Réagissant au passage d’une colonne de chars et de véhicules blindés de l’armée qui venaient de défiler sur les Champs Elysées, alors qu'elle participait à un rassemblement autour des valeurs de la République initié par la Ligue des droits de l'Homme sur la place de la Bastille1, Eva Joly, candidate d’Europe écologie-Les Verts à la présidentielle, s’est déclarée jeudi favorable à la suppression du défilé militaire du 14 juillet.
Elle a déclaré : « J’ai rêvé que nous puissions remplacer ce défilé militaire par un défilé citoyen où nous verrions les enfants des écoles, où nous verrions les étudiants, où nous verrions aussi les seniors défiler dans le bonheur d’être ensemble, de fêter les valeurs qui nous réunissent »
Alors que s'exprimaient les membres des associations, des syndicats et d'anciens résistants dont Raymond Aubrac, elle a ajouté, condamnant cette France guerrière : « il y a une antinomie entre le passage de chars sur cette place et les discours des anciens Résistants (...) Ce n’est pas des valeurs que nous portons (…) Je pense que le temps est venu de supprimer les défilés militaires du 14 juillet parce que ça correspond à une autre période ».
Ce n'est pas, par exemple, parce qu'on est premier ministre et fils d'une historienne que l'on peut s'arroger le droit de porter des jugement sur la profondeur de la culture historique française de Me Joly. Il est vrai que ce jugement apporte de l'eau au moulin des adversaires de la double nationalité très en vogue dans les allées du pouvoir. Pourtant, beaucoup de nos contemporains, parmi les plus « grands » ne peuvent se prévaloir d'être eux aussi des Français de souche (oh ! le vilain mot).
La mémoire a souvent des infidélités qui arrangent.
Pour revenir au 14 juillet, on nous dit qu'il y a une alchimie subtile, un lien sacré entre l'armée et la nation.
Pourtant, ce n'est pas la prise de la Bastille que nous fêtons, c'est la fête de la Fédération qui s'est tenue le 14 juillet 1790 sur le Champ-de-mars, la fête du rassemblement des tous les Français et de la paix, une fête pacifique, une fête de la fraternité nationale retrouvée, et c'est seulement le 3 juillet 1880 qu'il fut décrété d'en faire la fête nationale.1
Il fut alors décidé de faire défiler des militaires, mais c'était seulement 10 ans après la terrible humiliation de la défaite de Sedan et la trahison des Versaillais à l'encontre des communards – 20.000 morts et 10.000 déportés - il fallait montrer à la face du monde le redressement de la France ; en 1945, c'est la défaite de 1940 qu'il fallait alors effacer.
Mais aujourd'hui ?
Faire oublier l'accroc de mai 1958, où l'armée c'est désolidarisée du gouvernement. Qui se rappelle encore de cela ?
Servir de vitrines aux industriels français qui sont les troisièmes exportateurs du matériel de mort dans le monde. C'est pitié dans un monde globalisé, où les défilés militaires sont le monopole des dictatures et des régimes totalitaires. La France serait elle un pays totalitaire ? Pas encore,
Satisfaire les velléités d'un pouvoir qui veut encore croire ou faire croire que la France est une grande puissance internationale. Quel aveuglement mégalomane.
Déconnectés du peuple dont ils ont peur, les politiques, toutes couleurs confondues, ont pour le concept d'une union entre la nation et son armée, comme pour l'hymne national, jugé agressif même à droite, des certitudes archaïques et passéistes.
Eva Joly a raison, pour faire des défilés, des fêtes, la France n'a pas besoin d'une armée, mais seulement de se réconcilier avec elle-même et de redécouvrir les valeurs de la République, celle de 1789 :
Liberté, Égalité, Fraternité, et Laïcité.
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