Où est passé le socialisme de Jaurès ?
Comment sortir du bras de fer engagé entre le gouvernement Sarkozy et une partie des classes populaires qui ne veulent pas entendre parler de sa réforme des retraites et, au delà, de sa politique inégalitaire, injuste et xénophobe.
On se croirait revenu en 1968 quand le pouvoir était exécré par une majorité de la population sans que l’opposition d’alors ne soit prête à ramasser ce pouvoir qui, pendant quelques semaines, était en lambeaux. L’élection d’après révolution donna une majorité trop confortable au Général de Gaulle qui trébucha moins d’un an plus tard.
L’histoire ne se renouvelle pas dit-on.
C’est vrai, des années de socialisme sont passées par là, enfin, plutôt deux ans de socialisme, de 1981 à 1983, puis, ensuite, une lente dérive vers une société libérale-socialiste, à tendance économie de marché qui, dans ses actes, commença à privilégier le monde financier, ouvrant un boulevard à la droite décomplexée d’aujourd’hui.
Dans le conflit présent, les sondages ne sont pas défavorables à la gauche mais, où est le pouvoir de gauche, capable de créer l’alternative ?
Le parti socialiste, en retard d’une bataille, n'a toujours pas élaboré de projet avec une position claire sur les retraites, sur les questions de sécurité et d'immigration et il n’est plus porteur d'idéal.
Cette droite décomplexée a compris notre époque consommatrice et individualiste. Elle s'est associée au grand capital national et international, aux chefs d'entreprise, comme aux médias, pour promouvoir une société de défense des intérêts de court terme, réduisant le contrôle de l'État et les services publics, méprisant la culture et la pensée, prêchant pour une idéologie de la réussite individuelle, cherchant à soumettre l’opposition et contournant la démocratie, en un mot une droite populiste.
Nous sommes arrivés à la réalisation de la prophétie d’Alexis de Tocqueville qui, dans De la démocratie en Amérique, décrit une nouvelle forme de domination qui transformerait les citoyens qui se sont battus pour la liberté en "une foule innombrable d'hommes semblables (…) qui tournent sans repos pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, (…) où chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée des autres".
La clef du système, l’unique postulat de l’époque est de consommer.
Cette droite décomplexée, appelant à gagner toujours plus d'argent, défendant les petits propriétaires, décrétant désuètes les idées d'égalité et de solidarité, méfiante et violente envers les pauvres et les immigrés, semble plus proche des intérêts immédiats des « gens ».
Face à cette droite-là, la gauche semble n'avoir rien compris au véritable bouleversement de la société. Défendre les idées de justice, de solidarité, d'aide aux démunis et se préoccuper du long terme et de l'avenir de la planète apparaît, aujourd'hui, comme une attitude contraire à l'intérêt égoïste du court terme. Elle a laissé les ouvriers et les salariés sans défense et l'on n'y trouve plus rien des partis populaires. Elle s’est reniée en flirtant avec l’économie de marché et le capitalisme. Elle a gaspillé son patrimoine, pourtant très important.
L’occident moderne lui devait pourtant, au prix de luttes souvent dramatiques : les droits des travailleurs, la liberté d'association, les libertés publiques, les congés payés, l'assurance-maladie, les retraites, l'enseignement obligatoire, la laïcité républicaine, le suffrage universel, les droits des femmes, les services publics, l'égalité devant la loi, etc.
Unis, les petits ne se font plus dévorer par les gros.
Mais, depuis des années, elle ne sait plus où elle est et elle n'a rien proposé de neuf. Elle s'est contentée de pitoyables querelles de pouvoirs entre petits nobliaux et de répéter ses formules archaïques toutes faites en remettant toujours à demain sa reconstruction.
Dénoncer les excès du marché et mettre un coup d’arrêt au capitalisme financier. Recréer des services publics forts. Protéger la laïcité des ingérences religieuses. Assurer durablement et sans faiblesse la sureté des citoyens. Inciter à l'émancipation de chaque individu sans oublier personne, en supprimant les inégalités sociales par l'entraide et le partage.
"Faire du socialisme", voilà l’attente de beaucoup de citoyens et le challenge, et elle est simple. Mais, que sont devenus entraide et partage, ces mots de gauche, ces gros mots qui n’ont plus court ? Il est temps, comme disait Jaurès de "rallumer tous les soleils" !
Jean Jaurès, Rallumer tous les soleils, Paris, Omnibus, réédition 2006.
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