C'est fait : le PCF a adoubé Jean-Luc Mélenchon.
Comme en 1974, les communistes ne présenteront pas un des leurs. François Mitterrand avait, à cette époque, entamé sa course à la présidence en "gauchisant" son discours, et le PCF lui avait servi de caution.
Il s'agissait, alors, de casser la loi fatidique qui faisait d'un élu de droite le vainqueur obligé de ce genre de consultation présidentielle. De Gaulle, Pompidou, Giscard d'Estaing : la légitimité était à droite. Ceux qui ralliaient le PS -j'en fis partie- avaient de bonnes raisons : un PCF dominant c'était, à coup sûr, un viatique pour la droite française, il fallait casser ça. Un Parti vraiment socialiste, et qui n'ait rien à envier aux communistes dans la contestation du capitalisme, après les compromissions sinistres de la guerre d'Algérie, c'était un chance à ne pas laisser passer.
Au cours des années 1970, René Dumont, candidat "symbolique", allait pourtant donner une existence politique à l'écologie. Les tenants de l'autogestion étaient, après 1968, moins entendus, y compris au sein de la CFDT. Le PSU, ce vivier de la créativité politique, allait s'effacer.
Nous n'en sommes plus là et il ne saurait être question d'effectuer un retour sur le passé ! Il n'est pourtant pas interdit d'en tirer quelques enseignements, sous la lumière de l'actualité.
Le PCF a cessé d'être un référent pour la gauche, mais il a gardé des habitudes qui font encore de lui une machine a faire élire ses proches. Le réalisme commande. Tué dans ses ambitions de pouvoir par le parti socialiste, le Parti communiste a conservé ses ambitions de participation minoritaire au gouvernement ; ça lui donne une raison d'être. Son ralliement à Jean-Luc Mélenchon trouve ici son explication. Le candidat socialiste, quel qu'il soit, possible vainqueur, ne pourra se passer des voix de Jean-Luc Mélenchon, garantira au Front de gauche (où le PCF est majoritaire), des élus à l'Assemblée nationale, voire quelques maroquins ministériels.
Les intentions de Jean-Luc Mélenchon sont plus nobles. Sa voix est forte. C'est un tribun. Il veut tirer le PS à gauche. Il n'est pas insensible aux arguments écologistes. Il connaît bien le dessous des cartes politiques. En un autre temps, il aurait été le mieux placé pour faire bouger les lignes, mais ce temps est révolu. La voix de Jean-Luc Mélenchon ne portera pas assez loin.
Je l'affirme sans plaisir, mais c'est ainsi. la dimension écologique, bien que présente dans son discours, n'est pas assez décisive et, parmi ses soutiens, beaucoup ne le laisseront pas aller trop loin dans cette direction, quoi que disent et fassent, au sein du Parti de Gauche, Martine Billard ou quelques animateurs du mouvement Utopia...
Après Fukushima, après "le printemps arabe", après les "indignés", cette fois, il va bien falloir "faire de la politique autrement" ! Les Verts s'étaient, depuis longtemps, contenté de clamer ce slogan, mais n'y étaient pas parvenus, tout simplement parce que le champ politique est encore un espace clos et que l'on ne peut, à la fois, être dedans et être dehors. La Constitution de 1958 le rend pratiquement impossible.
La tentation est donc de renvoyer vers l'avenir ces jours meilleurs où le pouvoir cessera d'être délégué à des professionnels enfermés dans des dossiers, mais incapables de rien modifier à notre quotidien. Certains de nos concitoyens feront, heureusement, évoluer les situations locales en commençant à "vivre autrement", sans attendre des changements qui ne surgiront pas des urnes ! Mais ce n'est pas suffisant ?
Il n'est pas non plus suffisant de se contenter de faire chuter Nicolas Sarkozy. Si brutal et autocrate que soit le personnage, il représente bien plus que lui-même : un capitalisme moderne, appuyé sur une Europe en déclin, laquelle se bat pour conserver son leadership, par tous les moyens, - y compris la paupérisation de ses peuples - dans un environnement planétaire dominé par la haute finance. Aucune élection ne peut faire échapper la France à cette domination mondiale-là, physique et culturelle, qui rend inopérante chaque initiative démocratique s'exprimant par les voies traditionnelles.
Il convient donc de prendre toute élection, tout référendum, comme une occasion de faire émerger du neuf, mais sans en attendre un changement substantiel. Et c'est là que la voix de Jean-Luc Mélenchon risque de se perdre dans les médias et, surtout, dans des affrontements aux contenus convenus. Le passage d'un univers politique à un autre n'est pas fait, reste à faire, et l'élection présidentielle ne le permettra pas.
Encore peut-elle l'annoncer ! Le candidat écologique, quel qu'il soit, ne sera pas élu. S'il double ou, mieux encore, triple le meilleur score qu'ait jamais fait un candidat Vert (Noël Mamère, en 2002 : 5%), il changera la situation en France, comme elle a commencé de changer, en Allemagne, en Italie, bientôt ailleurs. Mais pour cela, il faut que soient affirmée, haut et fort, la nécessité des trois sorties : sortie économique, sortie écologique, sortie politique.
Sortie économique : c'est la fin du productivisme, l'obligation de la décroissance, farouchement combattues par les immenses lobbies capitalistes. La brutale réalité d'un monde fini, qu'on veut continuer d'exploiter comme s'il était inépuisable, s'imposera, demain ou dans cent ans. Ne pas le proclamer est un trahison des hommes.
Sortie écologique : c'est la fin du nucléaire, la fin du transport individuel, la fin du pétrole pas cher, la fin de la "domination de l'homme sur la nature", la fin du toujours plus, la fin d'une société sans partage et sans égalité, la fin de la société de l'avoir étalée sans vergogne, au détriment de l'être, devant tous les peuples de la Terre.
Sortie politique : c'est la fin de la monarchie républicaine, la fin de la Vème république, la fin de la professionnalisation du pouvoir, la fin du cumul des mandats, la fin de l'élitisme, la fin du système de représentation comme transfert total du pouvoir des citoyens vers leurs élus, la fin du lien étroit entre les dirigeants et la finance internationale, la fin, bref, d'une société de la résignation.
Sans illusions mais aussi sans découragement, on peut ouvrir cette Voie, comme dit Edgar Morin. S'agirait-il même d'une illusion qu'elle serait beaucoup plus féconde que l'abandon de notre sort entre les mains de réalistes qui nous désespèrent.
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