jeudi 23 juillet 2015

Pour pouvoir habiter la Terre, il faut aux hommes être des migrants.


Il y a migrants et migrants. Les personnes à qui l'on donne ce nom, actuellement, sont celles, de plus en plus nombreuses, qui fuient leur pays, par sécurité, pour des raisons urgentes d'ordre politique, économique ou climatique. Il est, en effet, différentes formes de migration : pour s'éloigner d'un danger, pour échapper à la grande misère, à cause de la faim ou de la soif, etc...

Ainsi, les familles ou les célibataires, voire les enfants, qui tentent de traverser la Méditerranée, pour rejoindre l'Europe, sont-ils, sans plus chercher, appelés des « migrants » !

Les migrations transcontinentales ont peu à voir avec les mouvements de population qui concernent des zones géographiques restreintes, comme c'est le cas au sein de l'Europe. Elles brassent les humains sur toute la planète. Elles peuvent bien être combattues par les nationalismes de toutes sortes, racistes ou sectaires, elles sont irréversibles, incompressibles et inéluctables.

L'ampleur actuelle des « flux migratoires », et ce n'est qu'un début, amène à poser différemment la question des déplacements à la surface de la planète.

Cette inévitable et nouvelle approche, permet d'évoquer, avec un esprit plus critique, la désignation des Rroms d'Europe comme des « Rroms migrants ».

On confond souvent nomadisme et migration. Mais les Rroms ne sont ni nomades ni migrants.

Était nomade, et l'est encore, celui ou celle qui cherche un pâturage pour son troupeau.

Est nomade aussi, par extension, quiconque cherche de nouveaux espaces où vivre, sans tenir compte des cadres frontaliers existants.

Il est donc un nomadisme physique, celui des groupes humains en quête, depuis de nombreux siècles, de lieux de vie durables. Mais il est un autre nomadisme, plus complexe à saisir, plus culturel, et concernant tous les êtres humains qui se pensent Terriens d'abord et qui, en esprit autant que par leur corps -même s'ils ne « bougent » pas ou peu-, ne s'enferment en aucun territoire. Non seulement ils n'en privilégient aucun, mais aussi, ils n'en renient aucun. Ces nomades-là sont, en quelque sorte, des citoyens du monde qui se pensent comme « êtres au monde » et non comme « parcoureurs du monde ».

Le migrant, au XXIe siècle, n'est pas un nomade parce que, s'il se rend d'une aire de vie à une autre, c'est, le plus souvent, contre son gré, parce qu'il ne peut faire autrement pour sa sécurité physique ou pour s'assurer des revenus lui permettant de survivre.

Depuis l'aube des temps humains, l'espace terrestre a été occupé par des ancêtres, partis d'Afrique, pour se trouver des lieux où vivre.

Le migrant qui est parvenu à s'installer devient un immigré. L'immigré est donc un « implanté », quelqu'un venu d'ailleurs, par lui-même ou avec sa famille, depuis peu de temps ou depuis longtemps, qui s'incarnera, tôt ou tard dans son nouveau pays. La généalogie nous révèle que nous sommes presque tous issus de migrants-immigrés ayant des origines étrangères.

Mieux habiter la Terre est notre pré-occupation d'êtres humains, notre premier souci. Partager le sol où vivre est au cœur de la condition humaine, mais sans hospitalité, c'est impossible. Cela implique, en effet, de se déplacer, puis de stationner, de trouver accueil, de se vêtir, de se nourrir, de se mettre à l'abri (du froid, du vent, du soleil, de la pluie, de la foudre, du feu, et des concurrents agressifs, hommes ou bêtes). Depuis l'aube des temps humains, l'espace terrestre a été occupé par des ancêtres, partis d'Afrique, pour se trouver des lieux où vivre.

Loin de nous sont les nomades qui, dans la plus haute l'antiquité, ont franchi, à pied, des espaces considérables, occupé des territoires nouveaux et ont inventé des modes de vie adaptés à des environnements très précaires.

Très près de nous, au contraire, sont les nomades que nous sommes tous amenés à devenir, sur une planète de plus en plus limitée où les possibilités de transport ont totalement transformé les déplacements. Si la nécessité fait de nous des migrants, le plus souvent pour « se sauver », ce n'est pas par instinct ou par tradition. La sédentarité n'est pas un acquis. Depuis des dizaines de milliers d'années, les hommes voyagent pour découvrir des espaces où trouver accueil, paix et sécurité.

Les humains sont tous des voyageurs. Nous sommes tous, à cet égard, des migrants. 

Jean-Pierre Dacheux et Jean-Claude Vitran

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