Nous empruntons à Laurent Mucchielli un texte. Il nous prévient. Tous les signaux d'alarme sont au rouge. Debout la République !
Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux
Laurent Mucchielli, sociologue
Hortefeux flirte avec les démons xénophobes et populistes Un air nauséabond souffle sur la France, et l’on comprend que c’est un peu toute la planète qui s’en aperçoit quand on voyage ou qu’on lit la presse étrangère. Quelque chose est en train de se passer au « pays des droits de l’homme ».
Les vieux démons de la xénophobie et du populisme antirépublicain avaient peut-être été enterrés trop vite. En 2009, le débat sur « l’identité nationale » avait déjà mis quelques puces à quelques oreilles. Mais après tout, la question paraissait en soi légitime. Et puis comme les ficelles politiciennes étaient trop grosses et que le prétendu « grand débat » tourna au café du commerce, la baudruche se dégonfla rapidement. Chassés par la porte de l’entrée « immigration », les vieux démons sont pourtant en train de revenir par la fenêtre « sécurité ». Xénophobie, populisme et antirépublicanisme.
Depuis le mois de juillet, en effet, il ne s’agit plus simplement de désigner des problèmes de délinquance précis et de leur déclarer la guerre. Il ne s’agit plus seulement de lutter contre la délinquance et ses figures-repoussoirs habituelles (les bandes de jeunes, les fous criminels sexuels). Cela, nous le connaissions depuis longtemps, et le petit jeu qui va avec : la droite contre la gauche, les syndicats de police contre les magistrats, les emballements médiatiques à chaque fait divers sortant un peu de l’ordinaire (un ordinaire fait de petits problèmes qui concernent un peu tout le monde dans la vie quotidienne, ce qui n’intéresse évidemment personne).
Le xénophobe se protège de ses propres idées
Mais depuis cet été, quelque chose a changé : le gouvernement actuel s’attaque désormais à des catégories de population. C’est le démon de la xénophobie qui s’agite. Mais il ne revient pas seul. Son petit frère, le démon du populisme et de l’anti-républicanisme, n’est jamais loin. Plusieurs indices de sa présence ne trompent pas. D’abord, ce démon aime qu’on vénère les chefs, qu’on ne discute pas l’autorité, qu’on ne perde pas de temps à parlementer et qu’on ne fasse pas de compromis. Si le Chef dit quelque chose, cela doit devenir immédiatement réalité ! Ce satané démon… Le démon ne supporte pas la séparation des pouvoirs, ni l’indépendance de la justice, ni la liberté des journalistes, ni l’autonomie relative des fonctionnaires, pas même la légitimité des élus locaux. On est avec lui ou contre lui, et tout est bon pour réaffirmer son pouvoir. Le mensonge n’est pas glorieux mais il est nécessaire, le démon a dit qu’on ne devait pas hésiter.
On pourra toujours dire plus tard « je ne savais pas » (que j’avais sur mon bureau une circulaire sur l’expulsion des Roms) ou « vous m’avez mal compris » (je parlais des Auvergnats, pas des Arabes). Le principe est clair : nul ne doit résister. Ainsi le démon pousse t-il le Chef à détourner les missions de l’administration pour protéger un de ses lieutenants quand le scandale menace.
Il pousse aussi un autre à dire que ceux des élus qui ne pensent pas comme on doit penser (par exemple sur la vidéosurveillance) sont des traîtres et que c’est à cause d’eux que tout va mal. Il pousse encore le Chef, son staff et un truc qui s’appelle le Parlement à laisser le ministre de l’Intérieur réformer la justice des mineurs (en instaurant la comparution immédiate pour eux) au mépris des travaux en cours au ministère de la Justice.
Il pousse aussi un autre à dire que ceux des élus qui ne pensent pas comme on doit penser (par exemple sur la vidéosurveillance) sont des traîtres et que c’est à cause d’eux que tout va mal. Il pousse encore le Chef, son staff et un truc qui s’appelle le Parlement à laisser le ministre de l’Intérieur réformer la justice des mineurs (en instaurant la comparution immédiate pour eux) au mépris des travaux en cours au ministère de la Justice.
Il a même soufflé hier au même ministre de l’Intérieur (récemment condamné par cette maudite justice à cause des pressions du démon de la xénophobie) que les magistrats ne devraient plus être des fonctionnaires d’Etat mais des personnes élues localement. Et pour les « rapprocher du peuple » encore plus, il pense comme le Chef qu’on pourra leur adjoindre des jurés populaires au tribunal correctionnel. Monsieur Hortefeux, êtes-vous prêt à rétablir la peine de mort ?
Allez monsieur Hortefeux, avouez-le, ce satané démon vous a déjà soufflé à l’oreille que vous devriez aussi essayer de rétablir la peine de mort, non ? Franchement, ça ne rime à rien de tourner autour du pot en allongeant tout le temps la durée des peines, en enfermant des malades juste au cas où, tous ces trucs qui coûtent très cher en plus. Ce serait tellement plus simple et tellement plus économique. Et la médecine a fait de grands progrès, ça serait parfaitement indolore. Au fait, vous allez rire, un de mes collègues qui vit aux Etats-Unis (il s’appelle David Garland) vient tout juste de publier un livre qui explique pourquoi la peine de mort est encore en vigueur dans une douzaine d’Etats américains alors qu’on l’a abolie partout ailleurs en Occident. Et vous savez quoi ? Il montre que l’une des raisons, c’est précisément que les juges sont élus par la population locale. En effet, quand un drame survient (meurtre, viol, acte de pédophilie), que l’émotion est à son comble et que les médias locaux majoritairement populistes soufflent sur les braises, alors ces représentants de la loi préfèrent satisfaire le désir de vengeance du peuple plutôt que risquer de perdre leur siège aux prochaines élections.
Allez monsieur Hortefeux, avouez-le, ce satané démon vous a déjà soufflé à l’oreille que vous devriez aussi essayer de rétablir la peine de mort, non ? Franchement, ça ne rime à rien de tourner autour du pot en allongeant tout le temps la durée des peines, en enfermant des malades juste au cas où, tous ces trucs qui coûtent très cher en plus. Ce serait tellement plus simple et tellement plus économique. Et la médecine a fait de grands progrès, ça serait parfaitement indolore. Au fait, vous allez rire, un de mes collègues qui vit aux Etats-Unis (il s’appelle David Garland) vient tout juste de publier un livre qui explique pourquoi la peine de mort est encore en vigueur dans une douzaine d’Etats américains alors qu’on l’a abolie partout ailleurs en Occident. Et vous savez quoi ? Il montre que l’une des raisons, c’est précisément que les juges sont élus par la population locale. En effet, quand un drame survient (meurtre, viol, acte de pédophilie), que l’émotion est à son comble et que les médias locaux majoritairement populistes soufflent sur les braises, alors ces représentants de la loi préfèrent satisfaire le désir de vengeance du peuple plutôt que risquer de perdre leur siège aux prochaines élections.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
N'hésitez pas à poster un commentaire.