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jeudi 9 juin 2011

Après la gauche

C'est le tire d'un film qui passe, ce jour même, sur les écrans d'Utopia, à Saint-Ouen l'Aumône, en Val d'Oise.



Dans Après la gauche, 13 personnalités de la gauche d’hier s’expliquent devant les caméras posées par Jérémy Forni, Geoffroy Fauquier et Gaël Bizien sur ce qu’il reste de la gauche pour notre génération.

Alors que le Portugal est passé à droite et que les socialistes espagnols sont concurrencés par la rue, toute l’Europe se pose la même question : y-a-t-il encore une gauche européenne ?

Depuis que voter à gauche conduit à se livrer à la droite, sans choix ni espérance, les citoyens préfèrent s'en remettre à ceux qui font ce qu'ils disent, même si c'est pour leur faire très mal ! Le pouvoir leur a été confisqué, mais aussi les mots et les valeurs eux-mêmes !

Le PASOK en Grèce, et les socialistes, au Portugal ou en Espagne, sont impuissants à empêcher de "faire payer les pauvres". Ils se trouvent disqualifiés. En France, le PS a failli confier notre sort à DSK qui n'a pas que son addiction sexuelle pour effrayer, mais une addiction à l'argent, au système capitaliste, beaucoup plus dangereuse encore pour l'humanité. Ne parlons plus de Tony Blair qui convertit le Labour au Capital.

Depuis qu'elle ne se réfère plus à ce qui l'a fondée, la gauche n'est plus .

Cependant, ce qui est à l'origine du mouvement ouvrier, au sein duquel agirent les partis (communiste, socialiste ou troskyste..., notamment) a-t-il encore une existence ? Autrement dit, faute de partis "de gauche", y a-t-il encore une pensée et une action "de gauche", en France et en Europe ?

Le fétichisme des mots nous rend difficile d'abandonner nos repères linguistiques. Alors on lance, par défi : "la gauche est morte, vive la gauche"... Et si la gauche était définitivement obsolète... Et si les exploités, les humbles et les pauvres n'avaient plus d'autre choix que de se prendre en main eux-mêmes, sans déléguer le pouvoir d'agir à ceux qui n'agissent pas ?



Le "printemps arabe", "les indignés" n'ont que faire de simples victoires électorales qui seraient à l'origine de changements, puisque les seules élections qui modifient les rapports de force parlementaires sont celles qui suivent et non pas précèdent les changements.

Le spectacle quotidien, révoltant, du fonctionnement d'une société où rien ne bouge, sauf le gonflement des privilèges et l'engourdissement culturel des citoyens, dominés par la logique mercantile et la publicité, donne à penser, contradictoirement, que nous serions obligés, tout à la fois, de chercher comment échapper à un monde dont nous ne pourrions nous échapper !

On appelle cela, en philosophie, une aporie, c'est-à-dire, dit le Robert, une "difficulté d'ordre rationnel paraissant sans issue". Sortir du capitalisme, du nucléaire, de la Ve République et de la croissance, en même temps, est bien plus qu'une utopie, c'est une chimère, une illusion, un fantasme, mais c'est, pourtant, ce vers quoi il faut tendre si l'on veut éviter à l'espèce humaine une ruine jamais encore connue, sur une planète plus peuplée que jamais.

La gauche, les gauches, ce qu'on nomme gauche, offrent des perspectives sans prise sur le tsunami écologico-économique qui nous submerge. Le réchauffement climatique, la surproduction (couplée à la misère), le surenrichissement des maîtres de l'économie (auquel on nous habitue et qui n'est plus même scandaleux bien qu'abject), le déséquilibre des revenus entre les populations (au hasard de leur répartition géographique !), la catastrophe de Fukushima (avec ses suites et conséquences), tout cela bouleverse profondément nos analyses et notre quête d'un mieux vivre. Faire face à cette situation va bien au-delà d'une simple exigence de meilleure justice sociale. Il y va de notre peau et la révolution à opérer n'est pas seulement quantitative mais qualitative. La gauche que nous avons connue, celle qui perdure tant bien que mal, est bien incapable d'assumer les luttes de cette révolution-là.

Faut-il abandonner la gauche pour réaliser ses objectifs, ceux-là même qu'elle a annoncés, conçus, formalisés au XIXe siècle, puis considéré comme dépassés ? La période sarkozyste nous aura permis de constater jusqu'à quels excès une politique de la domination peut conduire, mais elle aura permis plus : nous convaincre que l'opposition politique peut n'être pas une rupture mais un simple remplacement, un changement de style, ce qui est vain.

Après la gauche, il faut, à court terme, tenter la politique écologique qui, bien sûr, nous décevra elle aussi, mais qui peut ouvrir quelques passages vers d'autres champs d'action pouvant être retravaillés. De ce qui nous est laissé, en cette fin de printemps, il n'y a plus grand chose qui vaille d'être rénové. Tout est à réinventer. Saurons-nous le faire ?

Il ne suffira pas, après la gauche, de changer de politique, il faudra changer la politique elle-même.

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http://www.cafebabel.fr/article/37781/apres-la-gauche-y-a-t-il-gauche-en-europe-.html
http://www.mediapart.fr/content/apres-la-gauche-continuer-le-combat
http://tto45.blog.lemonde.fr/2010/11/25/reinventer-la-politique-double-parution-aux-editions-utopia/










Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

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