samedi 26 décembre 2009

Mon chien s’appelle Socrate

Effectivement, mon chien s’appelle Socrate et, contrairement à mes ancêtres, je suis athée. Mes ascendants, qui étaient Vikings, se sont établis en Normandie aux alentours de l’an 1000 mais, de confession protestante, ils furent chassés vers le Nord et s’établirent, alors, dans la province du Hainaut. Ils ne devinrent Français que vers 1659.

Aujourd’hui, il y a, en France, seulement une cinquantaine de familles qui portent le même nom que moi, mais plusieurs dizaines de milliers en Europe du Nord et en Amérique du Nord.

Pourquoi est-ce que je vous dis cela?

Simplement, pour expliquer pourquoi, bien que je sois Français depuis trois cents ans, le débat sur l’identité nationale, initié par le gouvernement, m’irrite profondément. Pire, il me donne des nausées, avec son odeur de réchauffé raciste, xénophobe, conservateur et clérical.

Comme Socrate, pas mon chien, le Philosophe, je me sens Citoyen du Monde et imperméable à la conception historique d’un fondement chrétien de notre pays.

Ce qui me surprend le plus, c’est que l’on soit étonné que ce gouvernement ait initié ce débat.

Il n’est que la suite logique d’une stratégie en marche depuis de nombreuses années, précédée de propos et d’actes qui n’auraient pas dû nous échapper : création du Conseil Français du Culte Musulman, livre « La République, les religions, l'espérance », audience avec le Pape, discours de Latran et surtout création du Ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire.

Basilique du Latran.

La classe politique française ne peut pas se montrer choquée et nos concitoyens dire qu’ils sont abusés! C’est une avancée de plus dans la stratégie de mise en place d’une société conservatrice et réactionnaire dont rêvent quelques membres de ce gouvernement et d’autres dirigeants occidentaux qui veulent faire table rase des acquis post soixante-huitards et mettre au pas les citoyens en moralisant, à leur profit, la société.

Il faut, selon eux, un socle de croyance chrétienne pour remoraliser la société. Jean Paul II avait déjà plaidé pour faire figurer la référence chrétienne dans le préambule de la Constitution européenne.

Cette idée revancharde est dans l’air du temps depuis plusieurs décennies. Au passage, attention à la loi sur l’interruption volontaire de grossesse qui n’est pas en odeur « de sainteté » chez les bien-pensants.

Quoi de mieux pour valoriser cette idée que de stigmatiser l’autre, le différent, celui qui, venant d’ailleurs, peut-être facilement exclu du groupe ; bientôt, on lui dira que, pour rentrer dans les critères de régularisation, il doit se convertir, car c’est presque de conversion qu’il s’agit, du moins de conversion à l’uniformité.

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Dans son discours de Latran, le Président de la République avait énoncé que « le fait spirituel est la tendance naturelle de tous les hommes à rechercher une transcendance ». De quelle tendance parle-t-il ? Alors qu’il y a plus d’un milliard de personnes de par le monde qui ne croient pas à la transcendance, les animistes, les confucianistes, et c’est faire affront au 25 % d’athées qui composent la société française et qui sont des citoyens.

Quelle vision réduite et limitée de notre monde ! Car enfin, c’est bien de la France de 2010 dont nous parlons, celle que l’on voudrait moderne, en phase avec l’époque, celle de l’univers de l’internet, où l’information est connue en moins de deux secondes partout dans le monde, pas celle de la fin du XIXe siècle ou des années de l’occupation allemande.

Pourtant, le débat qu’on nous propose est celui d’une France de régression, fermée et conservatrice. Depuis toujours, et particulièrement aujourd’hui, la France est diverse, multiconfessionnelle et multiculturelle. Le débat dont la France a besoin c’est celui de la diversité, du respect de l’autre dans sa différence ; c’est redonner vie à notre devise « Liberté, Egalité, Fraternité », en y ajoutant Laïcité comme le préconisent certains.

Comment peut-on prétendre réduire ce débat au respect du drapeau tricolore, à La Marseillaise et au 14 Juillet ? Ces symboles importants de la fondation de la République ne sont plus ceux de la diversité française à l’heure de l’Europe moderne.

Comment prétendre débattre de notre identité nationale, vouloir faire aimer notre nation, et réduire le communautarisme qui semble tant effrayer, sans commencer par s’attaquer aux injustices et aux inégalités :

  • celles touchant les travailleurs sans papiers qui paient des impôts et des cotisations sociales et n’en verront jamais la couleur,

  • celles des jeunes Français des banlieues dites sensibles (à quoi) victime d’un chômage avoisinant les 40 %,

  • celles des anciens combattants africains et magrhrébins qui n’ont droit à aucune reconnaissance,

  • celles de la jeunesse qui fait peur et qui, sans répit, est l’objet de contrôle d’identité infondé par les forces de police,

  • celles des mal logés, plus de 6 millions de nos concitoyens,

  • celles des travailleurs pauvres dont les ONG nous disent qu’ils sont en augmentation importante à la suite des crises financière, sociale et écologique.

  • celles des gens du voyage et des Roms,

  • celles des prisonniers qui ne trouvent, pour beaucoup, d’autres issues que dans le suicide,

  • celles de l’exploitation éhontée des salariés qui eux aussi harcelés recherchent des issues dramatiques,

La liste pourrait être prolongée ...

Non, définitivement, refusons le débat. Faites le savoir en signant la pétition de MEDIAPART (1).

Au fait, et pour conclure, en fait de communautarisme, ne faudrait-il pas démanteler Neuilly-sur-Seine, communauté de riches et de nantis, très dangereuse pour le bien être du reste de notre nation?

http://www.mediapart.fr/journal/france/021209/lappel-de-mediapart-nous-ne-debattrons-pas


Jean-Claude Vitran

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