jeudi 21 mai 2015

Sans repères, à gauche comme à droite, la politique se meurt.


Beaucoup d'entre nous, lassés des politiques démagogiques de la droite depuis 2002, avaient voté, sans beaucoup de convictions, il est vrai, pour le candidat désigné par les primaires socialistes.

Très rapidement, ils ont déchanté et compris que François Hollande ne ferait pas la politique pour laquelle nous l'avions élu. Pour les plus anciens, en 1983, nous avions déjà été floués par François Mitterrand au prétexte de la prise en compte des réalités économiques.

Ces déceptions successives doivent définitivement nous éclairer et nous rendre à cette évidence : il n'y a pas de différence entre une politique de droite et une politique socialiste, ou si peu.

Il n'y a, tous simplement, plus de pensée dans la politique des partis de gouvernement.

Le qualificatif « de gouvernement » n'est, d'ailleurs, pas adapté au système institutionnel actuel. C'est le terme « Gouvernance », très à la mode et repris sur tous les tons, qui semble à même de déterminer les politiques suivies par la droite comme par la gauche.

Issu de l'expression anglaise corporate governance, le mot désigne la direction d'entreprise et la bonne gestion.

Nous y voilà, les Présidents et « leurs collaborateurs » ne gouvernent plus, ils gèrent ! Enfin, ne gèrent-ils que ce qu'on leur ordonne de gérer, car ces dirigeants ne sont plus que les instruments volontaires et serviles de la prise du pouvoir politique par les financiers. Et dans ce système, où les partis de gouvernement, PS et UMP1 devenus essentiellement gestionnaires et de ce fait interchangeables, le citoyen n'est plus considéré comme un électeur mais comme un coût parmi d'autres.

Dans un petit opuscule qu'il vient de faire paraître, Régis Debray 2 raille le nouvel annuaire qui circule sous le manteau. À l'Élysée : le PDG de la Maison France ; à Matignon : le top management ; au Sénat : le Conseil de surveillance et au Palais Bourbon le comité d'entreprise.

Pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler que Manuel Valls3, le 27 août 2014, reçu par les dirigeants français, comme l'un des leurs, lors de l'université d'été du Medef avait prononcé ces mots « j'aime l'entreprise » et tenu un discours digne des meilleurs économistes libéraux. Le Président de la République est, aujourd'hui, promu premier représentant de commerce français, spécialiste en armement, particulièrement en avions de combat Rafale. Son sens aigu du marché l'amène à parcourir le monde, même si le discours n'est pas le même partout. Au Qatar et en Arabie Saoudite (où l'on exécute en tranchant les têtes au sabre), il vend des armes, sans appeler au respect des droits de l'homme, ce qu'il n'oublie pas de faire à Cuba qui est, il est vrai, un tout petit « client » potentiel.

Quelles différences peut-on encore trouver entre la droite et la gauche de gouvernement ? 

Elles sont indiscernables !
  • Toutes deux ont une soif inextinguible de pouvoir,
  • Elles ont la même approche dans le traitement des problèmes sociaux et des dysfonctionnements sociétaux,
  • Elles ont la même aversion pour l'État-providence,
  • Elles ont un besoin maladif de surveiller tous leurs concitoyens,
  • Leurs dirigeants sont formés par les mêmes écoles,
  • Leurs politiques génèrent des inégalités profondes entre les classes sociales,
  • Tous deux répètent compulsivement les mêmes mots : sécurité, démocratie, civilisation, productivité, croissance, chômage, droits de l'homme… Mais, ce sont des mots vidés de leur sens, du verbiage, des généralités apprises par coeur dans des officines de formatage politique et seulement destinés à combler la vacuité de leurs discours convenus.

Les porte-parole de cette gauche et de cette droite superposables ne gouvernent plus, ils exécutent docilement les directives du FMI, de la BCE, de la Commission européenne dominée par le gouvernement allemand.
  
Les maîtres du marché qui dominent la planète sont devenues plus forts que les États et le seul rôle qu'ils assignent à leurs « gouvernants » est d'assurer une gestion programmée ainsi que le contrôle des populations.

Le mot « horizon », promesse d'un lendemain meilleur, a disparu de tout discours politique. Ce qui fut le Plan, cette tentative d'instaurer la solidarité, a été remplacé par des « feuilles de route ».

Quand les politiques se ressemblent, elles finissent par se confondre puis par perdre jusqu'à leur raison d'être. Elles disparaissent alors, mais non sans souffrances. Sans l'espérance de bouleversements profonds, de réformes tournées vers l'hospitalité et l'égalité au lieu d'être orientées vers la satisfaction des plus riches, l'avenir est bouché et ne peuvent que s'annoncer des réveils hasardeux, assurément difficiles et violents.


 Jean-claude Vitran et jean-Pierre Dacheux


1  Peut-être bientôt « républicain » !
2  Régis Debray - l'Erreur de calcul - Edition le point sur la table
3  Premier Ministre alors qu'il ne représente que 6 % aux élections primaires du parti socialiste.

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