Non, il n'y a pas une France de gauche et une France de droite. Il n'y a pas deux forces électoralement aux prises. Il n'y a pas le clan Sarkozy-Coppé contre le clan Aubry-DSK. Les médias nous le font accroire mais, comme en 2005, au moment du référendum, avec tous les porte-parole des principales organisations politiques, ils radotent et chantent sur des rythmes et avec un accompagnement instrumental différent, la même chanson. Il n'y aurait rien d'autre à faire que de tenir compte de ce que les économistes nous disent : sans croissance pas d'emplois, sans emploi pas de revenus, etc... Bla-bla-bla, Bla-bla-bla...
Les manifestants, dont le nombre augmente à chaque fois, sont en dehors de cet affrontement-là. Eux s'en tiennent à un constat : il y a la France des privilégiés face à la France des travailleurs de moins en moins protégés. Ce n'est même pas la France des riches contre la France des pauvres. C'est la France qui profite contre la France qui subit, structurellement. Et donc la France qui n'arrive plus à faire fonctionner son économie comme auparavant fait subir aux sans pouvoir les conséquences de cette entrée progressive dans la voie d'un sous-développement pour n'avoir pas à les faire supporter aussi par les dirigeants des entreprises, de la finance et des institutions aux ordres.
Est-ce là une analyse "gauchiste" ? Ah si une gauche radicale pouvait relayer une gauche défaillante comme on aurait plaisir à la suivre ! Mais non seulement il ne faut jamais suivre personne et aller son chemin librement, mais encore les chemins de l'ultra gauche sont encore, assez souvent, de vieilles sentes embroussaillées où les panneaux indicateurs n'indiquent qu'une direction : "Y a qu'à". La réalité est autrement complexe.
Non, les deux France sont des entités culturelles assises sur des positions de classe. "Je lutte des classes" arborent les manifestants. Et de rechanter l'Internationale... Sauf que nous ne sommes plus en 1936, en 1945 ou en 1968. La nécessité de la lutte ne s'accompagne pas de l'espoir d'une alternative politique porteuse des idéaux des salariés. DSK plutôt que Sarkozy ? Non merci.
L'affrontement politique est bien radical mais pas d'abord partisan. C'est en cela qu'il est culturel. Dans quel monde allons-nous vivre ? "Le même" disent les profiteurs. "Un monde meilleur" disent les rêveurs et les menteurs sans dire lequel. Débat de mots avant le débat de coups, comme dans toutes les querelles sans fin. Les écologistes, de nouveau silencieux et spectateurs, comptent ces coups avant même qu'on ait commencé à les distribuer.
La crise ou les crises sont cachées mais sous-jacentes et elles reviendront. La lutte des nantis contre les dépourvus n'est pas nationale. L'analyse de la situation économique mondiale est faite. Les effets locaux de ce bouleversement non maîtrisé, et seulement contenu, pour le moment, se font sentir partout. La France est bloquée entre deux solutions : celle de ceux qui pensent impossible de sortir du système (et le PS, l'UMP, comme une parti des écologistes s'y tiennent, différemment, mais s'y tiennent) et celle de ceux qui pensent indispensable de sortir du système (sans savoir comment s'y prendre, soit par référence à des idéologies révolues, soit parce que ce qu'il faut faire n'est l'application d'aucune doctrine).
Merveilleuse et terrifiante entrée dans le siècle ! Merveilleuse parce qu'enfin il y du neuf à faire. Terrifiante parce que l'urgence d'avoir à sortir des vieilles routes est là, mais pas encore les repères pour emprunter de nouveaux chemins, tracés ou non. Le conflit social sur les retraites s'alourdit, tâtonne, se cherche parce qu'on a fait le pas en avant qui ne permet plus de revenir en arrière, mais pour aller où ? Il faut marcher et défiler, sans perdre de vue, certes, la République, en passant toujours par la Bastille où l'on repense, chaque fois, à faire choir les privilèges.
Nous voici condamnés à inventer une solution qui n'apparait nulle part, sous peine de retomber dans le marasme sarkozien (qui n'est jamais que l'application d'une politique économique implacable qui ne se cache plus !)
Comment sortir de l'épure, du convenu, du modèle passé, sans abandonner ce que l'histoire du peuple nous a enseigné, mais sans chercher à renouveler ce qui ne sera plus ? Le Gouvernement compte sur cette incertitude fondamentale pour ne rien céder.
La France est un vieux pays légitimiste et conformiste en même temps que le pays des droits de l'homme et de la créativité politique. Ces deux France ne se feront aucun cadeau. L'une des deux va plier mais laquelle ? La fin du conflit laissera des traces bien au-delà de nos frontières de plus en plus transparentes.
À notre modeste place, nous cherchons un chemin de justice et de respect du droit à vivre dans la dignité et la paix, pour tout homme, ici et ailleurs. Nous savons que cela ne se peut plus dans le système capitaliste. Nous voici bien avancés ! Ce n'est pas une raison pour subir. De la convergence des pensées libres, des acteurs libres, voulant échapper à la servitude, il sort toujours une force et jaillit une lumière, avec ou sans douleurs. Nous ne "voulons" pas le croire. Nous le savons. Il en fut toujours ainsi dans l'histoire de l'humanité.
Pour cette enfance qui interroge l'avenir...
Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran
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