lundi 13 décembre 2010

Pour en finir avec la gauche... !

Notre blog du 5 décembre dernier fait place à la pensée de Simone Weil à propos des dangers, pour l'expression démocratique, que contiennent et diffusent les partis politiques. La publication de ce texte, retardée, nous incite à inviter nos lecteurs à s'y reporter, d'autant qu'il n'est pas sans rapport avec ce qui est dit ici, aujourd'hui.


On n'arrivera pas à bétonner les fleurs.

L
a gauche n'est plus. Elle s'est tuée.

Quand le parti communiste dominait, à gauche, le totalitarisme idéologique et l'aveuglement prosoviétique ont blessé la gauche de façon inguérissable. Quand, en 1989, deux siècles après la révolution française, le temple du léninisme s'est effondré, toutes les chapelles qui en dépendaient se sont trouvées sans dieu. Les partis communistes ont disparu de la scène politique et n'en sont restés que des squelettes, de plus en plus fragiles, ou des caricatures (comme en Corée du Nord et en Chine). Le parti n'est plus que l'instrument du pouvoir et, quand le pouvoir s'effondre, le parti ne survit pas. Nous le verrons, un jour, en Chine, et nous y voyons déjà que, de communisme, il n'est plus question. Le parti marxiste-léniniste n'est qu'un souvenir historique associé à des horreurs sans nom, dont nous ne finissons pas de découvrir l'ampleur qu'elles avaient prises dans l'empire soviétique et ses satellites ! Cependant, des générations entières ont cru que l'espoir d'égalité et de fraternité, et même de liberté, était à l'est. Ce fut une tragédie dont des "armées de militants" ne se sont pas relevées. Les soubresauts actuels de membres d'un parti qui, quatre-vingt dix ans après sa naissance en France, n'a plus de raison d'être, ne sont que vaines agitations. Le communisme est à repenser et il ne passera plus par un parti.

François Mitterrand, à la tête du parti socialiste avait préparé, en France, la fin du parti communiste et capté le reste de son influence, au fur et à mesure qu'elle décroissait, après les événements du Budapest, de Prague et de Poznam. La croyance que le socialisme avait vocation à se substituer au communisme pour contester le capitalisme a fait le reste... Dans les années 1970 et 1980, il était encore fort mal vu de contester le contenu marxiste des orientations du PS. La mort programmée du PCF stalinien a précédé de quelques années la mort du PS révolutionnaire. À partir de 1983, le réalisme économique a conduit le PS, en France, dans la voie du libéralisme, bien avant la Chine. Tout n'a plus été, alors, qu'un habillage de mots d'autant plus progressistes qu'ils cachaient la résignation devant l'impossibilité de modifier quoi que ce soit dans l'ordre occidental, dominé par les USA, et cadré au sein d'une Europe sans autre politique que celle de la soumission au capitalisme international. Ce fut le temps de la fin de l'histoire. Tout était dit : après 1989, la défaite définitive du socialisme international n'offrait que deux pistes à gauche (la disparition ou l'adaptation aux exigences du mondialisme).

Exit donc les partis communistes et socialistes quand ils étaient effectivement socialistes et communistes. N'en demeurent que de fortes structures politiciennes, encore capables de gagner des élections mais pas de prendre un pouvoir réel sur la réalité économique, autrement que pour la servir et y être asservi...

L'apparition, à partir des années 1970, du partenaire écologiste a pu faire, un temps, illusion. L'incompatibilité entre le productivisme, la croissance et la centralisation capitalistes face à une prise de conscience fulgurante des limites, des dégâts et de la domination dans lesquels s'enfermait le libéralisme, a pu donner à penser que la gauche trouverait là son nouveau ferment, sa possibilité de réanimation, son espoir d'un partage fondé sur de nouveaux principes. La nécessité d'entrer dans des compromis pour accéder aux responsabilités politiques a vite enfoui ces disponibilités écologiques dans le même dispositif : ou bien on reste marginal ou bien on accepte de rentrer, peu ou prou, dans les logiques marchandes.


Prenons notre monde en main

Si la gauche n'est plus ou ne peut plus être partageuse, liée au service public, attachée à la population qui ne dispose pas de capitaux, mobilisatrice des coopératives, des mutuelles, des syndicats, bref de tout ce qui réduit l'influence des individus richissimes sur la collectivité, si la gauche n'est pas ouverte au monde entier, à la préservation des ressources, à une universalité sans unification, à un renoncement aux politiques de force qui multiplie les guerres, etc..., ne parlons plus de gauche, c'est alors un concept qui a perdu son sens et il est urgent de travailler à en inventer un autre.

Le jour où il est apparu à la quasi totalité des citoyens que la politique n'avait d'expression que par l'intermédiaire des partis, la gauche a cessé d'être parce que, tout simplement, gauche ayant jadis signifié partage du pouvoir entre tous et cet objectif étant abandonné, ce qui demeure n'est plus qu'une image fanée, une photo ancienne d'une réalité qui n'existe plus.


En un mot comme en cent, si le mot gauche est devenu obsolète, ce n'est pas parce que la droite l'a emporté définitivement, c'est parce qu'il n'est plus de politique que de droite, une droite qui n'est même plus conservatrice ou qui, du moins, ne se veut conservatrice que du pouvoir, quitte à sacrifier tous les autres conservatismes !

Le combat culturel et politique inextricablement mêlé n'a besoin, au XXIe siècle, ni de l'idée de gauche ni du concept de parti pour se déployer. Plus même : le faux dualisme droite/gauche et l'outil parti captent les énergies et les détournent; ils font obstacle à l'action.

Qu'on ne voit pas là l'avancée d'une idéologie "gauchiste". Le gauchisme non seulement souffre du même mal et meurt de la même mort, mais il conserve les mêmes défauts, souvent aggravés, qui ont conduit à l'échec de "la gauche" sous toutes ses formes : le dirigisme, le sectarisme, l'idéologisme, l'esprit de parti, le vedettariat, le culte de l'avant garde, l'enfermement dans des certitudes toutes faites. Plus qu'ailleurs on y rencontre le "yakisme", cette conviction qu'il suffit d'être patient pour avoir tout seul raison, tôt ou tard...

Non, à gauche de la gauche, comme disait René Dumont, on n'est pas davantage à gauche, on est à l'extérieur, sorti de la gauche officielle, qui s'affiche, sûre d'elle mais sans autre existence qu'une apparence mythique. Quand la gauche est un leurre elle n'a aucune substance et c'est ce que, dans ses profondeurs, le pays a compris. D'où l'apparente contradiction de ceux qui préfèrent "une" gauche à la droite actuelle, mais sans croire qu'aucune gauche ne pourra jamais les satisfaire. Les recettes médiatisées des partis ne garantissent pas que le repas social servi satisfera l'appétit et les besoins fondamentaux des habitants.


Il serait temps qu'elle y aille..., en effet !

Ce n'est pas le renoncement à la politique qui fait fuir les partis et, de plus en plus, les bureaux de vote (hormis l'élection présidentielle dont - hélas et horreur ! - nous voyons bien qu'elle est la seule décisive !), c'est le désenchantement, cette maladie pernicieuse qui pourrit nos vies en nous pénétrant de cette idée que nous ne pouvons rien à rien ("there is no alternative" -TINA- nous susurre François Fillon)!

Devrons nous aller, comme le recommandait Octave Mirbeau, en 1888, jusqu'à "la grève des électeurs" ? Rien n'est interdit dès lors qu'il ne s'agit ni d'abandon ni de mépris à l'égard de nos concitoyens. Éveiller et réveiller l'esprit des pré-révolutionnaires d'avant 1789, avant qu'on ne parle de gauche et de partis, ceux qui ont réussi à faire parler le peuple en ses profondeurs : c'est de cela qu'il est question en en appelant aux États-généraux et aux Cahiers de doléance du XXIe siècle. Puissions-nous être entendus.


http://www.homme-moderne.org/textes/classics/mirbeau/greve.html


http://www.rue89.com/files/20080707GaucheclandestineGA.jpg
Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

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