jeudi 28 octobre 2010

Alternative politique

Le changement dont nous avons besoin ne peut être le résultat d'une simple alternance. Autrement dit, la possible défaite électorale de Nicolas Sarkozy, de plus en plus impopulaire, ne saurait suffire, en 2012. Son remplacement par DSK (un cauchemar !) ou par Martine Aubry (un moindre mal !) ne ferait que retarder les réformes, les vraies réformes, sans lesquelles la France s'enfoncerait dans la médiocrité.

À en juger par l'évolution des "gouvernances" en Europe, un consensus se construit, en effet, sur la nécessité de recourir à plus brutale des austérités (1). Une austérité que les États sont chargés de mettre en œuvre soit disant pour relancer la compétitivité des entreprises, la dynamique économique, bref la croissance.

On aurait tort de penser qu'il s'agit d'une simple purge qu'on imposerait aux classes laborieuses par volonté des riches de faire rendre gorge aux humbles afin d'augmenter encore les profits des actionnaires. En réalité, il s'agit de la très mauvaise réponse donnée à une véritable gageure : le recul des possibilités de produire davantage dans un monde saturé. L'Europe est entrée dans une période où elle n'est plus compétitive face à ses concurrents au sein de la mondialisation. Chaque pays occidental semble devenir un État en voie de sous-développement. Afin de maintenir pour les actionnaires les mêmes niveaux de rémunération, il faut réduire les salaires, diminuer les prestations sociales, supprimer des subventions, détruire ce qui reste de l'État-providence. Par refus farouche du partage, on concentre les efforts à faire sur les plus faibles, ceux qui, croit-on, n'auront pas les moyens de protester longtemps contre les mesures qui les frappent. Maggy Thatcher (2) est revenue et triomphe en Europe.



Les USA avaient pris une longueur d'avance sur l'Europe, après l'énorme choc de la crise financière, en élisant un symbole même du changement : Barack Obama. La réalité a vite rattrapé le nouveau Président des États-Unis qui risque, à présent, de perdre ses soutiens donc les élections, dès lors que les causes de la misère de masse, qu'il dénonçait, n'ont pu être traitées. Aucun chef d'État, du reste, n'est en mesure de résister, en occident, à la pression idéologique et politique exercée par les grands détenteurs du pouvoir économique, ceux à qui l'on n'a rien à refuser parce qu'ils ont la maîtrise absolue du fonctionnement et du financement des entreprises.

L'alternative politique ne peut être qu'une alternative économique doublée d'une alternative culturelle. Il ne s'agit de rien d'autre que d'un renversement idéologique, d'une révolution beaucoup plus radicale que ces révolutions violentes qui ne changent que le personnel politique sans changer la nature même du pouvoir. "Vaste programme" eut dit De Gaulle !

La cécité du gouvernement français actuel qui ne veut pas voir que le pays l'abandonne, le cynisme des gouvernants européens, qui font assaut de propositions toujours plus drastiques et donc impopulaires crée une situation qui multiplie et continuera à multiplier les conflits sociaux.

La quadrature du cercle, en politique, consiste à faire accepter par le peuple, et à lui faire demander (!) ce qui produit sa souffrance. Il est de très nombreux politiciens pour qui cette éventualité devient une évidence, dès lors qu'ils ne peuvent former aucune autre hypothèse.



Là commence l'alternative politique. Former d'autres hypothèses puisque le monde où nous vivons n'est pas celui où l'on prétend nous faire vivre. Et cela commence par quelques affirmations fortes et en particulier celles-ci, fort anciennes mais jamais prises en compte :

• un pays qui se dit démocratique ne l'est pas s'il se laisse gouverner par un autocrate.
• les institutions sont à changer avant de changer les élus : les causes précèdent les effets.
• tout socialisme ou communisme n'est qu'un leurre s'il n'est fondé sur le plus large partage.
• vivre sans limites dans un monde limité conduit inévitablement dans une impasse planétaire.
• la représentation fait de l'élu non le substitut du peuple mais son exécutant.
• tout cumul de mandat dans l'espace ou dans le temps est une injure à la démocratie.
• produire plus ne garantit pas de vivre mieux et le contraire se peut : vivre mieux avec moins.
• aurait-il raison, celui qui prétend faire le bonheur d'un peuple malgré lui est un criminel.
• le travail nécessaire n'est pas principalement dans l'activité salariée mais dans le service public.
• la civilisation consiste à ne contraindre personne à vivre sous la domination d'autrui.
• l'économie fondée sur le profit oblige à exploiter, ici ou ailleurs, une partie de l'humanité.
• un peuple est volontairement asservi s'il tolère son exploitation et ne saurait alors se plaindre.
Etc...

On peut allonger, ainsi, la liste des principes, aussi connus que méprisés, sans lesquels la République s'effondre pour ne laisser apparaître que sa caricature. Afficher l'image en taille réelleL'alternative politique n'est donc pas approchée par des hypothèses savantes mais par des hypothèses expérimentales. C'est la volonté politique sur laquelle il convient de travailler auprès des citoyens et non des élites politiciennes. Elle consiste, pour commencer, à apprendre comment désobéir à l'injuste. La démocratie véritable, l'organisation politique dans laquelle les privilèges sont abolis, peut s'ensuivre alors. Avec la "fin de la partie", comme dit le premier ministre, maintenant que le Parlement a voté, comme l'entendait le gouvernement, toute une série de lois injustes, débute l'action citoyenne par quoi, comme le disait Rousseau, s'exprime le souverain.


(1) - Déclaration du FMI du 30 juillet 2010, dont DSK est le Président : Les pays développés avec des déficits publics élevés doivent commencer dès aujourd'hui à préparer leurs opinions publiques aux mesures d'austérités qui seront nécessaires à partir de l'an prochain, des "efforts supplémentaires" doivent notamment porter sur la mise en oeuvre de la réforme des retraites, une limitation plus forte des dépenses de sécurité sociale et de santé ainsi que sur un encadrement "strict" des dépenses des collectivités locales. Parallèlement, le FMI conseille au gouvernement français de renforcer ses recettes fiscales et juge "important d'élargir les bases de la TVA et de l'impôt sur les sociétés",

(2) -
"There is no alternative" est devenue l'une de ses phrases les plus célèbres, un concept qui est même devenu un acronyme : TINA. Ce syndrome TINA - Il n'y a pas d'autre alternative - vient d'être repris par F. Fillon lors du débat sur les retraites.


Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran


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