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lundi 15 août 2011

La jeunesse n'a pas d'avenir !

Ou plutôt, notre société n'est pas, actuellement, en mesure de lui en proposer un.

Les dramatiques émeutes qui viennent de secouer le Royaune-Uni auraient dû déclencher une large réflexion sur les causes de cette débauche de violence et ouvrir des débats concernant la société dans laquelle nous voulons vivre demain.

Il n'en est rien !

Les politiciens qui dirigent nos nations – David Cameron en Grande-Bretagne, Nicolas Sarkozy en France, et d'autres en Europe et dans le reste du monde convaincus de la justesse de leur dogme, de la validité de leur modèle politico-économique (le néo-libéralisme) – et otages consentants d'une oligarchie financière dont ils profitent, sans scrupule, et qui leur réclame toujours plus de profits, n'ont de cesse de qualifier les émeutiers de "voyous" outre-manche, de "racailles" il y a peu, chez nous, mais il leur est inconcevable de remettre leur modèle en question.


Il est, en effet, bien connu que, si les riches sont riches, c’est parce qu’ils l’ont mérité. Leur prendre de l’argent devient donc attentatoire à la méritocratie. Cela revient à les pénaliser même si prélever sur les riches tend à corriger les inégalités... Le mérite s’hérite, tout comme les inégalités, d’où la nécessité de redistribuer la richesse. Redistribuer la richesse nationale est, pour les uns, un principe de justice, (puisqu’il s’agit de donner un peu à ceux qui n’ont pas beaucoup), tandis que, pour les autres, c'est un principe d’injustice, (puisqu’il pénalise ceux qui sont méritants), c’est-à-dire les riches.

Pour la gauche, il s’agit de compenser, pour la droite, de récompenser.

Si les pauvres sont pauvres, c'est par leur faute, donc, pas de récompense ! Il faut que chacun se prenne en charge et celui qui ne le peut pas ou ne sait que faire doit, d'une façon ou d'une autre, disparaître. Le gâteau ne saurait être être partagé qu'entre ceux qui l'ont préparé !

Le modèle britannique, initié en son temps par Margaret Tchatcher, montre maintenant ses limites : la fracture sociale entre les riches de la City et les pauvres des quartiers populaires est abyssale. En 1970, 1% des Anglais les plus riches concentraient 4,7% des richesses du pays. En 2000, les mêmes 1% possèdent 10% des richesses ! La jeunesse est particulièrement a été frappée par la politique de Tony Blair puis celle des conservateurs : le taux de chômage, chez les 16-24 ans, est de 20% dans les quartiers populaires, 30%, voire 40% et il a augmenté de 5% en deux ans. De plus, les statistiques constatent que 30% des jeunes sont « inactifs », absents du marché du travail !...

Le RMI anglais (Job Allowance) s’élève à 51 livres par semaine, alors qu’une paire de baskets coûte 80 livres, et, le sachant, on est surpris que les jeunes émeutiers pillent les magasins de sports et de vêtements... Une catégorie est apparue, appelée "l'underclass" (la "sous-classe"), constituée des familles qui ne travaillent plus depuis deux générations et ne survivent que des aides sociales.

En écoutant bien la population, on entend les accusations suivantes : « les autorités nous abandonnent », « triplent les frais de scolarité », « diminuent les allocations », veulent « expulser les parents dont les enfants ont participé aux émeutes », « jugent les émeutiers à la chaîne sans réfléchir aux causes », tout en sauvant « les banquiers qui nous ont volés »...

Non, M. Cameron, cette situation n'est pas de la faute des pauvres. Elle est de votre responsabilité car elle s'est aggravée depuis votre élection comme premier ministre.

Simple question à MM. Cameron et Sarkozy : qu 'auriez-vous pensé de vos parents s'ils vous avaient laissé une dette colossale que vous auriez mis des décennies à rembourser, sans en avoir eu la jouissance ?

Des dettes en naissant, pas de travail, pas d’espoir, et un état de violence permanente due aux conditions d’existence d’une fraction importante du prolétariat, d’origine étrangère ou pas. Dans l'Europe entière, tout prépare à ces émeutes qui ne sont, comme nos émeutes françaises de 2005 et 2007, que l’expression désespérée d’une situation désespérante même si, bien entendu, ces violences ne peuvent déboucher sur des perspectives politiques positives. Saccager n'est pas protester et elles font malheureusement le lit de l'extrême-droite où une fraction des classes populaires risque de se jeter.

La réponse du gouvernement anglais ne surprendra personne, c'est la démonstration autoritaire de l'incompétence notoire à prendre en compte les problèmes de la société contemporaine et les crises qui se succèdent et superposent.

Comme pour la Chine, avec Google, une des réponses du gouvernement Cameron serait de fermer les réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook. On applaudit quand ces réseaux servent la révolution tunisienne ou égyptienne, mais on voudrait les rendre muets quand ils « dé-servent » les intérêts des oligarchies occidentales. On revient au moyen âge avec la politique du pilori – la politique de peur et de domination – en remettant en service la stratégie « nommer et faire honte » et en appelant à la délation les braves bourgeois apeurés.

Comme en France, hier, on ne parle plus que de sanctions, en faisant appel au concept de « tolérance zéro », en remplissant les prisons et en faisant appel à un super-flic américain, spécialiste de la lutte contre les gangs qui auraient joué un rôle majeur pendant les émeutes. Le gouvernement a également annoncé que les parents d'adolescents reconnus coupables d'avoir participé aux émeutes verront leurs allocations sociales coupées, et seront expulsés de leur logement social s'ils en habitent un.

On fait appel à la solidarité capitaliste en demandant à la société BlackBerry de mettre à la disposition des autorités les transmissions cryptées des communications et à la BBC de transmettre l'ensemble de rushes de ses prises de vues.

Pendant le même temps, le président de la banque mondiale, M Zoellick, demande à M. Cameron de maintenir, malgré les émeutes, les mesures d'austérité qui sont « vraiment indispensables ».

En faisant tout cela, David Cameron pense qu'en cassant les casseurs, il parviendra à stopper la violence. C'est possible, mais le feu couve, il se s'éteindra pas, il risque même de s'étendre à l'ensemble de la planète.

Il faut, en effet, être attentif à ce qui se passe aujourd'hui, à Londres, à Madrid, à Athènes, à Tel-Aviv, en Tunisie, en Lybie, en Egypte, en Syrie, au Chili, et ailleurs … Une même colère monte, alimentée par les crises économique, financière, écologique et par les injustices sociales, mais aussi par une dramatique impuissance de la classe politique accompagnée d'une irresponsabilité révoltante et d'une arrogance criminelle.


La politique de l'autruche nous cache les évidences

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

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