jeudi 21 janvier 2010

Et si l'on se mouillait un peu...?


Le mardi 12 janvier 2010, se sont tenues les rencontres parisiennes sur la gestion publique de l'eau, pour "fêter" la mise en place, depuis le 01/01/10, de la régie publique : "Eau de Paris".


Il a été d'abord rappelé la situation de la Ville de Paris. En 1985, la distribution et la gestion de l'eau à Paris avaient été "partagées" entre Suez et Veolia, chacune sur une rive de la Seine. Le prix du m3 d'eau a alors augmenté de 260 %, entre 1985 et 2009 ! Ces dernières années, les bénéfices réalisés par les deux sociétés privées s'élevaient, en moyenne, à 30 millions d'euros par an.


Deux rapports de la Chambre Régionale des Comptes (en 2001 et en 2002) ont dénoncé cette situation et relevé une certaine "opacité" dans la gestion et la facturation. Cette situation a amené la Ville de Paris à décider le retour de l'eau en régie publique à partir de 2010. Cette décision politique a permis de bousculer tous les obstacles "techniques" invoqués par ceux qui prétendaient que le retour en régie publique était "impossible".


La régie "Eau de Paris" va donc desservir 2,2 millions de Parisiens, auxquels il faut ajouter les touristes et, durant la journée, les salariés qui viennent travailler à Paris, soit 3,5 millions de personnes par jour.


La situation de quelques autres communes en régie publique est intéressante.

Grenoble : Suite au procès et à la condamnation de son ancien Maire, la régie a été rétablie en 1996. Alors que les prix avaient augmenté de 30 % de 1985 à 1995 avec la SDEI (Suez), ils sont restés stables de 1996 à 2008 avec la régie, et les investissements ont triplé !

Châtellerault : seule ville importante du département à avoir confié l'eau au privé, elle a souhaité rejoindre le SIVEER, une régie qui gère 90 % des communes de la Vienne. Il aura fallu 6 ans de procédure contre Veolia, en allant jusque devant le Conseil d'Etat, pour réintégrer la régie publique départementale !

Varages : Cette petite commune du Var a réussi à récupérer l'usage de la source naturelle qui l'alimentait en eau depuis toujours et qui avait été concédée à une filiale de Suez. Les prestataires privés ont multiplié les obstacles, mais, finalement, une petite régie communale a été mise en place et fonctionne très bien, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.

Niort : on y note que l'intercommunalité peut empêcher une commune qui souhaite revenir en régie publique de pouvoir le faire, puisque il faut souvent l'accord de la majorité ou parfois de la totalité des autres communes pour "sortir" de la concession donnée aux sociétés privées !


Quelques pays d'Europe ont de quoi étonner!

En Italie, l'eau était en régie publique à 100 % et le prix du m3 est, en moyenne, à 1€ ! Mais, en application d'une directive européenne (DCE), le gouvernement Berlusconi a fait voter une loi qui généralise la privatisation à partir de 2011. La résistance des populations et des municipalités s'organise en participant, notamment au réseau Aqua Publica Europea.


En Belgique, l'eau et l'assainissement sont partout sous la responsabilité des communes..., sauf une station d'épuration au nord de Bruxelles, confiée à une filiale de Veolia, et qui vient de provoquer un énorme scandale en déversant directement des eaux usées dans une rivière belge !


En Suisse, une loi a été votée qui interdit la privatisation de l'eau. Ce qui permet à la ville de Genève – par exemple – de réaliser un formidable programme de promotion de la qualité, de la consommation et de la gestion de "l'eau de Genève" qui coule du robinet et qui est autant et plus "performante" que les eaux minérales transportées en camion et vendues en bouteille plastique.




Quelques conclusions :

1) Alors que, dans les années 80/90, la tendance - entretenue par le modèle "libéral" et les directives européennes - était à la privatisation, celle-ci est en train de s'inverser. De plus en plus de communes souhaitent le retour en régie publique et beaucoup y parviennent, malgré les obstacles "techniques" et les contraintes liées à l'intercommunalité.


2) Dans tous les cas, il s'agit d'une volonté politique appuyée sur la mobilisation des citoyens qu'il convient donc d'informer correctement.


3) Mais, il convient de rester vigilants sur tous les enjeux qu'implique le retour en régie, notamment sur la situation des personnels, sur la nature des contrats d'entretien, sur l'évolution des prix.



Nous reviendrons plusieurs fois sur cette question fondamentale, écologique, politique, de la gestion de l'eau. Au moment où Henri Proglio le toujours président de Véolia -Environnement, et actuel président d'EDF, mélange l'intérêt public et l'intérêt privé, en se remplissant les poches, nous entrons résistance contre la marchandisation de l'eau et nous nous nous associons à la volonté de changement de toutes les villes qui veulent échapper aux rapaces que sont les "Trois Sœurs" : Véolia (ex Générale des Eaux), Suez (ex Lyonnaise des Eaux) et la Saur. Mouillons-nous ! Agissons ! Exigeons la gestion publique de l'eau...


Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran


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