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dimanche 7 mars 2010

De l'Islande à la Grèce : où en est l'Europe ?




Les Islandais et Islandaises en prennent à leurs aises : ils ne veulent pas payer une dette qui n'est pas leur fait. Les Grecs aussi se rebellent : ils ne veulent pas payer les erreurs de ceux qui se sont enrichis sur leur dos !

Ce sont là de mauvais Européens aux yeux de la Commission européenne. Il faudra donc empêcher les uns, au Nord, de rejoindre l'Union et punir les autres, au Sud, qui n'acceptent pas volontiers de vivre des années de vaches maigres.

Mais de quelle Europe parlons-nous ? De celle des Européens ou de celle des profiteurs ? De celle de la solidarité ou de celle des banques ? Le débat politique européen est relancé.


L'enlèvement d'Europe par Zeus, le Tout-puissant, s'est-il passé en Grèce ou en Islande ?

La juxtaposition de ces deux événements survenus au sein d'une Europe physique où l'Europe des 27 ne réussit pas à faire émerger une Europe politique, donne à penser que nous ne sommes pas sortis de ce que le débat constitutionnel de 2005 avait mis en évidence : l'Europe libérale ne saurait être une Europe politique et les intérêts nationaux ainsi que multinationaux ne s'effaceront pas derrière une solidarité internationale effective.

Encore un référendum ! Un gouvernement désavoué par... 95% des électeurs votants ! Que va-t-on inventer, cette fois, pour briser cette expression fort peu démocratique puisque ne satisfaisant pas les décisions prises par les puissants et les riches?

D'abord, c'est un petit peuple, peu nombreux et qui ne pèse rien des points de vue militaire et industriel. Ils ont voulu jouer au dangereux jeu de la banque. Ils ont raté leur coût, pardon, leur coup... Qu'ils déboursent. Cela les ruine ? Il fallait mesurer les risques avant ! Cela plonge des Islandais dans une misère noire ? Il y a d'autres misérables dans toute l'Europe, qui, eux, ne pleurent pas tant. Et puis ceux qui n'ont pas voté désavouaient peut-être ce vote négatif. Va savoir. Parler de 95% de refus est excessif... Etc, etc... Les arguments servant à obliger les Islandais à faire comme les Irlandais : se déjuger, ne manquent pas. Ensuite viendront les menaces. On peut faire la guerre économique sans recourir aux porte-avions. Il suffira de laisser les pêcheurs islandais pêcher en leur asséchant leurs crédits ou leurs marchés...

Afficher l'image en taille réelle Les Grecs sont un peu moins facile à tenir en laisse, mais on devrait pouvoir y arriver. Le gouvernement "socialiste" grec s'est déjà aligné sur les exigences de ceux qui ont ruiné leur pays. Les visées des grandes banques américaines et autres qui ont mis la main sur ce pays de soleil et de tourisme ne sauraient être dénoncés. Non, ce sont les erreurs, effectives, des gouvernements antérieurs qui sont soulignées, surlignées, mises en évidence. La droite grecque a failli ! Alors, que la gauche grecque paye ! Du reste, une fois de plus, vole en éclat la distinction entre gauche est droite quand, de gré ou de force, sur le fond, la même politique est pratiquée. Que les bénéficiaires, les profiteurs ne soient pas exactement les mêmes n'y change rien. Ce sont les petits, les plus nombreux et les moins protégés qui devront payer la note. Très vieille musique...

Mais attention ce ne sont pas seulement aux deux bouts de cette Europe qui se cherche encore que cela craque. Qu'on ne pense pas qu'on échappera, ailleurs, à l'austérité ! Il suffit de regarder ce qui se passe en France pour constater un appauvrissement grandissant, dramatique, que les chiffres du chômage ne suffisent pas à décrire ! Pendant ce temps, on semble se contenter de la prochaine déconfiture de l'UMP à l'issue des élections régionales... Le silence des probables vainqueurs, dits socialistes, "prudentissimes", est assourdissant. On n'ose pas admettre que la reconstruction politique, inévitable, va obliger à prendre position, clairement, sans ambiguïté, sur deux questions liées : la fin du productivisme, le caractère vital de la solidarité. Autrement dit, et moins prudemment, le capitalisme et sa croissance irrationnelle, l'exploitation acharnée du vivant, plantes bêtes et hommes (et des autres ressources terrestres :eau, charbon, pétrole et minéraux) ne sauraient durer encore longtemps. C'est cela qu'une gauche responsable dirait : ou bien il n'y aura pas d'avenir ou bien un avenir de partage et de respect de la Terre doit s'imposer. C'est cela que nous voulons entendre. Nous en sommes loin, hélas ! L'Europe y pourrait contribuer, mais pas celle, ultra libérale, dont nous voyons se manifester les insuffisances et les médiocrités.

L'Europe ressemble à un méli-mélo qui n'a pas pris sens encore pour les peuples qui la composent ! Ce lieu de pouvoir, interétatique, est toujours ingérable de façon démocratique. On y peut décider du bonheur et du malheur des Européens, de leur santé et de leurs réglementations commerciales : l'Europe est un marché ! On ne peut, on ne sait y décider ce qui unit cette minorité terrestre qui pèse à peine un demi-milliard d'individus : l'Europe n'a pas d'existence politique dynamique. Mais de cela, de l'Islande jusqu'à la Grèce, et grâce à ces peuples qui regimbent et exigent autre chose qu'un grand marché sans âme, on est peut-être en train de se rendre compte.



Europe retrouvera-t-elle ses enfants dans ce mélange de drapeaux désunis ?

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

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