jeudi 21 octobre 2010

Rien ne se passe sans casse

Elle est bientôt finie cette nuit du Fouquet’s ?
dit le Peuple
...

Les frelons ne sucent pas le sang des aigles
mais pillent les ruches des abeilles
Shakespeare


"Puisque nous sommes dans la merde, foutons la merde" entend-on dire, par ces jeunes enragés qui n'en peuvent plus de survivre sans savoir ce qui les attend. Les "jeunes " (et les moins jeunes !) qui, dans les banlieues de nos villes, ne connaissent que l'inaction, le chômage et la méfiance, naviguent entre la révolte et les trafics, au risque de sombrer dans la délinquance.

La délinquance met tout un environnement en péril et pourtant, c'est là le résultat qu'obtiennent les pouvoirs publics quand ils n'offrent, à cette population en déshérence, que l'abandon, le mépris et la brutalité. Mais les casseurs ne font rien casser du tout ! Ils vivent une colère sans but. Ils contribuent à l'événement mais ne le créent pas.

Pour que ça casse, et il faudra que ça casse si l'on veut que le système obsolète et générateur de violences soit remplacé, on ne peut surtout pas compter sur les casseurs. Le régime a de quoi résister à toutes les hordes de casseurs. Ce qui peut le briser, c'est le poids d'une collectivité nombreuse, très décidée et que rien ne décourage.

La colère populaire grandit jour après jour. Mieux vaut qu'elle couve lentement. L'oiseau qui sort du nid s'est tenu longuement au chaud avant de s'envoler. Ensuite, rien ne permet de le rattraper. Mais colère n'égale pas violence. La colère, patiente, déterminée, va plus loin. Elle est, de fait, plus radicale. Elle ne s'en prend pas aux personnes mais aux causes.

Depuis le référendum de 2005, le peuple a un compte à régler d'abord avec tous ceux, partis et médias, qui ont semé de fausses évidences et taxé les électeurs d'incultes, parce qu'ils votaient mal, et ensuite, avec le Chef de l'État qui a imposé au pays les décisions qu'il avait repoussées. À présent, il ne s'agit plus des institutions européennes (encore que...), mais il s'agit de savoir si un gouvernement, quel qu'il soit, peut "faire le bonheur" du peuple contre lui. Cela finit, un jour, dans une impasse et nous vivons ce passage de la résignation à la détermination infrangible.

Le mouvement social actuel, et ses défilés, manifestent une volonté impressionnante. Tout se passe comme si les opposants aux contre-réformes (car il n'y en a pas qu'une !) avaient le temps. Ils sont entrés dans un champ de luttes dont ils ne sortiront pas sans résultat. Même momentanément et apparemment défaits, ils conserveraient un ressentiment dont les effets seront ravageurs, dans les mois et années à venir.

La "connectivité" dans la collectivité s'est emparée de la communication. Radios, télés et presse écrite ne sont plus déterminantes. L'information circule aussi par d'autres vecteurs. Les plus dynamiques des citoyens ont appris à se servir d'outils nouveaux qui les mobilisent vite.

Alors, oui, ça va casser. Pas comme en 1830, pas comme en 1870, ni même 1968, pas davantage sous le choc des casseurs, désespérés ou avides de jouir de ce dont ils sont privés ! Non, ça va casser comme une branche sous le poids de la neige ! Comme un arbre sous la charge de la glace, ça va casser ! La pesée de l'opinion, dès qu'elle est éclairée, dès que les Lumières l'éblouissent, est trop lourde pour que les structures d'un pouvoir, déjà vacillant, y résistent. Et nous irons bien au-delà du débat sur les retraites...

On a de tout avec de l’argent,
hormis des mœurs et des citoyens.
Jean-Jacques Rousseau


C'est le "théâtre du Soleil" qui est dans la rue, cite les maîtres de la pensée et fait admirer la justice sans majuscule, la vraie.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

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