lundi 13 octobre 2008

Du contrôle social



Non, ce n’est pas un gros mot que de parler de contrôle social. L'expression doit être prise dans le sens d'un troisième mot : celui de maîtrise, c’est le sens anglo-saxon (comme dans self-control).


C’est la façon de vivre ensemble et de se supporter, ce qui permet à la société de « vivre en harmonie ». Longtemps les hommes ont cherché des codes pour vivre en harmonie.

Dès 1215, la Magna Carta, fut rédigé par les barons anglais pour réduire les pouvoirs royaux de Jean sans terre. Ensuite le 26 mai 1679 les « Anglais » proclamaient le Bill d’habeas corpus qui réglait avec précision le droit de l’inculpé et du détenu, et en 1688, ils proclamaient le Bill of right qui marquait le passage d’une monarchie de droit divin à une monarchie constitutionnelle basée sur un contrat. Le 4 juillet 1776, les « Américains » proclamaient leur indépendance. Enfin le 26 août 1789, en France les députés de l'assemblée nationale constituante établissent la synthèse des textes anglo-saxons et des idéaux politiques et philosophiques du Siècle des Lumières et rédigent la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.

Tout cela procède du contrôle social.

Mais aujourd’hui, l’État prend le « Contrôle » dans son sens premier : celui de « CONTRÔLER, VERIFIER, SURVEILLER, et SANCTIONNER » les citoyens. Et comme l’a dit Michel Foucault, «surveiller, c’est aliéner la pensée et c’est punir »

Depuis longtemps, les gouvernements rêvent de pouvoir tout savoir sur leurs concitoyens pour faire régner la paix sociale, leur paix sociale. Les premiers fichiers datent de la fin du règne de Louis XIV et vers 1775/1780, un certain Fouché devient le champion du fichage.

Depuis cette période, le goût de ce sport, devenu national, ne nous a pas quittés.

Ce fichage, que l'on peut sans exagérer penser qu’il sera, à terme, généralisé, révèle le changement fondamental de logique. De la primauté de la présomption d'innocence, il instaure la présomption de culpabilité.

Sa logique purement policière est claire : tous suspects donc tous fichés.

C’est celle des fichiers EDVIGE 1.0 et 2.0 qui fichent les enfants à partir de 13 ans, même s’ils n’ont commis d’infraction, seulement sur leur potentiel de dangerosité (ou leurs faciès).

Ses zélateurs expliquent avec perfidie qu'il s’agit d’un progrès puisque accusés à tort nous pourrions ainsi plus facilement être innocentés.

« Je m’en fiche d’être fiché, je n’ai rien à me reprocher ! » Cette phrase est souvent reprise.

Les juifs, les homosexuels, les Tziganes en 1942 n’avaient, eux aussi, rien à se reprocher, pourtant leur fichage par l’Etat français a permis leur déportation et leur extermination.

Le fichage systématique, et à priori comme prévu, dans EDVIGE 1.0 et EDVIGE 2.0, le développement anarchique de la vidéosurveillance est antithétique des idéaux de la société démocratique issue du siècle des lumière et de la révolution de 1789.

Accepter sans débat le fichage et la surveillance, c’est accepter une nouvelle société où s’établit la culture du soupçon, où s’installe l’arbitraire, et qui glisse vers le totalitarisme.

Ces remises en cause des libertés fondamentales de tous les citoyens ne peuvent être décidées par le seul gouvernement sous forme de décret ou d’arrêté.

Il faut qu’elles fassent l’objet d’un grand débat de société, du vote d’une loi, et d’une modification constitutionnelle ; il faut, enfin, redonner à la CNIL le pouvoir qu’elle avait avant la loi régressive de 2004 et lui octroyer des moyens juridiques, financiers et humains à la hauteur des enjeux de la société numérique qui s’installe.

Jean-Claude Vitran





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