samedi 21 janvier 2012

Que sont les droits de l'homme devenus ?

Logo des droits de l'homme

Point de nostalgie : les temps passés ne furent pas meilleurs que le nôtre. La violence qui inonde la planète s'est étendue en même temps que les capacités des hommes à produire leur propre malheur. Nous ne sommes ni plus ni moins respectueux d'autrui. Les causes de cette tendance à nous écraser les uns les autres ne sont pas datées.

Il est temps, pourtant, de revisiter les droits de l'homme auxquels il ne sert à rien de mettre des majuscules... Qu'est-ce qui, actuellement, fait le plus obstacle à la prise en considération des droits de l'homme ?

Nous distinguons plusieurs explications à cet abandon progressif de la Déclaration universelle comme de notre devise républicaine : liberté, égalité, fraternité. Car il s'agit bien d'un abandon. Les mots demeurent. Les commémorations (émouvantes de préférence) n'ont pas cessé. Cependant, à vouloir rendre compatibles le feu de la violence et l'eau de la solidarité, on est parvenu à une contradiction sans précédent !

Première explication : les droits sont peu ou mal enseignés et, de l'école maternelle à l'université, le droit ne s'impose plus par la conviction, la recherche d'un en-commun heureux, mais par la force de la sanction ou par l'obéissance à des lois qu'on sacralise au lieu de les rendre adaptables et continuellement améliorables. Bref, un catalogue de droits ne fit jamais une philosophie porteuse de valeurs. Les droits de l'homme, sous cet éclairage minimum, apparaissent comme une utopie (au sens le plus dévalué de l'utopie : un espoir impossible !).

Seconde explication : les droits échapperaient à la sphère politique, comme la morale qui ne peut être opposée au réalisme des pouvoirs. La confusion, entretenue, entre politique et conquête de pouvoirs, inverse, nous le savons, la fin et les moyens. Si la fin n'est plus dans les moyens, les moyens pervertissent la fin, s'y substituent et les moyens justifient la fin, fut-elle exécrable. Le dégoût des citoyens pour la politique est un réflexe de bonne santé sociale. Toute politique qui s'éloigne de l'intérêt général, du bien commun et du service public (quoi que puissent affirmer nombre de professionnels de la politique) cesse d'être une politique. Elle n'est que la défense des privilèges, ceux-là mêmes, rénovés, rétablis, développés, que la nuit du 4 août 1789 voulut abolir.

Troisième explication : les droits de l'homme ne peuvent être universels que si les menaces qui pèsent sur l'ensemble de l'espèce humaine sont écartées. Autrement dit, l'exploitation illimitée de la planète par les humains disposant d'outils et de savoir faire jamais connus auparavant, conduit à une violence lourde et permanente fatale aux droits humains. Le rapport entre ces droits et la dimension écologique de la vie en société a été sous estimé, et il nous faudra bien, rapidement, en tirer les conséquences car, pour le coup, il y va bien de la fin de l'histoire (qui n'est pas, comme l'affirma Francis Fukuyama, que le capitalisme est devenu l'horizon indépassable de l'humanité, mais qui pourrait bien être l'interruption de l'histoire humaine).

Quatrième explication : les droits de l'homme ne peuvent se maintenir face à la priorité absolue accordée à la recherche du profit. Jusqu'alors, selon que l'on se situait à l'est ou à l'ouest, dans un camp idéologique ou un autre, on pouvait ne parler que des "excès" du capitalisme ou, au contraire, de "l'exploitation de l'homme par l'homme". De nos jours, la mondialisation -comprendre la transformation du monde entier en un gigantesque marché- a installé en nos pensées une doxa, des préjugés et des présuppositions qui nous conduisent à privilégier, in fine, les intérêts individuels. Aucun droit de l'homme, (c'est-à-dire de l'homme conçu comme une personne ayant à vivre avec d'autres personnes égales en humanité) ne résiste à ce lessivage intellectuel.

Pour conclure (provisoirement), nous ne pouvons qu'appeler à un "examen de conscience" : pourquoi avons-nous laisser passer l'école, la politique, l'écologie et l'économie à l'extérieur des exigences fondamentales des droits de l'homme ? Pourquoi les organisations qui s'en soucient depuis longtemps se sont elles elles-mêmes refusées à rentrer vigoureusement dans l'éducation populaire (passée de mode ? ), dans la politique (abandonnée aux partis ? ), dans l'écologie (réduite à la défense de l'environnement ? ), dans l'économie ( dominée par les puissances financières ? ).

Réduits à de bons sentiments, les droits de l'homme n'ont qu'un impact modeste. Les "Ligueurs" membre de la LDH, tout comme les membres des associations, organisations, ou ONG qui sont préoccupés par l'exercice des droits (et non seulement leur déclaration ou déclamation !), ne peuvent que se réveiller, vite, car la domination des peuples par des minorités de moins en moins concernées par le sort d'autrui nous ramène vers des risques immenses, dont, sous d'autres formes, en d'autres temps, nous avons déjà fait l'épouvantable expérience.


Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

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