jeudi 27 août 2009

Dépasser la gauche ou dépasser à gauche?

Nombreux sont les citoyens qui s'interrogent : pourquoi, depuis l'avènement de la République, en France, les forces politiques de gauche ont-elles toujours été mises en échec? Le Front populaire de 1936 en est l'exemple historique. Les années Mitterrand en seraient l'unique exception, mais s'agissait-il, au cours des deux septennats, de gouvernements de la gauche ?

Il n'a sans doute jamais été aussi urgent et nécessaire de se demander pourquoi cette malédiction semble frapper une partie de la représentation politique ? Ne serait-ce pas parce qu'elle n'a jamais su inventer un modèle économique autre que celui fondé sur la croissance permanente de la production? Comment, dès lors, exercer, de façon durable voire permanente, un pouvoir qui consiste à faire fonctionner un système qui vous nie? Vient un moment où la contradiction est trop violente et il ne reste plus qu'à se débarrasser de responsabilités embarrassantes sans rapport avec ce pour quoi on a été élu.

La question vaut d'autant plus d'être posée qu'aujourd'hui il devient de plus en plus visible que, sans l'écologie, la gauche n'est plus du tout la gauche. Une fois achevée la période 1917-1989 pendant laquelle on a pu croire qu'il y avait une alternative socialiste au capitalisme, communisme et socialisme sont devenus caduques. Sans les nationalisations (et l'étatisation qui les accompagnait), il a semblé que n'existerait jamais plus de véritable bipolarisation économique et politique : est contre ouest, égalité contre liberté, collectivisation contre responsabilisation individuelle, solidarité contre compétition... On a même prétendu que nous étions entrés dans la fin de l'histoire, autrement dit, "la messe était dite" et le capitalisme triomphant était installé à jamais. Plus d'alternative donc, mais, à l'intérieur d'une économie mondialisée, de simples alternances : les bipolarisations étaient devenues celles du grand jeu médiatique électoral et nullement celles de changements d'orientation au sein de régimes différents. Qui veut accéder à la direction des affaires publiques n'aurait pas à faire triompher des idées mais à démontrer l'étendue de ses compétences. Le pilote du navire évite les écueils mais ne détermine pas le cap. La politique serait un savoir faire et un savoir dire; ce ne serait plus un savoir penser l'avenir. D'autres s'en chargent.

Ce que nous appelions la gauche était, précisément, le lieu où se concevait, se préparait, s'organisait un avenir tout autre : la République plutôt que la monarchie, la démocratie plutôt que la dictature, la liberté plutôt que l'esclavage, l'indépendance plutôt que le colonialisme, la coopération plutôt que l'élitisme, le partage social plutôt que l'égoïsme de classe, la paix plutôt que la conquête, l'hospitalité plutôt que l'exclusion, etc. La liste pourrait s'allonger. Le génie des assoiffés de pouvoir aura été de récupérer une partie de ces valeurs, de les adopter et de les adapter afin qu'elles apparaissent comme compatibles avec les principes mêmes de la société clivée où la richesse principale ne puisse jamais échapper aux mêmes.


Paul Valéry (1871-1945)

Nous en sommes là mais une nouveauté inattendue bouleverse la donne politique : le temps du monde fini a commencé comme l'avait bien vu le poète Paul Valéry, dès 1945. Ce n'est plus qu'une question de temps mais le capitalisme a terminé sa phase et la gauche, qui n'y est pour rien, n'a plus qu'à se remettre à rechercher une alternative à un système failli. Si elle ne le peut, elle mourra, puisqu'alors incapable de contester pratiquement ce qu'elle dénonce! Le marxisme tel qu'il a été compris et enseigné (souvent éloigné de la pensée même de Marx) n'offre aucune perspective susceptible de substituer un "nouveau monde" à celui qui prend fin. Nous ressemblons à ces marins qui, sur leur navire, enfermés dans un port dévoré par les flammes, n'ont d'autre choix que celui de fuir et de prendre la mer alors que la tempête y fait rage. Où est le plus grand danger? À l'abri des flots déchainés, au cœur de l'incendie, ou bien, loin de la menace d'un feu mortel, mais affrontés au pire ouragan? Attendre et compter sur sa chance ou prendre l'initiative au risque de tout perdre?

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Marx, l'écrivain, dont la pensée reste active (1818-1883).

Eh bien, il se peut que le pire des crimes soit celui de l'aveugle qui espère un retour au calme. La gauche dite molle qui fonde ses espoirs sur les échecs des actuels gouvernants pour s'emparer des rennes, par simple effet d'alternance, vivent sur une autre planète, qui n'existe plus... , celle où le plus produisait le mieux.

Chaque jour, les affaires reprennent et les inconscients s'en réjouissent, mais la fin du travail aussi s'annonce : on peut produire plus avec moins d'heures travaillées. Ce sur quoi reposait le capitalisme naissant : du travail pour tous, afin d'enrichir toujours plus les détenteurs des moyens de production ne correspond plus à l'organisation de l'économie moderne. Le chômage détruit la vie sociale comme jamais et nous en verrons bientôt les effets ravageurs.

Primaires ou pas primaires ( encore une confusion entre des moyens électoraux et l'ouverture d'un débat national, voire européen), il faudra bien, d'urgence, se pré-occuper des échéances immédiates dont font partie la lutte contre l'effet de serre, le dérèglement climatique, la fin des énergies fossiles, la préservation des réserves en eau, le recul de la bio-diversité, le partage des ressources alimentaires, le développement massif des énergies renouvelables, etc.

Dans ce blog, désormais, plus fréquemment, nous allons prendre notre part dans ce débat qui élargit la solidarité sociale à la solidarité écologique. La gauche véritable (ou tout autre désignation) aura à intégrer ce vieil aphorisme de Gandhi : "vivons simplement pour que tous les hommes puissent, simplement, vivre"!


Gandhi (1869-1948)

Oui, la gauche est dépassable, comme toutes les institutions humaines, mais si elle doit être dépassée, dépassons là à gauche, c'est-à-dire en fidélité avec ce qui l'a fondée, tout en usant du moyen actuel de contester ce capitalisme : l'écologie radicale, celle qui se moque de la croissance verte et solidarise toutes les luttes transgénérationnelles.

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran


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