vendredi 15 août 2014

Toute société a la presse qu'elle mérite.


En relisant les cahiers Léon Blum, nous avons retrouvé le texte1 que nous reproduisons ci-dessous.

Écrit en 1928, son auteur fait le procès de la presse de l'époque et au delà, celui du capitalisme.

Nous sommes navrés de devoir admettre que malgré toute la bonne volonté de nombreux citoyens et de « courageux » hommes politiques, il faut bien constater notre impuissance à changer le système économico-politique en place. Aussi, depuis 18302, sont écrits les mêmes articles ressassant les mêmes rengaines.

Pire, malgré les nombreuses dénonciations3 de ses perversités, le capitalisme, décortiqué par Karl Marx dès le XIXe siècle, survit toujours et, à échelle planétaire, il s'est renforcé, de plus en plus injuste et inégalitaire.

Rappelons-nous toujours ce qu'a avoué Warren Buffet, milliardaire américain, 1ère fortune des États-Unis : "Il y a une guerre des classes, c'est un fait, mais c'est ma classe, la classe des riches qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner."4

Nous sommes obligés de constater que les faits lui donnent raison, même si nous sommes certains que sa « classe n'a gagné qu'une bataille » et ne peut l'emporter in fine.

La course folle au profit ruine la planète. L'exploitation des plus pauvres se banalise sans vergogne. La domination autoritaire de nombreux peuples est de plus en plus violente. Le nombre de conflits armés, faisant de très nombreuses victimes civiles et jetant des milliers de réfugiés sur les routes de l'exil, ne cesse d'augmenter menaçant gravement la paix mondiale.

Comme en 1928, lorsque Léon Blum écrivit ce texte qui n'a pas pris une ride, de mauvaises ondes parcourent le monde.

Il est urgent de s'unir, au delà de nos différences, pour travailler à la paix et construire une société plus juste

Jean-Claude Vitran et Jean-Pierre Dacheux

La presse et la paix.
Toute société a la presse qu'elle mérite.

Le Populaire, 13 mars 1928

L'état actuel de la presse est lié à tout le système social. Sa vénalité a commencé avec le régime de la grande industrie et du capitalisme concentré. M. d'Ormesson5 souffrira-t-il que je le renvoie à une pièce très puissante, ou même très belles par parties : les Effrontés, d'Emile Augier ? La presse a perdu son indépendance du moment où les « classes dirigeantes » ont mis la main sur elle, du moment où la création des journaux a exigé de grands capitaux, et où les recettes de publicité occulte sont devenues un élément nécessaire de leur budget.
Il en est ainsi depuis bientôt un siècle, et le duel d'Armand Carrel et d'Emille de Girardin fut, à bien des égards, un événement symbolique. Aujourd’hui c'est pis encore. La presse est devenue elle-même une grande industrie concentrée, gérée par des trusts qui exploitent, en même temps que les journaux, des imprimeries, des agences de publicité, des fabriques de papier, des forêts.
Les journaux ne sont entre leurs mains qu'un procédé, direct ou indirect, de profit et de spéculation. Et c'est sur eux que compte M. d'Ormesson pour assurer l'impartialité et l'indépendance de l'information internationale ! C'est sur eux qu'il compte pour travailler à la paix quand le capitalisme est par lui-même un danger permanent de guerre.
Non, toute société a la presse qu'elle mérite, la presse qu'elle engendre. La presse se sera honnête et probe, elle ne deviendra un instrument d'intelligence et de rapprochement entre les peuples, que le jour où elle sera soustraite à la domination du capitalisme ; et ce jour sonnera pour elle en même temps que pour tous les autres modes de la pensée et du travail humain.

Léon Blum
1  Cahier Léon Blum N°31 - page 62 – Editeur Société des Amis de Léon Blum
2  Date du Duel entre Armand Carrel et Emile de Girardin tous deux propriétaire de journaux. Carrel fut tué dans le duel, il reprochait à Girardin d'utiliser la publicité pour financer son journal.
3  Karl Marx a écrit et fait paraître « Le Capital » en 1867.
4  Propos tenu sur la chaîne de télévision CNN en 2005.
5   Wladimir Le Fèvre d'Ormesson est un écrivain, journaliste et diplomate français, qui exerça notamment au Vatican, mais aussi en Argentine et au Chili. Il fut également président de l'ORTF et membre de l'Académie française. Oncle de l'écrivain et journaliste Jean d'Ormesson.

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