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mercredi 16 février 2011

Retour sur la décroissance

Croissance ou décroissance ? Quel dogme l'emportera ?
Car il s'agit de dogmes économiques.
Il s'agit aussi de confusions entretenues et d'illusions.

Les "croissantistes" sont des doctrinaires qui se refusent à l'évidence.
Les "décroissants" sont des contestataires qui ne savent comment convaincre.

Et si l'on prenait la question du développement des sociétés par un autre bout !

Arte, le 15 février, a présenté un film, dans le cadre des son émission Théma qui a commencé par rappeler que, dans les années 1920, fut mise en œuvre l'obsolescence programmée. Autrement dit, on a, alors, sciemment réduit la durée de vie des produits, de manière à obliger au rachat. Ce fut le début de l'économie non durable. Ce fut le déclanchement du gaspillage. Ce fut par voie de conséquence l'ouverture d'un temps où allaient s'accumuler les déchets.



On sait fabriquer des appareils, des outils, des marchandises qui sont faits pour être utilisés de longues années et pour être réparés aisément. Pour les cartels industriels, cela ne permet pas une activité économique suffisante. Il faut faire acheter. Il faut consommer plus. Il faut donc faire... décroître la durée d'utilisation des objets d'usage courant. Ainsi fut-il fait, systématiquement, pour les ampoules électriques, d'abord conçues pour servir des milliers d'heures, et qui devaient, impérativement, ne jamais durer plus de mille heures (sous peine de sanctions financières pour les constructeurs ne se soumettant pas à cette nouvelle règle !)

La croissance, c'est la consommation forcée ou suscitée par la mode, la publicité, le désir d'être remarquable.

La décroissance souffre de ne pouvoir dire qu'elle veut une autre croissance : celle de valeurs humaines qui ne font pas de l'objet le substitut de la personne.

La croissance, donc, celle des économistes libéraux, vaut par elle-même et peu importe son contenu du moment qu'elle se renouvelle et oblige à céder au tropisme de la nouveauté. Ce qui doit décroître c'est le nombre de ceux qui se refusent à devenir des clients et des consommateurs dont l'addiction soit plus forte que ce que permettent leurs revenus. L'économie capitaliste, on le constate de nouveau, fabrique de l'aliénation.



La décroissance se fonde sur la conviction que pour obtenir plus pour l'humanité tout entière, il faut produire moins en choisissant ce qui constitue des besoins aujourd'hui mal satisfaits. Il ne s'agit donc pas d'arrêter la production ! Il ne s'agit pas de faire tout décroître ! Il s'agit de revaloriser la modération, la sobriété, la tempérance, la durabilité, la remise en état, le recyclage, la limitation des transports, etc... Concevoir une société qui brise le lien entre le plus et le mieux est une révolution culturelle authentique que l'on ne fera pas triompher par des oukases. Il faut en faire apparaître l'intérêt et en donner le goût. La vie simple n'est pas une vie réduite. La vie modeste n'est pas une vie morne. La vie heureuse n'est pas une vie luxueuse.

La décroissance ne saurait donc être considérée comme un contre-dogme, même si elle a pris le contre-pied d'une économie productiviste, insensée, prédatrice et, comme vient de le révéler l'affaire du Médiator : meurtrière. Il faut que la culture de la décroissance se vulgarise. Ce n'est pas une affaire de "bobos" qui ne changent dans leur vie que ce qui ne dérange pas trop leur confort. C'est une question de remise en ordre d'un système économico-politique qui marche sur la tête dès lors qu'il réduit le citoyen à n'être plus qu'un acteur du cycle travail-salaire-consommation ! La fin du gaspillage de produits pour une part jamais consommés, la fin des déchets qu'on transporte dans des pays-poubelles, la fin des exploitations minières qui détruisent des richesses non renouvelables, la fin des conditionnements alimentaires, vestimentaires et autres qui canalisent nos désirs, la fin de l'enrichissement de quelques uns au dépens de l'immense population terrestre, bref la fin de la croissance des seuls priviléges : tel est l'objectif d'une décroissance responsable.



Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

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