mercredi 24 décembre 2008

Nous prenons rang dans la bataille d'interprétation

Les voilà qui se réveillent!
De Michel Rocard à Jacques Delors, d'Alain Juppé à Xavier Emmanuelli, entre
autres...
Et que nous disent-ils, ces bons apôtres (1)?


Qu'il est temps de rappeler, à l'approche de Noël, que le respect des autres et la sobriété ainsi que la solidarité active constituent plus qu'une urgence, une nécessité impérative.


Ah bon! Faut-il que le feu approche pour que l'on nous ressorte les principes et préceptes du retour à l'évidence? Est-ce la "grande trouille" qui oblige à appeler la Sainte Église au secours?

Si Noël demeure une espérance, pourquoi faut-il que la menace surgisse pour qu'il faille nous le rappeler? De quelle espérance s'agit-il, en cette fin d'année, sinon, après tant de drames et d'injustices, et comme le dit le magnificat -s'il faut citer des textes bibliques (1)!- de "renverser les puissants de leur trône"?

Si une certaine sobriété dans l'usage des biens matériels s'impose, pourquoi aura-t-il fallu que s'annonce une année 2009 très dure, dont souffriront d'abord ceux qui n'ont plus déjà, ou n'auront plus demain, l'essentiel permettant de vivre dignement, pour inviter à une sobriété dont les hommes de pouvoir se sont tenus si éloignés, depuis des décennies, et alors que l'arrogance des riches, actuellement, nous éclabousse tous de façon scandaleuse!

Si l'économie de marché ne peut fonctionner que dans des sociétés fondées sur ces valeurs morales (de respect et de sobriété, précise-t-on), pourquoi alors faut-il que ces sociétés, dites démocratiques, ait promu à ce point, ces derniers temps, sans état d'âme, le triomphe du plus rapide, du plus habile, du plus riche, du plus entreprenant et donc de la croissance à tout va?

Mais il y a bien pire, dans ce texte, que des contradictions entre les bonnes intentions, affichées, et les exploitations impitoyables, constatées, des plus faibles par les plus forts, sur toute la surface de notre terre-mère comme dit Jean Malaurie, de notre terre-patrie comme dit Edgar Morin! Cela donne à penser à une tentative de "sauvetage des meubles" qui ajoute le cynisme à l'hypocrisie.

Ainsi lit-on : les chrétiens ne condamnent pas l'économie de marché sous toutes ses formes. Pardon! Des chrétiens ou, admettons-le, le plus grand nombre des chrétiens... ne condamnent pas l'économie de marché, mais il n'est pas de foi de ne pas la condamner. Du moins si l'on prend au sérieux la parole que rapporte Matthieu: «Nul ne peut servir deux maîtres: ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent».

Et encore : la propriété est légitime si son détenteur en communique aussi les bienfaits à ceux qui en ont besoin! Où, quand et comment ce sage principe a-t-il, de façon massive et constante, été mis en œuvre? Le propriétaire partagerait-il spontanément son bien? À quelle vieille lune veut-on nous faire croire encore?

Quant au baptème de Jaurès par Léon XIII et de Gorbatchev par Jean-Paul II, il faudrait montrer un peu plus de prudence voire de décence! Rerum novarum, l'encyclique par laquelle l'Église reconnut l'existence de la question ouvrière ne faisait ni la promotion du socialisme ni même celle de la justice sociale. Quant à Gorbatchev, on peut difficilement penser qu'il fut aidé par le cardinal Wojtila pour promouvoir, en URSS, un socialisme enfin démocratique. Ce n'est pas, en tout cas, ce qui est apparu au monde entier.

Il s'agit donc de ne récuser ni le profit ni les investisseurs, conclut-on, /.../ mais d'appeler à une indispensable régulation de leur fonctionnement par les autorités publiques. Cela se peut penser, du moins des citoyens de bonne foi peuvent le croire. Cependant, en appeler à la pensée sociale chrétienne, pour le justifier, a quelque chose de décalé, de dépassé, de décevant! Est-ce bien ce que pensent ces hommes-là? Ensemble? Leur bonne volonté est désarmante, à moins que leur rouerie ne soit méprisable... Que croire?

Ils disposent pourtant de la clé qui ouvre la porte qu'ils laissent à jamais close! Plus, ils la montre cette clef! En citant
les pères de l'Église qui, disent-ils, un peu effarouchés, n'y allaient pas par quatre chemins, ils révèlent que les premiers chrétiens n'avaient pas grand chose à voir avec... le capitalisme! Saint Ambroise qui tonne (c'est ainsi qu'il faut le lire!) : voici que ce qui était destiné à l'usage de tous, tu te l'es arrogé pour toi tout seul...

Une bataille d'interprétation fait rage estime l'éditorialiste de Politis, Denis Sieffert (3). On aimerait trop,dit-il, du côté du gouvernement, des élites économiques et souvent médiatiques, nous convaincre que tout cela résulte d'un simple défaut de régulation. Mais il est tout aussi possible que la crise marque le début d'un changement d'époque.

manuscrit
Selon Rufillus, copiste et enlumineur, XIIe siècle
Saint Ambroise,

Nous prenons rang dans la bataille d'interprétation. L'explication pieuse de la crise n'est pas chrétienne. Même les païens, les agnostiques et les athées peuvent s'en rendre compte!

(1) Noël dans la crise : un rendez-vous pour l'espérance.
http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0,50-1134437,0.html

(2) Évangile selon saint Luc, chapitre 1, versets 46-55.
(3) Évangile selon saint Matthieu, chapitre 6, verset 24.
(4) Politis du 24 décembre au 7 janvier, n° 1032-1033, p.3.

Jean-Pierre Dacheux

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