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dimanche 27 novembre 2011

La schizophrénie du risque zéro.

On ne peut vivre sans risque ! L'idéologie sécuritaire conduit non à supprimer mais à multiplier les risques ! Le principe de précaution ne conduit pas, s'il est compris convenablement, à la suppression des risques mais à leur limitation. Les risques que font courir à l'humanité l'industrie nucléaire, les manipulations génétiques végétales et animales, les nanotechnologies sont tels qu'ils devraient être bannis de nos industries et plus encore de nos armements, pourtant il n'en est rien ! Pendant ce temps, à chaque crime crapuleux ou odieux, on prétend prévenir leur répétition en multipliant les lois répressives. Tout cela est contradictoire, insensé et dangereux pour la civilisation.

L’apprentissage du métier d’Homme, l’éducation, vivre tout simplement obligent à des prises de risque permanentes. Comme le dit Martin Heidegger : « Nous sommes en sursis dès notre naissance », en effet, toute action humaine a sa part de risques.

Dans notre société du 21ème siècle, la philosophie du risque zéro, qui veut que l’on considère le scénario le plus alarmiste comme le plus probable, se renforce. L’angoisse existentielle de notre fin programmée exalte le besoin de sécurité et nous fait rechercher la prise de risque minimale. Nous ne voulons pas que nous même ou nos proches courent des risques ; de notre conception jusqu’à notre dernier souffle, nous demandons à d'autres, à la collectivité, à l’Etat de garantir notre intégrité, voire de nous garantir l’immortalité.

Alimenté par une presse qui verse dans le sensationnel, le public succombe à la dictature du risque zéro et glisse vers une déresponsabilisation générale face aux exigences de la démocratie.

Les hommes politiques se transforment en gestionnaires des risques et en réactifs compassionnels.

Lors de ses vœux aux Français, alors qu’il était président, Jacques Chirac évoqua un « monde incertain et dangereux ».

Dans la conjoncture présente, à l'âge de la fin des idéologies et des partages droite-gauche - depuis 1997, à gauche comme à droite, la sécurité est devenue la « première des libertés » - la notion de risque constitue une ressource politiquement très payante, et le bon politique est le bon gestionnaire des risques.

Le nombre de lois de circonstance promulgué depuis 2005 en est la démonstration la plus éclatante.

Les pouvoirs publics, qui ont ainsi moins à craindre d'affronter les mouvements sociaux, transforment la demande sécuritaire en outil politique, et garantissent le sentiment du besoin de sécurité en développant des systèmes de coercition et de surveillance de plus en plus sophistiqués et généralisés.

Dans le contexte de la société consumériste, les partis politiques, émules du docteur Jekyll et de Mister Hyde, exploitent l'ignorance, la naïveté des citoyens et instrumentalise le risque zéro en répétant à l'envi : « Consommez, consommez bonnes gens, tout est sous contrôle ».

Evidement, le risque zéro n’a jamais existé dans la réalité, et, trop de sécurité tue la sécurité, mais il est l'alibi d'un pouvoir qui soupèse le potentiel de dangerosité des citoyens, et on le retrouve en permanence dans ses discours sécuritaires.

Ces manipulations sont d'autant plus perverses qu'elles cachent les risques les plus dangereux. Aveuglés et trompés par les déclarations fallacieuses du pouvoir, les citoyens réclament une sécurité immédiate et de proximité sans prendre en compte les développements technologiques qui obèrent jusqu'aux possibilités de survie de l'espèce.

Des accidents industriels gravissimes aux impacts internationaux, qui mettent en grand danger une multitude de personnes - centrales nucléaires, usines chimiques - laissent une grande partie du public indifférent. La dernière actualité au Japon illustre dramatiquement le propos.

Des nouvelles technologies - OGM, Nanotechnologie, manipulation du vivant - se développent dans la plus grande opacité et en dehors de tous débats démocratiques alors même que des institutions internationales sonnent l'alarme.

Parlant des nanotechnologies, le directeur général du Centre d'analyse stratégique (CAS), Vincent Chriqui dit avec un froid cynisme, : « on ignore encore largement quels peuvent être les effets (des nanotechnologies) sur la santé ou l'environnement de leur diffusion à grande échelle. Les nanoparticules peuvent traverser la peau et même entrer dans différents organes, notamment le cerveau » pour terminer en martelant « Quelles que soient les craintes qu'on peut avoir, il est indispensable, pour un grand pays comme la France de continuer à les développer » et il ajoute « Le marché mondial pourrait atteindre de l'ordre de 3.100 milliards de dollars d'ici 2015 »

Ces propos résument la schizophrénie du concept du risque zéro à deux vitesses et dévoilent la volonté à peine voilée des politiques.

Obérer éventuellement la pérennité de l'espèce humaine n'a pas d'importance : pas de respect du risque zéro, pas même de celui du principe de précaution, pourtant inscrit dans le préambule de la Constitution, si l'on doit sacrifier les dogmes sacrés du profit et de la croissance.

Nos exigences de minimisation des risques, notre manque de lucidité, notre grande naïveté, les abus de pouvoir dont sont responsables les hommes politiques de tous bords et la confiscation de la démocratie laisse, devant nos yeux aveugles, le champ libre à un bouleversement en profondeur de la société qui débouchera sur la suppression des libertés, des droits fondamentaux et sur un nouvel esclavage.

Ce n'est pas de cette société que nous désirons pour nos descendants, aussi il est urgent de réagir avant que le système politico-financier actuel n'entraîne l'humanité à la catastrophe.

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

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