie soit impossible ou totalement inexistante ? Pas plus que n'importe quelle utopie fondatrice ! Ce qui n'est pas réalisé nous est indispensable. Aussi, de loin en loin, le peuple souverain se lève et dit : « cette démocratie dont tout le monde parle, c'est le pouvoir que nous avons de constituer une société où nous puissions avoir la maîtrise de nos vies. Que ceux qui, en dépit de nos longues patiences nous en empêchent, dégagent » ! Ainsi finissent les dictateurs et autres autocrates, fut-ce après des lustres de domination sans partage.



Que Gorbatchev, à plus de 80 ans, se redresse et rappelle que la pérennité des chefs d'État ( « trois mandats, ça suffit ») n'est pas compatible avec la recherche difficile et nécessaire de la démocratie, nous concerne particulièrement ! S'il faut, pour que les successeurs des maîtres de l'Empire soviétique ne retombent pas dans les ornières de l'histoire, que le vieil homme, ex secrétaire général du Parti communiste de l'Union soviétique redise que la perestroïka n'est pas achevée et qu'elle est la démocratie elle-même, eh bien, entendons-le.

Vaclav Havel, « le sans-parti engagé » ne disait rien d'autre. Vient un jour où il n'est plus possible de vivre dans le mensonge. Puissent tous les chefs d'État se le rappeler, eux et tous leurs soutiens. Puissions-nous, même, concevoir une pratique politique tendant à la démocratie véritable dont Rousseau doutait de l'avènement.

Mikhaïl Pavlovitch Tomski (1880-1936), qui se suicida plutôt que de mourir dans les geôles de Staline, lançait, quand il croyait encore à la dictature du prolétariat : « un parti au pouvoir et tous les autres en prison ». Peu ou prou, y répond Simone Weil, « sur le continent d'Europe, le totalitarisme est le péché originel des partis ». Il faut, à présent, y échapper.

La politique se dégage, en effet, progressivement, de la domination dictatoriale ou plus subtile des partis. Gorbatchev qui fut le chef du plus puissant parti au monde a évité un conflit mondial, en refusant, peu après Tchernobyl, de lancer l'armée rouge dans la remise en ordre des pays qui échappait au mensonge d'État, en Pologne notamment. L'histoire lui rendra justice.

Comme l'exprime clairement Simone Weil, qu'il faut décidément lire et relire, ce n'est pas la majorité qui fait la vérité, mais c'est pourtant la vérité, qui ne se possède pas, qu'il faut chercher ! Il en est de même de la démocratie. Dès qu'elle est installée elle cesse d'être ; dès qu'on la cherche, elle se manifeste.

C'est le cas, actuellement de Moscou à Madrid, de Tel Aviv à New York. Soyons à l'écoute de ceux qui pensent leur action et agissent leur pensée. Prolongeons l'intuition du philosophe Alain, qui, avec son élève Simone Weil, (toujours elle !) écrivait en 1950 : « tout citoyen doit faire la politique, c'est-à-dire être radical, ce qui d'ailleurs commence à paraître dans les faits ».

Oui, dans les faits.


(1) Simone Weil, Note sur la suppression générale des partis politiques, réédition, Paris, Climats, 2006, p.33.
(2) Pierre Rosanvallon, La Démocratie inachevée - Histoire de la souveraineté du peuple en France, Paris, Gallimard - Bibliothèque des histoires 2000 / 4.31 € - 28.24 ffr. / 440 pages.
(3) Jacques Derrida, L'Autre cap, La Démocratie ajournée, Paris, éditions de Minuit, 1991.
(4) Jean-Jacques Rousseau, Le Contrat social, éditions 10/18, Paris, 1963, chapitre III, Des élections, p. 156.



Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

N'hésitez pas à poster un commentaire.