Nous voulons vous faire partager
l'effroi qui nous a submergé à la lecture de l'article ci-dessous1.
Les drones, ces mini-avions téléguidés
et bardés de nouvelles technologies, sont utilisés dans les
conflits guerriers actuels.
Comme l'écrit dans l'article le
journaliste Allemand, on affirme aujourd'hui que l'utilisation de ces
engins rend la guerre plus humaine. Comment peut-on imaginer, sans
avoir l'esprit dérangé, que la guerre puisse être humaine.
Quelle lâcheté derrière ces propos
et ces actes.
La guerre est humaine pour les amis,
ceux qui ne risquent rien assis dans un fauteuil d'un QG du
Nouveau-Mexique à 10.000 kilomètres du théâtre des opérations et
qui jouent à la guerre comme on joue à un jeu vidéo ; pour les
« autres », la question ne se pose même plus, leur
statut d'ennemis les a sorti de l'humanité.
C'est intolérable, qu'elles qu'en
soient les raisons, la guerre est toujours inhumaine. Elle tue, le
plus souvent de façon aveugle, et rien n'autorise des hommes à en
éliminer d'autres.
Le monde occidental, qui veut partout
dicter sa loi et installer son système économique, se croit
supérieur par l'utilisation des nouvelles technologies, mais, se
faisant, il recule sur les plans éthique et philosophique.
Ne soyons pas complice de cette
régression !
Jean-Claude VITRAN et
Jean-Pierre DACHEUX
DRONES – « On vient de tuer le gamin ? »
C'est un glaçant récit de guerre, mais dont les acteurs n'ont jamais foulé les champs de bataille. Pendant plus de cinq ans, Brandon Bryant a combattu enfermé dans un container de la taille d'une caravane, au fin fond des Etats-Unis. "Il suffisait qu'il presse un bouton au Nouveau-Mexique pour qu'un homme meure à l'autre bout de la planète" résume le journaliste du quotidien allemand Der Spiegel dans cette captivante enquête sur les pilotes de drones dont Courrier international propose une version française cette semaine.On y découvre l'autre visage de la guerre moderne, "invisible", à qui "la distance ôte de sa gravité". "La guerre nouvelle se veut plus précise que l’ancienne, écrit le journaliste. Pour cela, beaucoup la disent 'plus humaine'." C'est cette conception qu'interroge le témoignage, rare, du jeune soldat.
Agé de 27 ans, Brandon Bryant revoit encore précisément les montagnes afghanes avec ses sommets enneigés et ses vallées verdoyantes qui lui rappelaient son Montana natal. Il les observait à 10 000 kilomètres de distance.
Extrait :
Ce jour-là, dans le réticule
du drone, une maison aplatie en terre, avec une étable pour les
chèvres, se rappelle-t-il. Lorsque l’ordre de faire feu
tombe, Brandon presse un bouton de la main gauche […]. Le drone
lance un missile de type Hellfire. Il reste alors seize secondes
avant l’impact. "Les secondes s’écoulent au ralenti'",
se souvient Brandon aujourd’hui. […] A cet instant, Brandon peut
encore détourner le missile roquette. Trois secondes. Brandon scrute
le moindre pixel sur l’écran. Soudain, un enfant qui court à
l’angle de la maison. […] Brandon voit une lueur sur l’écran –
l’explosion. Des pans du bâtiment s’écroulent. L’enfant a
disparu. Brandon a l’estomac noué.
"On vient de tuer le gamin ?" demande-t-il à son collègue assis à côté.
"Je crois que c’était un gamin", lui répond le pilote. […]
C’est alors que quelqu’un qu’ils ne connaissent pas intervient, quelqu’un qui se trouve quelque part dans un poste de commandement de l’armée et qui a suivi leur attaque : "Non, c’était un chien."
Ils se repassent l’enregistrement une nouvelle fois. Un chien sur deux jambes ? Lorsque Brandon Bryant sort de son container ce jour-là, le cœur de l’Amérique profonde s’étale devant lui : l’herbe drue de la steppe à perte de vue, des champs, l’odeur du lisier. […]
Une guerre est en cours.
Brandon, lui, affirme qu'en six ans dans l'US Air Force il a "vu mourir des hommes, des femmes et des enfants" et que jamais il n’aurait imaginé tuer tant de gens.
Marqué par les scènes terribles auxquelles il assiste en direct, malgré la distance, il finit par ne plus supporter son "cockpit" du Nouveau-Mexique. Il rêve en "infrarouge", ne dort plus la nuit, répond à ses supérieurs. Dans son journal intime, il écrit : "Sur le champ de bataille, il n’y a pas de belligérants, juste du sang, la guerre totale. Je me sens tellement mort. Je voudrais que mes yeux se décomposent."
Un jour, il s'effondre au bureau, crache du sang. Les médecins du département des anciens combattants diagnostiqueront un syndrome post-traumatique. "L’espoir d’une guerre confortable, sans séquelles psychologiques, a fait long feu", écrit le journaliste.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
N'hésitez pas à poster un commentaire.