samedi 7 août 2010

Échapper à la dictature des sondages



Sondages. Vous avez dit sondages...

Que sonde-t-on ? L'opinion. Qui sonde-t-on ? L'opinion ! Bref, on sonde l'opinion de l'opinion, ce qui revient à confondre une idée et celui qui la porte.

Peut-on, du reste, mesurer une idée ? Non ! On ne mesure que le nombre de ceux qui sont favorables à cette idée. Une idée ne vaut pas par la quantité d'appréciations positives qu'elle reçoit, mais par la qualité de ce qu'on y découvre.

Un homme seul peut avoir raison face à tous. C'est bien là le drame de la démocratie, et ceux qui se réclament encore de De Gaulle devraient se souvenir, à la fois, que "le Général" fut fort isolé quand il dit non au nazisme, tandis qu'Hitler, en 1933 avait, fort légalement, remporté les élections, en Allemagne.

La loi du nombre a besoin d'être corrigée par la volonté du peuple, sauf à n'être qu'une dictature de plus. On sait tout sur le caractère instantané, fluctuant, réversible des sondages, mais on fait comme s'ils contenaient la volonté populaire. D'où l'importance de chercher à leur faire dire ce qu'il plait aux pouvoirs d'entendre... Alors que, tout au plus, les sondages commandités par (l'État, des partis, des personnalités politiques...) révèlent le niveau de sensibilité des personnes interrogées à la question qu'on leur pose.

Il est utile, intéressant, stimulant de pouvoir constater l'impact d'une proposition sur une population clairement ciblée. Mais il est stupide, faux, et déprimant, de tenir compte d'une réaction à la proposition qu'induit la question posée.

Gardons-nous de prendre le risque de nous placer sous les effets de ces sondages dont l'honnêteté intellectuelle ne serait pas avérée, notamment quand il s'agit d'insécurité. Car il est trois types de questions : celles qui ne peuvent recueillir que la réponse attendue ("pensez-vous que l'insécurité constitue un souci majeur pour les Français ?"), celles qui donnent à penser ce que l'on veut faire dire ("souhaitez-vous que le Gouvernement place la lutte contre l'insécurité au premier plan de son action politique?") et celles qui laissent une marge d'appréciation ouvrant le spectre des réponses ("estimez-vous que l'augmentation des effectifs de police constitue le meilleur moyen de lutter contre la délinquance?").

Il n'est pas de question neutre. Les sondeurs suivent des intentions, dépendent de financeurs, et subissent leurs propres convictions, ce qui ne leur permet pas d'interroger l'opinion sans arrière-pensées. L'impact médiatique des résultats des sondages est, en outre, très préparé. En passant de 32 à 34% d'opinions favorables la cote de Nicolas Sarkozi "se redresse". Le Figaro titre sur le bon accueil des mesures ultra sécuritaires annoncées par le Gouvernement alors que l'excès des avis favorables (80% !), rend le sondage non crédible.

La déontologie des instituts de sondage est sujette à caution. Sans une commission de contrôle des conditions, des mises en œuvre et des publications des sondages, les pratiques actuelles peuvent être, en tout ou partie mises en doute.

La dernière tentative de manipulation élyséenne, relayée par la presse aux ordres, doit nous servir de leçon :
• Les sondages ne doivent jamais être pris argent comptant y compris quand ils nous satisfont.
• Les sondages servent, le plus souvent, ceux qui les paient.
• Les sondages non contrôlés pas des moyens scientifiques sont à écarter.
• Les sondages font couramment partie de l'arsenal des propagandes.
• Les sondages peuvent déstabiliser ou conforter les citoyens qui n'y prendraient garde.
• les sondages sont des indicateurs qui ne permettent pas de juger la bonne direction à prendre.

Le B.A =BA de la politique devrait contenir la formation sur le mésusage des sondages d'opinion.

21_avril_2008_-_sondages.jpg

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran


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